Mois : février 2014

Marie Saint-Pierre, la mode au service des femmes

Publié le Mis à jour le

(Texte publié le 2 février 2014 sur le site Plateau arts et culture)

 

marie_portraitDans le cadre de notre dossier sur la mode québécoise, nous avons eu le privilège de nous entretenir récemment avec celle qui trône à son sommet depuis 25 ans, Marie Saint-Pierre. Ayant fait sa marque dans un domaine longtemps réservé aux hommes, elle est sans contredit une pionnière qui a ouvert la voie à ses collègues féminines qui sont de plus en plus nombreuses à suivre ses traces. Marie Saint-Pierre est à la tête d’une entreprise qui compte une trentaine d’employés et sa maison déploie ses activités dans le secteur du luxe et de la haute-couture, le prêt-à-porter féminin, les parfums, les accessoires de mode et la maroquinerie. Ses boutiques ont pignon sur rue au centre-ville de Montréal et au Centre Rockland. Portrait d’une femme déterminée et engagée pour la cause des femmes.

L’utilité de la mode

Sur l’utilité de la mode, Marie Saint-Pierre ne se fait pas prier pour répondre. Selon elle, longtemps le vêtement féminin n’a servi qu’à habiller les femmes de manière utilitaire. Avec la montée du féminisme et l’arrivée des femmes sur le marché du travail, le vêtement féminin est devenu multifonctionnel. Cette liberté qu’offre désormais le vêtement est l’une des idées maîtresses défendues par Marie Saint-Pierre à travers ses collections.

Marie Saint-Pierre pense et crée pour la femme moderne. Elle est à la fois mère, épouse, femme d’affaires et occupe un poste de direction. Ses vêtements doivent être des partenaires, des outils dans la vie de tous les jours pour mener à bien tous les rôles qu’embrassent désormais les femmes.

Entre séduction et hypersexualisation

Collection été 2013
Collection été 2013

Pour la designer, le vêtement est un mode de communication, une manière d’exprimer qui nous sommes, notre féminité. Il est bien évidemment un objet de séduction parce que, selon elle, les rapports humains sont inévitablement régis par la séduction. Les femmes s’habillent pour être et se trouver belle, pour séduire, mais sans être réduites à des objets sexuels. Cette nuance est au cœur de la pensée de la designer qui combat l’hypersexualisation de l’image de la femme dans le domaine de la mode.

Depuis le début de sa carrière, Marie Saint-Pierre crée des vêtements féminins, sans se soucier des diktats de l’image de la femme véhiculée par les médias. Les femmes doivent pouvoir se sentir plus sûres d’elles, plus fortes. Elles ne devraient jamais avoir à choisir entre féminité et crédibilité, entre compétence et beauté. Marie Saint-Pierre conçoit donc ses vêtements comme une réponse à cette image de la femme-objet largement diffusée dans les médias et par plusieurs entreprises de mode.

Les vêtements doivent procurer bien-être et confort. C’est ce qu’elle appelle « l’intelligence du vêtement ». Malheureusement, même si elle possède une clientèle fidèle et que ses vêtements sont vendus partout à travers le monde, elle constate que ce discours, celui de la nécessité de créer des vêtements « intelligents » n’intéressent

Collection automne 2013
Collection automne 2013

pas les médias. Peut-être parce que la mode est un domaine ludique qui laisse peu de place aux débats de société. Par ailleurs, Marie Saint-Pierre constate qu’un mouvement féministe prend actuellement forme dans le milieu de la mode. Au Québec et dans le monde, de plus en plus de femmes choisissent de faire carrière dans ce milieu. Même si elles ne sont pas toutes conscientes de participer à un effort collectif pour changer la face de la mode, selon Marie Saint-Pierre, leur seule présence contribue à combattre l’image de la femme-objet.

Une femme engagée dans sa communauté

L’engagement social de Marie Saint-Pierre a trouvé son point d’aboutissement en 2004 lorsqu’elle a mis sur pied le Fonds Sous zéro. Ce projet vise à venir en aide aux femmes monoparentales démunies de Montréal en fournissant des vêtements chauds à leurs enfants durant les mois d’hiver. Depuis dix ans, dans le plus grand anonymat, près de 6000 enfants ont bénéficié de ces dons de première nécessité. La plupart du temps, les vêtements sont distribués à l’école dans le casier des enfants. De plus, aucun mécanisme de promotion ou de reconnaissance n’est mis en place autour du programme pour préserver la dignité des parents bénéficiaires.

Ses ambitions pour la mode québécoise

Pour conclure, Marie Saint-Pierre nous a révélé quelles étaient ses ambitions pour la mode québécoise au courant des prochaines années. Elle souhaite ardemment que les créateurs s’unissent et fassent preuve d’une plus grande solidarité pour augmenter leurs parts de marché auprès des consommateurs québécois et dans le monde. Voilà pourquoi elle s’est impliquée dans la création du Cabinet éphémère, la boutique nomade des créateurs québécois. Il s’agit d’une des nombreuses initiatives du Conseil des créateurs de mode du Québec. Marie Saint-Pierre n’est pas la seule designer à en appeler à une plus grande solidarité entre les créateurs québécois. Au courant des prochaines semaines, je vous présenterai les organismes de concertation qui travaillent à la promotion des créateurs d’ici.

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Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédits André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédits André Chevrier