Mois : août 2014

Indispensable Monique Giroux

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Portrait d’une ambassadrice passionnée de la chanson  

Monique Giroux. Source: www.icimusique.ca
Monique Giroux. Source: http://www.icimusique.ca

Une culture est vivante et forte quand elle est portée par des créateurs de talents qui n’ont de cesse de la renouveler et d’étonner, mais aussi, par des ambassadeurs qui ont à cœur son rayonnement. Depuis près de 30 ans, sur les ondes de la radio et sur toutes les tribunes, Monique Giroux communique sans relâche et avec passion son amour pour la chanson francophone d’ici et d’ailleurs. Son soutien aux artistes est inestimable et essentiel. Grâce à elle, ils sont nombreux à avoir bénéficié d’une vitrine leur permettant de rejoindre le public québécois de toutes les générations. À quelques jours de la rentrée culturelle, nous avons eu la chance de nous entretenir avec elle pour discuter de ses coups de cœur, ses projets et ses aspirations pour la mise en valeur de la culture et du patrimoine québécois. Portrait de Monique Giroux, ambassadrice passionnée de la chanson.

Au mois de juin dernier, elle a été nommée Chevalière de l’Ordre national du Québec, la plus haute distinction remise par le gouvernement québécois. Nous lui avons demandé ce qu’elle a ressenti et elle nous a répondu :

M.G. : Je ne prends jamais ces honneurs que pour moi. Je le prends pour mes maîtres, pour les femmes qui m’ont inspirée comme Chantal Jolis, Lise Payette et les artistes. Je me sens en continuité avec elles. Par exemple, sans Juliette Gréco, je n’aurais jamais fait de si chouettes entrevues. 

Les Québécois ne sont pas les seuls à reconnaître ses qualités exceptionnelles de communicatrice, et à souligner ses efforts pour la promotion de la langue française. Depuis quelques années, des distinctions lui ont été remises  au Québec et partout dans la Francophonie. En 2004, le gouvernement français lui a décerné la médaille de Chevalier des Arts et des lettres, en 2006, elle a rejoint le club très sélect de l’Ordre des francophones d’Amérique du Conseil supérieur de la langue française et en 2009, l’Assemblée des parlementaires de la francophonie lui a remis le grade de Chevalier de l’Ordre de la Pléiade.

Rigoureuse et intègre, Monique Giroux a acquis une place à part dans notre système médiatique, à l’abri des modes grâce à la sincérité de son engagement envers les artistes qu’elle promeut et défend. À la radio, elle a fait ses premières armes à l’antenne de CIBL.

Monique Giroux et Juliette Gréco, archives personnelles de Monique Giroux.
Monique Giroux et Juliette Gréco, archives personnelles de Monique Giroux.

À partir de 1993, Monique Giroux a fait les beaux jours de Radio-Canada avec des émissions qui ont profondément marqué les auditeurs, soit Les refrains d’abord, une quotidienne où elle faisait découvrir des artistes francophones d’ici et d’ailleurs,  Le Cabaret des refrains, émission enregistrée devant le public où des artistes québécois du moment étaient invités à interpréter les grands succès de la chanson française et québécoise des années 1960 et 1970. Par la suite, Fréquence libre diffusée sur la Première Chaîne et depuis 2011, Chants libres à Monique en ondes tous les dimanches après-midi sur Ici Musique (anciennement Espace musique). Prolifique, Monique Giroux a aussi conçu ou collaboré à moult émissions spéciales sur nos grands artistes vivants et disparus comme Félix Leclerc, Claude Léveillée, Diane Dufresne, Richard Desjardins, et Beau Dommage.

Durant toutes ces années, elle a été portée par le désir de transmettre au public ses coups de cœur, ses découvertes et sa passion pour la chanson. Très humblement, elle explique comment elle a décidé d’en faire carrière:

M.G. : J’ai que du plaisir à faire ce que je fais, à écouter des disques et à les partager aux gens. Comme je le faisais chez moi ado avec quelques amies assises en indien dans mon lit à qui je faisais écouter des chansons. Essentiellement, j’ai fait un métier de cette passion-là. Ce qui me touche le plus, c’est que des jeunes embarquent dans ce que je fais et leur propose.

Parallèlement à la radio, Monique Giroux a signé la conception d’une quarantaine de spectacles offrant une importante vitrine aux artistes d’ici. En 2011 et 2012, une série de dix-huit concerts intitulés Monique Giroux fait une scène retransmis à la radio ont réuni de nombreux artistes sous diverses thématiques.

(Mars 2014) Master class en compagnie de Juiette Gréco et 25 chanteuses québécoises.  Archives personnelles de Monique Giroux.
(Mars 2014) Master class en compagnie de Juliette Gréco et 25 chanteuses québécoises.
Archives personnelles de Monique Giroux.

Monique Giroux et ses artistes

La liste de ses réalisations est longue et montre comment l’animatrice a permis à des talents jusqu’alors inconnus de rencontrer leur public, comme Richard Desjardins, Ariane Moffatt et Pierre Lapointe, pour ne nommer que ceux-là. Au sujet de Desjardins, elle se souvient :

M.G. : Quand j’ai commencé à la radio de CIBL en 1986, on se passait des cassettes de Richard Desjardins. Il était alors totalement inconnu, un professeur de piano fraîchement débarqué du Nunavut et je trouve extraordinaire le chemin qu’il a parcouru. Je me souviens le premier spectacle qu’il a fait et où je l’ai présenté.

D’ailleurs, l’intérêt de l’animatrice pour le poète de l’Abitibi ne s’est pas démenti au fil du temps. À Paris en 2004, elle était à ses côtés au moment où il a reçu le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. Par la suite, en 2006, elle a animé Richard Desjardins. L’homme libre un documentaire qui lui a consacré Radio-Canada.

Avec affection, elle se rappelle ses impressions au moment de voir et d’entendre Pierre Lapointe pour la première fois.

Pierre Lapointe et Monique Giroux
Pierre Lapointe et Monique Giroux

M.G. : Pierre Lapointe je l’avais entendu grâce à un ami qui avait été subjugué après l’avoir vu. Très rapidement, les jours suivants, je l’ai rencontré et j’ai compris tout de suite que j’étais en face de quelqu’un de très d’étonnant, dont la voix ne ressemble à personne, qui chante pieds nus, en habit et qui s’accompagne au piano.

Les années suivantes, Monique Giroux lui a offert de nombreuses occasions de se faire entendre, ici comme en France, notamment grâce à un spectacle unique, Le Québec prend la Bastille présenté dans la Ville Lumière en 2011 à l’occasion du 50e anniversaire de la Délégation du Québec à Paris. Un peu plus tôt cet été, elle a été témoin privilégiée, fière comme une mère, des premiers pas du chanteur québécois au moment de fouler la mythique scène de l’Olympia.

C’est donc dire que Monique Giroux est bien plus qu’une animatrice pour les artistes, qu’elle agit comme une ambassadrice ou marraine en multipliant les projets pour leur offrir un maximum de visibilité. D’ailleurs, nous lui avons demandé de nous parler des artistes l’ayant marquée plus particulièrement ces dernières années et qui méritent une plus grande attention de la part des diffuseurs et du public. Spontanément, elle nous a répondu :

M.G. : Au Québec, je pense à deux artistes que j’aime beaucoup et qui sont formidables. Alexandre Désilets qui est heureusement plus connu qu’avant mais il est resté trop longtemps dans l’ombre. Ça fait dix ans que je le suis, le pousse et le tire, depuis qu’il a participé au Festival en chanson de Petite-Vallée. Son dernier disque est fantastique. J’aime beaucoup Alexandre. C’est un gars talentueux et intègre.

Ensuite, Marie-Jo Thério reste pour plusieurs personnes une inconnue. Cette fille-là est un véritable génie. Elle incarne à la fois Björk, Janis Joplin et Diane Dufresne. Toute sa personne, son être, est une création! Sa façon de voir les choses, de déambuler, d’analyser, d’écrire et de décrire, de transposer, de composer et d’être sur scène relève du génie. Je le pense depuis toujours et j’ai le sentiment qu’elle sera bientôt reconnue à sa juste valeur, un peu à l’image de (Richard) Desjardins qui a acquis la reconnaissance du public sur le tard. Aujourd’hui, les jeunes sont plus ouverts à ce qui se fait ici et ailleurs, en français, en anglais, en serbo-croate, en islandais, etc. et qui voient l’originalité partout où elle se trouve. Le public est désormais plus ouvert aux propositions plus audacieuses.

Et que pense-t-elle de l’utilisation du franglais dans l’écriture des chansons, un débat initié en plein cœur de l’été par Christian Rioux, chroniqueur au Devoir?

M.G : L’important, c’est de faire la preuve qu’on sait écrire dans sa langue. Que l’artiste sait écrire, penser dans la langue avec laquelle il rêve. Il faut lui poser la question : « Dans quelle langue rêves-tu?».

Comment faire son choix parmi l’abondante production qui nous arrive de toutes parts, d’ici et d’ailleurs?

Serge Fiori et Monique Giroux. Archives personnelles de Monique Giroux
Serge Fiori et Monique Giroux. Archives personnelles de Monique Giroux

M.G. : Les moyens de créer et d’enregistrer des disques se sont grandement démocratisés grâce au développement de la technologie, N’importe qui peut enregistrer un album grâce au logiciel Garage Band à la maison. Par la suite, la responsabilité incombe à des gens comme moi, ainsi qu’aux diffuseurs de se montrer clairvoyants au moment de faire le choix de parler ou non d’un disque, d’un artiste. C’est sûr qu’aujourd’hui, les propositions sont tellement nombreuses que le public ne sait plus quoi choisir. On se sent comme devant un buffet chinois et on se rabat sur les rouleaux parce qu’on ne sait plus quoi choisir. Heureusement, il y a toujours des audacieux et des gourmands qui vont retourner plusieurs fois remplir leur assiette pour s’assurer de goûter à tous les plats.

C’est mon travail d’être vigilante, d’écouter le plus de choses possible pour essayer de proposer ce qui me semble le plus percutant et pertinent. En fait, tous mes choix sont guidés par une seule question : qu’est-ce qui va rester, qui est représentatif du moment? Par exemple, en 1999, je pense évidemment à l’arrivée en scène de Daniel Boucher avec son premier album, Dix mille matins.

Et justement, comment deviner, sentir ce qui marquera l’époque?

M.G.: Mes choix sont purement instinctifs. D’où me vient la confiance dans cet instinct? J’ai l’audace de transmettre mes choix qui demeurent bien personnels. La fidélité des auditeurs me prouve que mon instinct est bon. Comme auditrice, j’ai envie qu’un humain me fasse des propositions. C’est ainsi que je conçois les émissions que j’aimerais entendre.

Des projets plein la tête

Monique Giroux a des idées plein la tête et plusieurs projets en chantier pour mettre en valeur la culture et le patrimoine québécois. Depuis une quinzaine d’années, elle espère pouvoir faire publier un beau livre sur l’histoire de la chanson, un projet coûteux pour lequel elle a enfin trouvé un éditeur. Cet automne, nous pourrons également lire un texte qu’elle signe sur l’histoire de la chanson québécoise dans un numéro hors-série du magazine français Télérama entièrement consacré au Québec.

Elle rêve aussi de mettre sur pied une soirée de bienvenue annuelle gratuite destinée aux nouveaux arrivants où leur serait livrée avec amour et générosité la culture québécoise dans ses plus beaux atours.

M.G. :J’imagine une soirée sous le signe du théâtre, de la danse, du chant et de la poésie. Nous pourrions remettre aux gens une brochure sur la culture québécoise traduite dans plusieurs langues ainsi qu’une carte de téléchargement de chansons québécoises. Ce projet me tient à cœur depuis longtemps et j’en ai parlé à plusieurs ministres de la culture au fil des années. Ce serait une manière positive d’intégrer les immigrants et leur transmettre notre culture dont on ne doit pas rougir. Se connaître et être fiers de soi, ça ne veut pas dire rejeter les autres, bien au contraire. Ça veut dire les inclure, avoir quelque chose à leur offrir en cadeau. Malheureusement, on a honte d’être ce qu’on est. C’est douloureux et c’est triste. Pour citer un chanteur connu, avec ce spectacle, nous leur dirions : « Les vouleurs de rire sont bienvenus chez nous!»

Finalement, cet automne elle poursuivra ses démarches notamment avec le Musée de la civilisation de Québec en vue de mettre sur pied un centre d’archives et d’interprétation. Depuis longtemps, elle conserve des documents sur les artistes qui pourraient être très utiles à la mémoire.

Et collectivement, qu’est-ce que les Québécois devraient faire pour s’assurer que leur patrimoine demeure bien vivant ?

M.G. : Dès leur tout jeune âge, apprendre aux enfants à apprécier la culture, la musique, l’histoire, à les amener voir des spectacles. La culture, c’est ce qui reste quand il ne reste plus rien d’une population.

La passion et la sagesse de Monique Giroux sont indispensables au rayonnement de la culture québécoise. Nous souhaitons à tous les domaines des ambassadeurs à sa hauteur.

Myriam D’Arcy

***

Quelques réalisations de Monique Giroux sur disque qui enrichissent notre patrimoine de la chanson…

  • Diane Dufresne: Diane Dufresne en paroles et musique. Folie douce, en paroles et musique, Radio-Canada, 2006 (série radiophonique, 3 CD)
  • Monique Giroux : .Un design sonore de Monique Giroux. Chansons choisies à ne pas écouter un jour de pluie quoique…, compilation, Tandem Mu, 2010.
  • Félix Leclerc: Heureux qui, comme Félix, GSI Musique, 2010 (série de 10 émissions radiophoniques réalisées en 1997 par Jacques Bouchard en collaboration avec Monique Giroux à l’animation et à la conception du coffret).
  • Les Refrains d’abord, Fonovox, collection de disques : Compilation de Pierre Calvé (1997), Renée Claude (1997), Lucille Dumont (1996), Pauline Julien (1996), Monique Leyrac (1995), Jacques Normand (1995), Isabelle Pierre (1997).
Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit: André Chevrier

Littérature et cinéma québécois: « Pour l’amour de la lecture : 5 films sur des auteurs québécois »

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ONF_Logo_hor_noir (2)En marge de la campagne « Le 12 août, j’achète un livre québécois » qui a été couronné d’un vif succès notamment grâce aux réseaux sociaux, l’Office national du film (ONF) propose aux internautes 5 films portant sur de grands écrivains québécois, parmi lesquels se trouvent Hubert Aquin, Maurice G. Dantec, Ernest Dufault, Yin Chen et Germaine Guèvremont.

La sélection de films se trouve en ligne ici.

Bravo à l’ONF pour cette belle idée qui fait rayonner notre cinéma et notre littérature!

Source: site de l'ONF
Source: site de l’ONF

Une nouvelle chanson de Louis-Jean Cormier!

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Le 19 août, les téléspectateurs de Pénélope McQuade ont eu le bonheur et le privilège d’entendre en primeur une toute nouvelle chanson de Louis-Jean Cormier « Le jour où elle m’a dit je pars ».

Une très belle chanson où simplement accompagné de sa guitare, Louis-Jean Cormier révèle encore une fois toute sa fragilité, son sens du rythme et sa grande qualité d’auteur comme en fait foi un très beau passage de la chanson:  « Quand l’écho de son dernier « Trop tard » résonne autant… Ça s’recule-tu le temps? »

Louis-Jean Cormier est définitivement dans une classe à part. Il nous tarde d’entendre la suite du nouvel album à paraître.

Virage numérique: préservation du patrimoine et rayonnement de nos artistes (3)

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Dossier sur l’industrie musicale québécoise

 

Je dois me confesser : j’aime beaucoup acheter des livres, des disques et des DVDs. Au fil des ans, ma bibliothèque s’enrichit et occupe de plus en plus d’espace à la maison. Sa présence est rassurante et témoigne du temps qui passe et de l’évolution de ma passion pour l’histoire, le cinéma et la musique.

Mes livres préférés proviennent des librairies d’ouvrages usagés car ils possèdent une histoire. Chacun a sa propre odeur et ses marques d’usure. Parfois, je m’amuse à déchiffrer des notes manuscrites griffonnées par le précédent propriétaire pour voir si nous avons noté les mêmes phrases, les mêmes passages. J’aime posséder des disques parce que les chansons d’un même album sont parties intégrantes d’une œuvre cohérente. Elles ont un sens, un message, plus que les chansons écoutées au hasard. D’ailleurs, je remarque que mes coups de cœur se font toujours quand j’écoute une, deux et trois fois de suite un même disque, quand l’atmosphère créée par l’artiste me gagne. Le livret, ses photos et les remerciements de l’artiste à son équipe m’intéressent aussi car ils en disent long sur la démarche artistique qui accompagne l’album.

Ces dernières années, le disque et le livre numériques ont gagné en popularité, ici et partout dans le monde comme en témoignent les statistiques publiés notamment par l’ADISQ. Jusqu’à tout récemment, je m’en désolais. À combien de discussions ai-je participé en me posant en défenderesse de l’objet contre le froid et immatériel support numérique devant des amis qui vantaient les vertus de la bibliothèque numérique. Imaginez : en voyage, plus besoin d’alourdir son bagage!

Même si je continue d’acheter la plupart de mes disques et tous mes livres, notamment avec le souci de les léguer à ceux qui me survivront, force est d’admettre que je découvre de plus en plus les avantages du support numérique. D’abord, sa diffusion ne connaît pas la distance et le frontières, mais surtout, il permet de conserver une œuvre sans craindre que le temps ne l’abîme.

 

Préserver notre mémoire

Les avancées technologiques de notre époque sont prodigieuses et permettent de conserver les œuvres et archives en leur assurant une longue vie. Les incendies, les guerres et les catastrophes naturelles peuvent effacer en quelques instants des pans entiers de notre mémoire et ainsi, altérer notre patrimoine. Les deux guerres mondiales ont rasé des villes et des monuments, des musées ont parfois été pillés et certaines œuvres perdues à jamais. À Montréal, en avril 1849, l’Hôtel du Parlement a été incendié par des émeutiers. Sont partis en fumée plus de 23 000 volumes, ainsi que les archives de l’Assemblée législative du Haut et du Bas-Canada. Des pertes considérables pour notre mémoire collective et pour les historiens. Aujourd’hui, heureusement, la numérisation des archives empêchent ces drames.

Les centres d’archives l’ont bien compris et depuis plusieurs années, la grande majorité des fonds publics et privés numérisent leurs collections. À titre d’exemple, en 2011, la Fondation Lionel-Groulx a fait don de l’ensemble des archives du grand historien à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ). Elle a aussi procédé à la numérisation de l’immense œuvre de Groulx pour s’assurer que les chercheurs et le grand public puissent accéder en un clic à ses écrits.

En plus d’assurer une meilleure conservation des archives de toutes natures, des journaux, des œuvres littéraires, musicales et cinématographiques, l’avènement du support numérique permet également une circulation infiniment plus importante des œuvres et documents. À ce sujet, saluons aussi le travail de moines effectué par les archivistes de BANQ qui, à ce jour, ont numérisé plus de 160 revues et journaux d’ici publiés depuis l’avènement de l’imprimerie au Québec.

Dans le domaine du cinéma, de beaux exemples de projets de préservation de notre patrimoine ont été menés ces dernières années. Le site de l’Office national du film (ONF) constitue une véritable mine d’or pour les cinéphiles puisque des milliers de films et documentaires produits par l’organisme sont disponibles gratuitement ou à prix modique. Il y a quelques jours, à l’occasion du 100e anniversaire de naissance de Félix Leclerc, l’ONF a également mis en ligne une section dédiée à Félix, en rendant disponibles 7 films auxquels il a participé.

Source: site de l'Excentris
Source: site de l’Excentris

De plus, en février dernier, l’ONF et le cinéma Excentris rendaient public un formidable partenariat conclu entre les deux institutions pour améliorer l’accessibilité du cinéma de répertoire en dehors de la métropole et dans toutes les régions du Québec. Depuis lors, certains titres sont présentés simultanément en salle à l’Excentris, ainsi que sur son site web et celui de l’ONF.

 

Essentiel projet Éléphant

Source: site d'Éléphant.
Source: site d’Éléphant.

En matière de préservation de notre patrimoine cinématographique, la palme revient sans hésitation à Québecor et son ambitieux et essentiel projet Éléphant qui s’est donné la mission d’être le gardien de la mémoire de notre cinéma. Depuis 2008, plus de 200 films ont été restaurés puis numérisés. À terme, ce sera l’ensemble des longs métrages québécois qui seront conservés sur la plateforme numérique et web. Ces films sont ensuite rendus disponibles au téléchargement (payants), notamment sur Illico pour les abonnés à Vidéotron et à l’ensemble du public sur ITunes Store. Ainsi, les Québécois peuvent découvrir ou redécouvrir des œuvres oubliées et celles-ci voyagent désormais à travers le monde. Il s’agit d’une vitrine exceptionnelle qui devrait inspirer les décideurs des autres domaines des arts.

 

Faciliter la circulation de nos œuvres

En effet, pour les mêmes raisons, le projet Éléphant devrait au premier chef inspirer les artisans de notre industrie musicale. La semaine dernière, mon texte portait sur les différentes avenues à explorer pour augmenter la diffusion et le rayonnement de nos artistes de la chanson. Lors d’un entretien qu’a accordé Philippe Renaud à Coups de cœur d’ici, (journaliste indépendant, critique de musique, chroniqueur et coanimateur de l’émission Les hauts-parleurs à Musique Plus) dans le cadre de la publication de ce dossier sur l’industrie musicale, il a formulé une proposition portant sur la mise sur pied d’une bibliothèque numérique où serait déposée l’ensemble de la production musicale québécoise. À mon avis, en collaboration avec les maisons de disques et les artistes indépendants, cette bibliothèque pourrait être administrée par l’ADISQ ou un organisme public qui serait dépositaire de notre production musicale.

Il y a de cela quelques années, avec un ami, j’ai longuement cherché une copie de la chanson « Le chemin du Roy » de Jean-Pierre Ferland, qu’on peut entendre dans le merveilleux documentaire du même nom (Québec – Ad Hoc Films en collaboration avec Télé-Québec, 2005) portant sur la venue du Général de Gaulle au Québec en 1967. Cette chanson n’était disponible nulle part. Après bien des aventures, cet ami est parvenu à la trouver sur un vieux disque, qu’un bon samaritain s’est empressé de numériser. Un répertoire musical comme celui d’Éléphant nous aurait rapidement permis de retrouver cette chanson et la faire revivre auprès de nos proches.

 

Plateformes de musique québécoise en écoute libre

Lors d’une entrevue réalisée avec l’animatrice Rebecca Makonnen, nous avons réfléchi aux moyens à prendre pour augmenter la présence de nos artistes de la chanson sur la toile. À son avis, à l’image des nombreux sites qui offrent ce type de contenus à travers le monde, tel Deezer, Spotify ou Songza, une plateforme web de chansons en écoute libre offrant un contenu uniquement québécois devrait être mise sur pied. Une recherche rapide sur ces sites montre bien que les propositions québécoises se font très rares. Voilà pourquoi nous devrions avoir le nôtre. Des listes de chansons pourraient être élaborées selon plusieurs styles, ambiances et thèmes différents. Comme la chaîne télé web Netflix l’abonnement mensuel pourrait coûter quelques dollars pour assurer une juste rétribution aux artistes et leurs maisons de disques. Ainsi, les mélomanes curieux pourraient faire des belles découvertes au hasard des chansons diffusées et les créateurs disposeraient d’une vitrine supplémentaire en plus des spectacles, des médias et des réseaux sociaux.

Fabrique culturelleFinalement, le virage numérique permet aussi une diffusion plus importante de la culture au sens large. Les productions télévisuelles, les arts de la scène, la mode, le design et les arts visuels tentent chacun à la mesure de leurs moyens de prendre le fameux virage numérique. Du côté de la télé, depuis son lancement, Tou.tv offre une sélection intéressante de séries télés, de documentaires et de films d’ici et d’ailleurs. Plus récemment, La Fabrique culturelle qui se définit à la fois un webmagazine, un lieu de création, de rencontres et de diffusion artistiques pour l’ensemble du Québec agit comme une grande bouffée d’air frais dans le milieu culturel. En effet, les multiples fonctions de cette plateforme montrent bien l’étendue des possibilités en matière de production et de mise en valeur des arts sur le web.

Encore faut-il que l’État finance adéquatement ces projets pour qu’ils puissent porter tous leurs fruits. De même, la nouvelle politique culturelle annoncée par le gouvernement du Québec pour 2016 devra impérativement tenir compte des bouleversements technologiques qui secouent présentement le monde des arts.

Pour prendre en douceur ce virage numérique et répondre aux défis qu’il suscite, on doit s’assurer que nos créateurs et institutions disposent des moyens nécessaires pour que notre production culturelle soit vivante et qu’elle rayonne à la mesure de ses talents et ambitions. Parmi ces défis, notons la protection des droits d’auteur, trop souvent bafoués à cause de législations qui ne tiennent pas compte des réalités nouvelles en la matière. Les artistes doivent à la fois être protégés contre le téléchargement illégal, mais aussi, l’émergence de plateformes dédiées à la diffusion de leurs œuvres doit être encouragée.

De leur côté, les artistes devront faire preuve de créativité et de flexibilité pour répondre aux demandes en constante évolution des consommateurs. À mon avis, l’album survivra aux bouleversements de l’industrie musicale mais il constituera peut-être un support parmi d’autres.

Finalement, au cours des prochaines années, espérons que des projets de préservation de notre patrimoine comme celui d’Éléphant se multiplieront pour s’assurer que notre patrimoine culturel demeure bien vivant, se transmette au fil des générations et de par le monde.

Myriam D’Arcy

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Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

100 bougies pour Félix Leclerc!

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10521348_804131252954247_3732395156162961488_n BQDepuis les commémorations ratées du 400e anniversaire de la fondation de Québec en 2008, on se désole souvent du peu de cas que font nos institutions et les médias des anniversaires historiques et des commémorations.

Par contre, ces jours-ci, nous constatons avec bonheur une exception : celle du 100e anniversaire de naissance du grand Félix Leclerc. Considéré par plusieurs comme le « père » de la chanson québécoise, Félix Leclerc a fait rayonner le Québec partout dans le monde et du même coup, a contribué à nous donner confiance en nous-mêmes et nous a appris, comme Gilles Vigneault, Claude Léveillée et d’autres, à aimer ce que nous sommes, assez pour en être fiers, assez pour avoir envie que notre peuple dure et s’épanouisse.

Décédé beaucoup trop tôt, il y a déjà 26 ans, Félix Leclerc a laissé une œuvre immense, immortelle et intemporelle. Ses chansons sont toujours bien vivantes et souvent reprises par les artistes contemporains comme en témoigne le spectacle hommage offert le 3 juillet dernier en ouverture du Festival d’été de Québec. Pensons aussi à la magnifique interprétation du « Chant d’un patriote » de Daniel Boucher (Le 08-08-88 à 8h08, GSI, 2000),  ou encore « Le tour de l’île » par Karkwa ( Hommage à Félix Leclerc, Tacca Musique, 2008) ou encore la bouleversante interprétation de « Mon fils » par Catherine Major. (Les Rescapés saison 2, SRC, 2012).

Avec un enthousiasme sincère, les grands médias participent tous à cette entreprise de commémoration. Hier, La Presse et Le Devoir publiaient chacun un texte rappelant l’importance de l’œuvre musicale et littéraire du poète, tandis qu’Ici Musique a conçu un dossier fort intéressant, en plus d’une web radio permettant d’écouter ses plus belles chansons

De son côté, l’animatrice Catherine Pépin consacrait à Félix une édition spéciale de son excellente émission Le temps d’une chanson (en rediffusion sur le web) à l’occasion de laquelle elle a présenté des chansons et surtout, des archives passionnantes.

Il y a quelques jours. sur son site, l’Office national du Film (ONF) a mis en ligne une section permettant de découvrir Félix le comédien, en rendant disponibles 7 films auxquels il a participé.

Finalement, au début de l’été, la Maison Félix Leclerc située à Vaudreuil a ouvert ses portes après plusieurs années d’attente. De leur côté, les résidents de la région de Québec peuvent se rendre à l’Espace Félix-Leclerc, situé à l’Île d’Orléans pour profiter de la programmation spéciale offerte à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance.

nn_e4586439506019En ce 2 août, célébrons la mémoire de Félix Leclerc et profitons de l’occasion pour faire découvrir son œuvre aux plus jeunes et à ceux qui ont récemment choisi d’habiter le Québec. C’est une excellente manière de lui rendre hommage, et de se rappeler à quel point les Québécois sont riches d’un patrimoine culturel exceptionnel, grâce à des hommes et des femmes comme Félix qui nous ont révélé à nous-mêmes.

 

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier