Myriam D’Arcy

Oncle Bernard – L’anti-leçon d’économie : touchant exercice d’humilité*

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Bernard Maris Source: Les films du passeur

Depuis jeudi dernier, la Cinémathèque québécoise présente le documentaire Oncle Bernard – leçon d’antiéconomie de Richard Brouillette. Oncle Bernard, c’est feu Bernard Maris, économiste français de renom, mais surtout l’un des principaux collaborateurs du magazine satirique Charlie Hebdo, théâtre des tragiques attentats contre la liberté d’expression perpétrés par des fous d’Allah le 7 janvier 2015. Ce film se veut donc un hommage à l’économiste et au journaliste de renom.

Tiré d’une entrevue captée dans les locaux du journal en mars 2000, le film est en quelque sorte un accident puisque les propos de Maris recueillis à cette époque étaient destinés au documentaire L’encerclement – La démocratie dans les rets du néolibéralisme (2008). L’intérêt de ce film réside tant dans sa forme que son contenu. Avec une humilité qui l’honore, Brouillette a choisi de présenter cette entrevue dans son intégralité, sans montage, en conservant toutes les prises et ses imperfections, incluant les nombreux changements de bobines. C’est d’ailleurs lors de ces moments volés, où le spectateur a l’impression d’être sur place parmi l’équipe de tournage que Maris se livre le plus, tantôt en badinant avec le réalisateur ou discutant avec Cabu de son agenda mondain. Maris se révèle en formidable vulgarisateur et déconstruit patiemment, avec humour et acidité, les principales idées reçues sur l’économie pour faire jaillir la lumière sur une science qu’il considère opaque.

Ce film à l’état brut vaut donc la peine d’être vu, notamment car on a l’impression d’en sortir plus intelligent grâce à cette « antileçon » d’économie au demeurant fort instructive.

Le film est projeté à la Cinémathèque québécoise jusqu’au 17 janvier.

Myriam D’Arcy

* Ce texte a également été publié sur La Gazette Audiovisuelle

 

 

La quête de sens de Bernard Émond

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JOURNAL-VIEIL-HOMME_affiche-finalC’est vendredi dernier que prenait l’affiche Le journal d’un vieil homme, dernier long métrage fort attendu de Bernard Émond. Mettant en vedette Paul Savoie, Marie-Ève Pelletier, Marie-Thérèse Fortin et Patrick Drolet, le film est adaptation au Québec contemporain de la nouvelle Une banale histoire (1889) du dramaturge et écrivain russe Anton Tchekhov. J’ai assisté à la première projection montréalaise pour vous livrer mes impressions à la lumière de l’œuvre du cinéaste.

Ses jours étant comptés, Nicolas fait le bilan de son existence qui a été bien remplie. Scientifique admiré et respecté, il a été couvert d’éloges et de distinctions tout au long de sa carrière. Professeur dévoué, l’enseignement demeure la seule activité qui le nourrit toujours, de même que sa relation avec Katia, la fille de sa première épouse décédée depuis longtemps. Insomniaque et malade, ces derniers mois s’égrènent plus lentement lui semble-t-il que sa vie toute entière. N’ayant soufflé mot à personne de sa condition physique, Nicolas réfléchit à l’impact de son cheminement sur la vie de ses proches. S’étant éloigné de Barbara, sa seconde épouse et de leur adolescente, Nicolas se sent de plus en plus étranger à sa famille et s’emmure en lui-même. À l’inverse, il se sent impuissant et inquiet devant le mal de vivre dans lequel se vautre Katia depuis qu’elle a abandonné sa carrière d’actrice. Ce désarroi le force à réfléchir au rôle qu’il a rempli auprès des siens. A-t’il été un bon père et n’est-il pas passé à côté de l’essentiel en se consacrant surtout à ses travaux scientifiques ? Les derniers moments du vieil homme seront donc hantés par son questionnement existentiel et aucune réponse ne viendra apaiser ses tourments.

Paul Savoie, Le journal d'un vieil homme. Source: Films Séville
Paul Savoie, Le journal d’un vieil homme.
Source: Les Films Séville

L’ensemble de la distribution offre un jeu sans failles et saisissant de vérité. Paul Savoie incarne avec justesse le vieillard fatigué. Sa gestuelle lente, son corps voûté et son visage torturé, marqué par la douleur, donnent à penser qu’il porte le poids du monde sur ses épaules. De son côté, Marie-Ève Pelletier est convaincante en actrice ratée, déprimée et cynique. Finalement, Marie-Thérèse Fortin, qui nous a habitué à des rôles de femmes chaleureuses, maternelles et enveloppantes campe ici une Barbara froide et distante à laquelle on s’attache difficilement.

Ce dernier opus de Bernard Émond est à l’image de sa filmographie toute entière : la réalisation est sobre et réaliste, et l’action se déroule lentement, laissant respirer chaque scène pour qu’elles s’imprègnent à notre mémoire. Comme dans La femme qui boit, le personnage principal assure la narration, respectant ainsi le texte et le style de la nouvelle de Tchekhov. Oscillant entre la mélancolie, le fatalisme et l’espoir, les images tantôt sombres, tantôt lumineuses témoignent des déchirements du vieil homme.

Cette histoire aux accents mélancoliques très forts, où sans répit le personnage principal analyse sa déchéance physique qui le rapproche de sa dernière heure, est allégée par quelques touches d’espoir apportées par la beauté de la nature. Nicolas médite face à la rivière et se dit que, quoi qu’il lui arrive, cette beauté-là demeurera. Ici comme dans tous les films de Bernard Émond, la nature est synonyme de force et d’espérance. Dans La Neuvaine (2005), après de terribles évènements qui viennent bouleverser sa vie, Jeanne trouve refuge au bord du fleuve à Sainte-Anne-de-Beaupré où elle le contemple des heures durant pour s’apaiser. Dans La Donation (2009), cette même héroïne s’exile dans la forêt abitibienne, immense et écrasante à la fois, dont les charmes s’avèrent finalement convaincants. Et dans Tout ce que tu possèdes, ce sont autant les beautés architecturales du Vieux-Québec, le fleuve, que les magnifiques champs de Saint-Pacôme qui accompagnent la quête existentielle du professeur de littérature. Cette beauté porteuse d’espoir n’est d’ailleurs pas sans rappeler les dernières images de L’Âge des ténèbres du cinéaste Denys Arcand où la nature est aussi synonyme de liberté et d’espoir.

Les questions chères au cinéaste, qu’il a notamment développées dans sa trilogie sur les vertus théologales, soit la foi (La Neuvaine), l’espoir (Contre toute espérance), et la charité (La donation) sont discutées dans ce dernier opus, de même que la celle de la transmission abordée dans Tout ce que tu possèdes. C’est que le cinéaste est un véritable intellectuel qui profite de ses films pour réfléchir à la condition humaine et ainsi enrichir sa (et notre) compréhension du monde, Voilà pourquoi chacune des propositions de Bernard Émond est accueillie avec intérêt. Le journal d’un vieil homme ne fait pas exception. À l’occasion de sa sortie, j’étais donc très heureuse de m’entretenir avec lui pour discuter des thèmes qui le traversent.

Bernard Émond explique pourquoi il a choisi de porter à l’écran cette nouvelle : « Tchekhov est un conteur extraordinaire et un observateur formidable de la nature humaine. Ses grandes pièces de théâtre sont bien connues du public, mais c’est moins le cas pour ses récits et nouvelles. Voilà pourquoi j’espère donc que ceux qui verront le film iront lire cet auteur ».

Le récit du Journal d’un vieil homme se déroule dans le Québec contemporain, plutôt qu’en Russie à la fin du XIXe siècle. Cette adaptation a constitué un défi, comme l’explique Émond: « Une banale histoire est un texte tellement extraordinaire, d’une telle profondeur, subtilité. En l’adaptant, j’avais peur de le trahir et de passer à côté de l’essentiel. Même si mon film se déroule dans le Québec contemporain, j’ai fait tous les efforts possibles pour respecter l’idée de Tchekhov ».

Bernard Émond Source: Les Films Séville
Bernard Émond
Source: Les Films Séville

Le réalisateur raconte avoir découvert ce texte il y a maintenant vingt-cinq ans. À l’époque, il avait eu envie de porter cette histoire à l’écran, mais pour toutes sortes de raisons, la chose n’avait pu se concrétiser. Bernard Émond se sentait beaucoup plus proche de Katia puisqu’ils avaient le même âge et pouvait comprendre son mal de vivre même si de son propre aveu, il ne l’avait jamais ressenti avec une telle force. Aujourd’hui, c’est davantage la condition et les tourments de Nicolas qui le touchent : « J’ai 64 ans, soit quelques années de moins que le personnage de Nicolas et j’arrive donc au dernier quart de mon existence. Je n’y peux rien, c’est comme ça. Voilà pourquoi la réflexion que mène Tchekhov à travers le personnage de Nicolas sur le vieillissement qu’il aborde tout en finesse me touche énormément. Il ne dit pas que tout dans le fait de vieillir est un naufrage, mais nous raconte plutôt l’histoire d’un homme dont la vieillesse est un naufrage ».

C’est aussi la puissance du texte et ce qu’il révèle sur la condition humaine qui le bouleverse : « Comme toujours chez Tchekhov, il dit deux choses sur un même sujet : ici, il exprime à la fois de la gratitude envers l’existence et de l’effroi devant son côté parfois tragique. C’est-à-dire que même si la fin de la vie est difficile, ce qu’on a vécu, on l’a vécu. C’est le cas de Nicolas dont les succès de sa carrière demeurent malgré tout. De la même manière que la beauté qu’on a vue et l’amour qu’on a porté à nos proches ne s’envolent pas. Donc cet amour qu’il porte à Katia ne sera jamais perdu. Alors même si les derniers mois de Nicolas sont difficiles, il parle quand même de son amour de la vie. Je trouve extraordinaire cette complexité dans l’œuvre et la réflexion de Tchekhov ». D’ailleurs, cette idée que rien n’est perdu est aussi exprimée au tout début du film La Neuvaine, alors que le personnage de Jeanne pleure la perte de son enfant emporté par la maladie en très bas âge. Quand elle affirme à son médecin que son bébé aurait mieux fait de ne jamais naître, il lui rappelle que cet amour-là ne sera jamais perdu.

À l’instar du personnage de la nouvelle de Tchekhov, Nicolas vit comme un étranger au sein de sa famille. Même s’il se sait condamné à mourir, il ne tente aucun rapprochement avec son épouse et leur fille, mais accueille plutôt la chose comme une fatalité. Cette idée, qu’on puisse se sentir indifférent à ses propres enfants est taboue et très rarement exprimée avec franchise. Pourtant, Bernard Émond ne craint pas de heurter les sensibilités du public : « Ce sont des choses qui arrivent. Heureusement, au cinéma, nous ne sommes pas obligés de respecter le formatage des téléromans. C’est curieux parce qu’aujourd’hui, au cinéma, on peut transgresser autant comme autant, avec des scènes de viols, de massacres qui ne choquent pas, mais une femme qui s’est éloignée de son mari, ou des parents qui en arrivent à se sentir étrangers devant leurs adolescents, ça choquerait? Il vient un temps où ils deviennent absolument insupportables et forcément, les relations sont très tendues avec les parents. Je pense donc que ça fait partie de la vie et qu’on peut le montrer à l’écran ».

Paul Savoie et Marie-Ève Pelletier, Le journal d'un vieil homme. Source: Les Films Séville
Paul Savoie et Marie-Ève Pelletier, Le journal d’un vieil homme.
Source: Les Films Séville

Une des scènes fortes du film montre un échange entre Katia et Nicolas qui lui reproche son oisiveté, depuis qu’elle a abandonné le théâtre. Jouissant d’un héritage confortable d’une vieille tante, Katia ne fait rien de significatif pour occuper son temps ce qui, pense Nicolas, exacerbe son désarroi. Cet idée, d’une vie utile, consacrée au travail est de moins en moins valorisée dans nos sociétés modernes où l’on fait une belle part à la consommation et aux loisirs. Bernard Émond se voit-il ramer à contre-courant de son époque? « Je vais résumer de mémoire un proverbe arabe : il faut se préoccuper tout à la fois des sept générations qui nous précèdent, et des sept qui nous suivent. En clair : il faut vivre avec la conscience du passé, en exprimant de la gratitude pour l’héritage qu’on a reçu, mais aussi, en ayant l’obligation de le transmettre. Il faut faire en sorte que le monde soit encore vivable dans sept générations. Dans le monde contemporain qui est le nôtre, on se comporte comme avant nous, il n’y avait rien eu et après nous, c’était le déluge! On est en train de couper les liens qui nous relient au passé et comme si la planète allait pouvoir soutenir ce rythme de consommation effréné encore longtemps. On est en train de rendre l’avenir invivable, mais on s’en fout ».

Au sujet de notre rapport au passé, ou plutôt de cette absence de rapport au passé, Bernard Émond précise : « Devrons-nous être obligés de réinventer Balzac à toutes les générations? J’ai l’impression qu’on n’enseigne plus l’histoire, les classiques de la littérature, ni ceux du cinéma. Il semblerait que l’attitude pédagogique la plus courante soit de donner à l’élève ce qu’il veut comme s’il était un client. Alors que moi je pense qu’être prof, c’est être sévère pour qu’il ait envie de se dépasser, c’est faire en sorte qu’il lira Guerre et Paix de Tolstoï à 16 ans. Cette idée, qu’on tranche définitivement note lien avec l’histoire m’effraie et me préoccupe constamment ».

Comme dans la plupart de ses films, il est question de la foi dans Le Journal d’un vieil homme, des doutes qu’elle suscite et des réponses qu’elle est censée apporter. Nicolas accueille la mort comme une fin définitive, plutôt qu’un passage vers un autre monde. Il pense à son corps qui flanche plutôt qu’au repos de son âme. En même temps, comme le personnage de Jeanne dans La Neuvaine qui n’est pas croyante mais qui se réfugie à Sainte-Anne-de-Beaupré et cherche des réponses au malheur qui s’abat auprès d’un prêtre, Nicolas se désole ne pas croire en Dieu. Il s’en désole parce que cette absence de convictions religieuses laisse un vide en lieu. Peut-être que s’il avait eu la foi, ces derniers mois lui auraient paru moins pénible? Rien n’est moins sûr, comme l’affirme le réalisateur : « Il y a des croyants pour qui cette idée de mourir n’est pas plus facile. On imagine toujours à tort qu’être croyant c’est rassurant car on ira retrouver nos parents disparus au paradis. Il y en a pour qui même si la foi est profonde, ne prennent pas ces histoires aussi littéralement. Je connais des gens croyants pour qui l’idée de la vieillesse et de la mort est prise dans une perspective plus légère mais ça ne règle pas tout. Probablement que la vie de Nicolas aurait été plus légère s’il avait cru en Dieu, mais il reste même pour les croyants une incertitude, un doute, car qui sait ce qui advient après la mort? ».

Le plus beau moment du film réside sans nul doute dans une discussion très tendue entre Nicolas, Katia et son ami Michel Murray, professeur de philosophie. Ce dernier les qualifie tous sans exception d’incultes et d’illettrés. À ce cynisme, Nicolas offre une magnifique réponse en affirmant avec autorité toute sa foi en la jeunesse. Il demande alors à son collègue comment il peut espérer enseigner quoi que ce soit à ces jeunes s’ils lui inspirent autant de mépris. À ce sujet, Émond se confie : À mon sens, la tirade de Nicolas est l’une des plus belles du film. Il m’arrive d’avoir la tentation du cynisme alors je me retrouve un peu dans les propos de Michel Murray. Je n’aime pas ça et je lutte contre ce cynisme-là. Le monde va plus que mal et c’est difficile de ne pas être un peu cynique. Par contre, je pense que la réponse offerte par Nicolas est juste; même malade, même affaibli, il affirme que le désir d’apprendre de ces jeunes-là est intact. On vit une époque qui peut paraitre difficile mais l’avenir est long! Dans ce texte de Tchekhov, on sent l’espoir, on sent l’amour de la vie ».

Ainsi, la sortie d’un film de Bernard Émond n’est jamais banale puisque le cinéaste a jusqu’ici construit une œuvre considérable, qui va souvent à contre-courant des sujets à la mode et des tendances. À tort, souvent ils sont qualifiés de sombres. Pourtant, chacun d’eux montrent les ressorts, la force et les qualités humaines qui permettent de se ressaisir quand on croit tout perdu. Certes, sans être inaccessibles, les films d’Émond sont exigeants. Surtout, ils nous habitent longtemps car ses thèmes sont puissants et universels. Pour cette raison, l’œuvre du cinéaste s’inscrit dans la courte liste des classiques de la culture québécoise.

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L’horaire des projections du film Le Journal d’un vieil homme :

Filmographie choisie de Bernard Émond

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Éléphant : petite histoire d’un grand succès

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Source: site d'Éléphant.
Source: site d’Éléphant.

À l’occasion de l’édition 2015 du Festival Fantasia qui s’est déroulée du 14 juillet au 5 août dernier, a été présenté le film Montréal Blues, du réalisateur Pascal Gélinas. Ce film qu’on croyait perdu depuis 1972, soit très peu de temps après sa sortie en salle, a échappé de justesse à la disparition grâce à la petite équipe d’Éléphant – mémoire du cinéma qui a réussi à restaurer l’œuvre dont les bobines avaient été fortement endommagées par la rouille et la moisissure. Ce petit miracle, la productrice Marie-Josée Raymond et le réalisateur Claude Fournier, co-directeurs de l’organisme, peuvent s’enorgueillir de quelques autres depuis le lancement de la plateforme en 2008. Le prétexte était donc parfait pour discuter avec les artisans de la soirée de la mission fondamentale et vitale que remplit Éléphant pour la préservation et la diffusion de notre patrimoine cinématographique.

Le soir de la projection, la salle était bondée pour voir enfin ce long métrage, fruit d’une création collective par la défunte troupe de théâtre Le Grand Cirque Ordinaire (1969-1977), réunissant à l’époque Raymond Cloutier, Paule Baillargeon, Gilbert Sicotte, Jocelyn Bérubé, Suzanne Garceau, Claude Laroche et Guy Thauvette. Le film met en scène un groupe d’ami dont certains dirigent le Montréal Blues, un restaurant d’alimentation naturelle géré en coopérative qui rencontre les membres d’une troupe de comédiens et de musiciens. Bien rapidement, des différends philosophiques forcent ces jeunes revoir leur mode de vie communautaire qui ne peut souffrir de toutes formes d’autorité et de règles. S’ensuivent alors de douloureuses ruptures amoureuses et remises en question existentielles.

Le cinéma comme véhicule de notre histoire

Montréal Blues témoigne bien des mœurs de son époque, comme l’explique Pascal Gélinas : « Le film est un portrait de cette jeunesse et rappelle sa façon de s’exprimer, mais aussi ses valeurs d’espoir et de partage teintées d’utopie, même si c’est nécessaire à cet âge-là. Elle pense détenir toutes les réponses, mais se rend bien compte qu’elle n’est pas nécessairement plus heureuse que les générations qui l’ont précédée. On assiste alors à un aveu d’humilité lorsque ces personnages prennent conscience de leurs limites et de celles de leur mode de vie ».

Pascal Gélinas Source: Pascal Gélinas
Pascal Gélinas

Gélinas se réjouit également de voir revivre pour un instant la troupe du Grand Cirque Ordinaire, qui a connu un grand succès à son époque en plus de révolutionner le théâtre au Québec : « Je suis aussi très heureux que grâce au travail d’Éléphant, le Grand Cirque revienne dans l’actualité. À l’époque, la troupe avait suscité un intérêt certain chez les jeunes qui adoraient ses créations collectives. En plus de Montréal Blues, ils ont monté quatre pièces de théâtre et organisé plusieurs soirées d’improvisation où le public était invité à participer. Au cours de ces tournées, ils ont attiré plus de 180 000 spectateurs. Par la suite, l’engouement a été tel que grâce à l’impulsion du Grand Cirque, des ligues d’improvisation se sont créées un peu partout au Québec. On peut donc penser qu’ils sont à l’origine de la Ligue nationale d’improvisation ».

De son côté, Marie-Josée Raymond semblait tout autant ravie que Gélinas au lendemain du visionnement public de Montréal Blues: « Les films parlent de nous et constituent des outils de connaissance pour le reste du monde. Ils témoignent de la culture et racontent l’histoire, le cheminement d’une société. C’est fascinant à quel point les réalisateurs jettent un regard perspicace sur une époque, même s’ils ne s’en rendent pas toujours compte sur le coup. Je discutais récemment avec Yves Simoneau, qui a réalisé Les Yeux rouges ou les vérités accidentelles (N.D.L.R. : également présenté dans le cadre du Festival Fantasia). Très à l’avant-garde, le film était à l’époque rempli de flashs sur la société québécoise. Dans Montréal Blues, je me rappelle une scène remarquable où le personnage joué par Jocelyn Bérubé donne sa définition de la jalousie. C’est intéressant de voir à quel point les choses ont changé depuis les années 70, au temps de l’amour libre et des communes. Tous les films ont des choses à nous apprendre. Voilà pourquoi chez Éléphant, nous restaurons et numérisons tous les films, et pas seulement les chefs d’œuvres ».

Aux origines du projet Éléphant

Lancé en 2008 par Québecor qui finance l’ensemble de ses activités, Éléphant a pour mission de devenir la mémoire du cinéma québécois en restaurant, puis numérisant l’ensemble de nos longs métrages de fiction. C’est une tâche pour le moins ambitieuse que se sont donnée Marie-Josée Raymond et Claude Fournier car au terme de l’exercice, plus de 1200 titres seront conservés. Une fois numérisées, les œuvres sont disponibles en vidéo sur demande sur Illico pour les abonnés de Vidéotron, et depuis 2013, en ligne sur ITunes partout dans le monde. Comme l’explique la productrice, au début de l’aventure, le projet n’allait pas de soi : « Autour de nous, les gens trouvaient le projet fou et irréalisable, et pour cause : l’acquisition des droits de films produits voilà plusieurs décennies, et dont la compagnie de production avait changé de propriétaires à quelques reprises n’était pas une mince affaire. Ensuite, il fallait bien trouver les bobines de tous ces films puisque certaines ne sont pas toujours complètes ou en état d’être restaurées. ».

C’est en 2006, à l’initiative de Pierre-Karl Péladeau, alors président et chef de direction de Québecor, que le projet est né : « Pierre-Karl se désolait que les films de répertoire, ceux jadis présentés dans les ciné-clubs, n’étaient à toutes fins pratiques plus disponibles pour le grand public. D’une part parce qu’il y avait de moins en moins de projecteurs en opération, et d’autre part, parce que les copies de ces films se faisaient rares. Il nous a donc donné le mandat, à Claude Fournier et moi, de voir comment nous pourrions numériser, restaurer et rendre accessibles tous les films du Québec » explique-t-elle.

Marie-Josée Raymond Crédit: Claude Fournier
Marie-Josée Raymond
Crédit: Claude Fournier

Tout était donc à imaginer et à faire puisqu’aucun modèle de pareille entreprise n’existait pour guider le couple. Dès le début de l’année 2007, ils se mettent au travail. Ils planchent sur un protocole technique, une marche à suivre pour restaurer et numériser les œuvres, ainsi que sur un protocole légal en vue de simplifier l’acquisition des droits des films. Des négociations sont alors entamées avec les syndicats des professionnels concernés pour établir le montant des redevances versées aux artistes. « Les syndicats ont reconnu qu’Éléphant est un projet patrimonial et collaborent avec nous, notamment pour compiler la présence des acteurs dans les films, ce qui permet ensuite de les payer. Nous offrons ce service aux producteurs pour leur simplifier la tâche » relate-elle.   

Cette conception du mandat de l’organisme comme étant patrimonial, Québecor l’assume jusqu’au bout. En effet, l’entreprise ne tire aucun profit des activités commerciales d’Éléphant, même si jusqu’à présent, pas moins de 16M$ ont été investis pour financer les travaux de restauration des œuvres, la publication annuelle d’un répertoire des titres, la publicité, l’administration du site web qui au fil du temps, est devenu un outil de références incontournable sur le cinéma québécois. C’est d’autant plus admirable qu’Éléphant est le seul organisme privé dans le monde s’ayant donné pour mission d’être le gardien du patrimoine cinématographique de sa société : «Nous voyons Éléphant comme un service public. Pour nous assurer de redonner le maximum aux artistes, nous redistribuons l’ensemble des profits aux artistes, même si le CRTC nous autorise à garder 28% de chacune des locations. De son côté, Vidéotron garde un montant minime, soit 10%, pour aider à payer les coûts liés à l’utilisation de leurs serveurs et bandes passantes.» explique la productrice.

D’ailleurs, c’est avec une fierté non-dissimulée et tout à fait légitime qu’elle raconte comment le travail de sa petite équipe est reconnu à l’international : « En juillet dernier, au festival du cinéma de Bologne, le président du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, qui organise également le festival Lumière à Lyon, entièrement consacré aux films de répertoire, nous a cité en exemple. Il a affirmé que nous étions très en avance sur le reste du monde. Ça été une très belle journée! »

À la question de savoir comment le catalogue annuel des restaurations est établi, elle explique « On priorise ce qu’on trouve. Par exemple, pour le film À corps perdu de Léa Pool, je suis sur une piste pour retrouver la bande originale. Aussi, suite au décès du producteur Jean Dansereau, son épouse nous a téléphoné pour nous dire qu’elle avait découvert plusieurs bobines dans son hangar. Voilà comment nous avons retrouvé celles de Montréal Blues. Je travaille donc au gré des découvertes et des demandes que nous recevons.

Le rôle fondamental de la Cinémathèque québécoise

En mars dernier, de nombreux acteurs de l’industrie du cinéma, dont Denys Arcand, Micheline Lanctôt, Marie-Josée Raymond et Claude Fournier tiraient la sonnette d’alarme pour dénoncer les conséquences désastreuses du manque de financement étatique récurrent de la Cinémathèque québécoise. Pourtant, depuis cinquante ans, l’institution remplit une mission fondamentale en documentant et sauvegardant le patrimoine audiovisuel québécois, en étant le dépositaire légal de nos œuvres cinématographiques. Pour mémoire, un projet de fusion avec Bibliothèque et Archives nationales (BANQ) était alors envisagé. L’affaire avait fait grand bruit, si bien que le gouvernement avait été forcé de reculer. D’ailleurs, par le biais d’un article publié sur ce blogue, j’avais joint ma voix à celle des artistes pour demander qu’un financement adéquat soit octroyé à la Cinémathèque, dont les collections sont difficilement accessibles pour le public ne pouvant se déplacer à sa médiathèque, et qui, faute de moyens, tarde à prendre le virage numérique. À toutes fins utiles, c’est tout un pan de notre cinématographie, et principalement nos films documentaires, qui échappe aux cinéphiles. La chose est d’autant plus regrettable qu’il n’y a qu’à se tourner vers l’Office national du film (ONF) pour constater à quel point ce virage peut être profitable. En effet, l’organisme offre aux internautes plus de 3000 documentaires, films d’animation et fictions dont elle détient les droits. Avec des moyens financiers suffisants, voilà un exemple qui mériterait d’être suivi par l’institution québécoise.

Le centre d’archives de la Cinémathèque étant le principal lieu où s’alimente l’équipe d’Éléphant lors de la restauration d’un film, le manque de financement affecte et ralentit parfois considérablement ses activités, comme l’explique la productrice : « Si nous ne rencontrons pas d’obstacles majeurs, il faut compter en moyenne de 3 à 4 mois pour la restauration d’une œuvre. La plupart du temps, les bobines sont conservées à la Cinémathèque. Par contre, comme l’institution souffre d’un manque criant de financement, beaucoup d’archives sont entreposées sans avoir été classées, ce qui nous complique considérablement la tâche. Je tiens à préciser que son équipe fait un travail extraordinaire mais elle manque de moyens. Parfois, je sais que des éléments d’un film s’y trouvent car son réalisateur se rappelle les y avoir déposé, mais parfois, allez savoir où exactement s’ils n’ont pas encore été traités! »

Pourtant, malgré ses appels répétés auprès du gouvernement du Québec, rien ne bouge : « J’ai soulevé le problème aux différents ministres de la culture qui se sont succédés ces dernières années en plaidant pour l’embauche de personnel supplémentaire pour rattraper le retard accumulé dans l’archivage et le classement des dépôts. Il faut se rappeler qu’en 2012, l’institution avait dû annoncer un moratoire sur les nouvelles acquisitions parce qu’ils ne savaient plus où entreposer son matériel. Comme le gouvernement ne soutient d’aucune façon les activités d’Éléphant qui devrait être assumées par l’État, on pourrait au moins nous faciliter la tâche.»

Le souci de la transmission

Pour l’heure, il y a quand même lieu de se réjouir et de saluer le travail exceptionnel accompli par la petite équipe d’Éléphant. Car en plus de son programme de restauration de notre cinéma, l’organisme fait du mentorat pour assurer sa relève. Ce souci de la transmission qui anime les dirigeants d’Éléphant ne s’arrête pas qu’au patrimoine cinématographique. En effet, Marie-Josée Raymond et Claude Fournier ont les yeux tournés vers l’avenir et souhaitent assurer leur relève dans un secteur, où tout est à bâtir. En plus de plaider pour l’ajout de cours portant sur la restauration des œuvres cinématographiques au baccalauréat en cinéma de l’UQAM, ils octroient depuis l’an dernier la bourse Jean-Claude Lauzon qui vise à encourager l’innovation dans le domaine de la production médiatique visuelle.

Également, auprès des étudiants de cette même université, ils ont lancé en mai dernier le concours  Maisonneuve, me reconnais-tu? où les participants sont invités à réaliser un court métrage de quelques minutes à partir d’extraits de films de différentes époques où la métropole est mise en valeur. Fort du succès de cette première édition, les organisateurs du concours songent à l’étendre à toutes les écoles de cinéma de la métropole : « Au moment du 375e anniversaire de Montréal, nous pourrons dire : voilà ce qu’Éléphant pense de Montréal » ajoute-t-elle.

Finalement, en novembre prochain se tiendra la 2e édition de l’évènement intitulé Éléphant ClassiQ, consacré aux films numérisés et restaurés. Organisé en partenariat avec la Cinémathèque québécoise et l’UQAM, ce rendez-vous du cinéma offrira des projections de films, mais aussi, des conférences et des ateliers de formation sur les techniques de restauration et la recherche de financement. Plusieurs invités internationaux réputés figurent viendront discuter de l’importance à financer des projets patrimoniaux comme celui d’Éléphant. Notons la présence d’Alain Juppé, ancien premier ministre français et l’un des instigateurs du programme d’investissements de l’État français, mieux connu sous le nom de « grand emprunt » ayant notamment soutenu des projets de recherche et d’innovation dans le domaine des nouvelles technologies. Ces subventions ont notamment permis au producteur et distributeur Gaumont de restaurer et numériser son patrimoine cinématographique. D’ailleurs, Nicolas Seydoux, membre de la famille fondatrice de Gaumont, participera aux ateliers offerts dans le cadre d’Éléphant ClassiQ, ainsi que Pierre-Karl Péladeau.

Cet évènement risque fort d’être intéressant et sera, entre autres choses, l’occasion de réfléchir au rôle de plus en plus important – et j’oserais même dire vital – des mécènes dans le secteur des arts et de la culture. Grâce aux activités philanthropiques d’entreprises privées qui remplissent parfois, comme c’est le cas avec Éléphant, une mission qui devrait être du ressort de l’État, certains de nos musées, théâtres et salles de spectacles arrivent à maintenir une programmation de qualité. Si le désengagement du gouvernement dans la culture est proprement scandaleux, il faut saluer le soutien de de ces entreprises qui souvent à leur façon, contribuent au développement de notre nation.  J’aurai d’ailleurs le loisir de revenir sur ce sujet dans une prochaine chronique.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Guibord s’en va-t-en guerre: projections simultanées à Montréal et Locarno!

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C’est hier soir sur la Piazza Grande du Festival de Locarno en Suisse qu’avait lieu la première mondiale du très attendu Guibord s’en va-t-en guerre de Philippe Falardeau. Comme le public québécois devra encore patienter jusqu’au 2 octobre pour voir le film, à l’initiative du distributeur, une projection toute spéciale avait lieu en plein air à l’Esplanade du Parc Olympique. Quelques 1000 personnes ont pu assister à l’évènement grâce à différents concours organisés par les médias.

Malgré le ciel menaçant, la foule était dense et l’ambiance, enjouée. Il faut dire qu’aucun détail n’avait été laissé au hasard pour rendre la soirée aussi sympathique que possible : le parterre ressemblait à s’y méprendre à celui érigé pour les festivaliers suisses et un macaron arborant le slogan de notre désormais candidat préféré était remis à chaque participant. Tourné un peu plus tôt au moment de monter sur la scène du festival pour présenter son film, Philippe Falardeau a enregistré un court vidéo où en chœur, les 6000 spectateurs suisses nous ont transmis leurs salutations. Le ton était donné!

Satire politique redoutablement efficace, Guibord s’en va-t-en guerre raconte comment Steve Guibord (Patrick Huard), député fédéral indépendant d’un immense comté situé au nord du Québec, est propulsé à l’avant-scène de l’actualité politique canadienne. À la faveur du hasard, Guibord détient le vote décisif qui pourrait plonger le Canada en guerre. Incapable de se décider, et encouragé par sa fille et son épouse (Suzanne Clément), Guibord se lance dans une consultation populaire auprès de ses électeurs qui sera suivie de Vancouver jusqu’à… Port-au-Prince! Cette occasion lui offrant une « fenêtre de démocratie directe » l’amènera à sillonner son comté qui deviendra rapidement le terrain d’affrontement des Amérindiens, militants pacifistes et entrepreneurs miniers qui verront dans cette consultation l’occasion rêvée de marchander leur appui. Entre les exigences des différents lobbies et les jeux de coulisses politiques, le député tentera de rester fidèle à ses principes et ses engagements, ce qui ne sera pas une mince affaire! Dans son aventure démocratique, Guibord sera accompagné par Souverain Pascal (Irdens Exantus), attachant et efficace stagiaire haïtien fraîchement débarqué au Québec.

Source: site officiel
Source: site officiel

Le dernier opus du cinéaste chouchou des Québécois sortira en salle au début du mois d’octobre, soit quelques jours avant que nous soyons réellement convoqués aux urnes. Gageons que la fiction rejoindra la réalité en nous offrant ensuite de savoureuses intrigues politiques puisque les projections laissent présager l’élection d’un gouvernement minoritaire. En pareille situation, nous avons quelques fois été bien malgré nous les témoins de quelques revirements rocambolesques tel que la défection de l’ancienne députée conservatrice Belinda Stronach, laissant esseulé Peter Mackay dans son champ de patates, ou encore l’inoubliable et télégénique appel à la nation de Stéphane Dion.

 Pour ma part, mon choix est fait et le 2 octobre prochain, je vous invite massivement à voter du bon Guibord!

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Le bruit des arbres : portrait d’un Québec en déshérence

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Ces jours-ci se trouve à l’affiche sur nos écrans Le bruit des arbres, premier long métrage du réalisateur François Péloquin et de la scénariste Sarah Lévesque. Sous forme de chroniques, le film raconte l’été des 17 ans de Jérémie Otis (excellent Antoine L’Écuyer) contraint d’aider son père (Roy Dupuis) à la scierie familiale située dans un village du Bas Saint-Laurent. Le film est une métaphore intéressante de la condition québécoise actuelle.

Pour Jérémie, cet été qui marque la fin de son adolescence est rempli de premières fois : premiers émois amoureux et déceptions, mort de son chien, expérimentation de drogues et construction de son identité en opposition à son père. Contrairement à Régis qui est attaché à la forêt et son coin de pays, à son métier qu’il pratique à l’ancienne en boudant la machinerie, Jérémie préfère les voitures et rêve de quitter la région. Ce fossé culturel qui les sépare est symbolisé par une scène marquante où au cours d’une même soirée, les vieux succès country québécois qu’affectionne Régis concurrencent le rap anglophone de l’adolescent.

Le bruit des arbres invite à réfléchir autour de deux thèmes forts : d’abord, celui de la dépossession qui se traduit par ces éoliennes se dressant partout où le regard se pose et qui défigurent le territoire, par la promesse d’un avenir professionnel bouché à ceux qui choisissent de rester en région, par les ressources naturelles qui s’épuisent, et l’hégémonie de la culture anglo-saxonne. Ensuite, la société québécoise en déshérence, incapable de formuler un projet collectif permettant aux jeunes de trouver leur place en s’inscrivant en continuité avec son parcours historique. Dans le film, nulle part Jérémie ne se trouve à sa place, malgré l’ardent désir de son père de le voir suivre ses traces. D’ailleurs, la quête de Régis, en mal d’héritiers à qui léguer sa terre et son savoir, rappelle bien évidemment l’émouvant ( Le) Démantèlement de Sébastien Pilote qui tenait un semblable propos sur la transmission.

Source:
Source: K-Films Amérique

Ce sont des adolescents désœuvrés et sans véritable port d’attaches qui nous sont présentés dans Le bruit des arbres. La belle saison s’écoule au rythme du gangsta rap et des cliquetis du bling bling, des soirées passées à s’étourdir sous l’effet de la drogue et des jeux dangereux. Le portrait offert par François Péloquin est déprimant et ressemble en tous points à celui porté à l’écran par Maxime Giroux (Félix et Meira) dans Jo pour Jonathan (2010) où l’ambition des personnages se résume à la recherche de plaisirs éphémères et à gagner assez d’argent pour s’acheter une voiture avec laquelle ils pourront impressionner leurs amis. Ces jeunes cherchent leur salut que dans la possession de biens matériels, mais sans y trouver l’apaisement ou les repères espérés. Dans les deux cas, ils ne montrent aucun intérêt pour les études, non plus que pour leur avenir. Leur mal-être existentiel s’exprime dans la recherche constante de sensations fortes et de danger.

Roy Dupuis et Antoine L'Écuyer,
Roy Dupuis et Antoine L’Écuyer, « Le bruit des arbres ».
Source: K-Films Amérique

En y réfléchissant bien, ce malaise n’est pas étonnant. À ces jeunes, nous léguons un Québec aux contours désormais flous, contrairement aux générations précédentes à qui était offert un projet de société bien défini, soit la survivance d’un peuple et son émancipation. Aujourd’hui, la situation est toute autre. Faute de repères, la société québécoise se cherche et s’épuise dans un individualisme grandissant où le chacun pour soi est roi. Aucun projet structurant ne nous mobilise, nous rassemble. Notamment, la question nationale qui n’a toujours pas trouvé son point d’aboutissement fait en sorte qu’il est difficile de se projeter dans l’avenir avec assurance et clarté. Dans ce contexte, que devons-nous transmettre à ceux qui nous suivent?

Dans le film, cette douloureuse question est illustrée par Régis, dont l’avenir de son entreprise est incertain, qui doit décider entre vendre aux plus offrants tout en sachant que sa mission sera dénaturée, ou poursuivre son labeur sans l’assurance d’éviter la faillite. Ce n’est donc pas étonnant qu’il n’arrive pas à trouver les mots qui puissent convaincre ses fils de lui succéder.

Le bruit des arbres est donc un film intelligent, qui prouve avec éloquence toute l’utilité de nos créateurs à éclairer notre présent.

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L’horaire des projections du film dans la grande région de Montréal se trouve ici.

Pour de plus amples détails sur le film, consultez sa page Facebook.

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Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Le film Antoine et Marie : une réflexion salutaire

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Depuis sa sortie en salle, le film Antoine et Marie, du réalisateur Jimmy Larouche jouit d’une grande visibilité médiatique, et pour cause. Unanimement salué par la critique pour le choix du propos, ses qualités esthétiques et sa solide distribution, le long métrage raconte l’histoire de Marie, femme dans la fleur de l’âge, victime d’une agression sexuelle après avoir été droguée au GHB lors d’un 5 à 7 arrosé entre collègues. Mettant en vedette la sublime Martine Francke, Sébastien Ricard et Guy Jodoin, le scénario est construit avec finesse et intelligence. Dès l’ouverture, le spectateur se trouve plongé dans le même épais brouillard que Marie, comme si lui aussi avait ingéré la drogue du viol. Ainsi, le public tente en même temps que l’héroïne de recoller les pièces du puzzle pour découvrir ce qui est réellement arrivé. D’ailleurs, aucune image de la fameuse soirée n’est montrée à l’écran. La ville d’Alma où l’action se déroule est froide, grise et glauque et colle parfaitement au propos du film.

Ce deuxième opus de Jimmy Larouche est criant d’actualité alors que la question des agressions sexuelles a défrayé les manchettes à moult reprises au cours des derniers mois. Pensons à l’« affaire Gomeshi » et la déferlante de dénonciations d’agressions tous azimuts qu’elle a provoqué, la campagne d’intimidation des potentiels agresseurs dans les rues de Montréal baptisée On t’watch et le dérapage en règle dont l’UQAM a été le théâtre l’automne dernier alors que des professeurs ont été dénoncés anonymement pour des agressions dont la véracité des faits allégués a rapidement été contestée.

À mon avis, ce film prouve que, contrairement à ce que certains intervenants publics affirment depuis quelques années, nous ne vivons pas dans une société qui banalise, voire tolère les agressions sexuelles. C’est ce que la sexologue Jocelyne Robert (femme dont j’estime le travail même si je ne suis partage pas son avis à ce sujet) et d’autres qualifient de « culture du viol ». À ce sujet, le réalisateur avec qui je me suis entretenue raconte avoir réalisé son long métrage suite aux confidences d’anciennes copines mais aussi d’amies et de proches qui ont subi une ou des agressions sexuelles. Leurs histoires ont directement inspiré le récit et certaines scènes du film. « Je voulais que les spectateurs ressentent les évènements plutôt que de les prendre par la main en expliquant les moindres détails. Il n’en demeure pas moins que je présente un problème de société en espérant avoir un impact positif sur la suite des choses ».

Guy Jodoin et Martine Francke Crédit: Glauco Bermudez, directeur photo, Antoine et Marie.
Guy Jodoin et Martine Francke
Crédit: Glauco Bermudez, directeur photo, Antoine et Marie.

À cent lieues d’être un film à thèse, Antoine et Marie arrive comme une bouffée d’air et décrispe l’atmosphère permettant de reprendre la nécessaire réflexion autour de ce sujet de première importance. Larouche explique : « C’est un film qui aborde le thème des agressions à caractère sexuel mais aussi qui traite de la faillite de notre société face à cet enjeu de taille. Tout repose sur le jeu de deux comédiens à travers le regard que porte sur eux leur entourage, le silence et les idées préconçues mille fois répétées. Je pense notamment au style vestimentaire de Marie ou de son attitude générale avec les hommes avec qui elle est très à l’aise. Je voulais montrer les répercussions concrètes de ces préjugés ». Les personnages de Larouche se trouvent aux antipodes de l’image de la victime et de l’agresseur tels qu’ils sont habituellement représentés : Marie, la quarantaine, ne correspond pas aux critères de beauté standardisés, est libre, forte, sexy et à l’aise dans un milieu d’hommes. De l’autre côté, Antoine, bel homme tourmenté, asocial dont la souffrance est niée par son entourage.

Au sujet de sa distribution, le réalisateur affirme, que « Pour briser les clichés, il faut les montrer et à la fois en sortir. J’ai vu certaines gens réagir devant le film et ne prenant pas le partie de Marie. Ils ne comprenaient pas comment elle réagissait. On ne peut provoquer de réflexion ou de discussion si on sert aux gens ce qu’ils veulent voir et entendre. Pour les amener à réfléchir, il faut les bouleverser, les choquer et les brusquer. Si mon histoire avait été prévisible, avec un casting convenu, ça n’aurait pas fonctionné. Si j’avais montré une jeune femme fragile à l’écran, tout le monde l’aurait prise en pitié et ça n’aurait pas permis cette discussion ». De son côté, Martine Francke, qui incarne Marie à l’écran, ajoute : «En fait, ce que Jimmy Larouche désirait montrer, c’est une femme mature, un peu libertine, très à l’aise dans son corps, qui vit dans un milieu d’hommes. Elle aime ce milieu-là et elle y est la seule femme. Il y a quelque chose de très libre chez cette femme-là qui est très beau ».

Guy Jodoin et Martine Francke Crédit: Glauco Bermudez, directeur photo, Antoine et
Guy Jodoin et Martine Francke
Crédit: Glauco Bermudez, directeur photo, Antoine et

Martine Francke raconte comment elle s’est préparée pour incarner son personnage et quel type d’implication émotive il commandait : «  Pour être capable d’aller aussi profondément dans cette douleur-là que je n’avais jamais vécue, j’ai demandé à Jimmy de me faire rencontrer des femmes qui ont été violées après avoir pris du GHB. J’avais envie de parler avec elles et elles ont la générosité de m’ouvrir leur douleur. Grâce à ces discussions, j’ai pu comprendre et sentir toute l’horreur du monde qu’elles ont vécu, de même que la coupure nette de leur bonheur suite aux évènements. Elles ont aussi été coupées de leur propre liberté, de la confiance envers l’extérieur et envers elles-mêmes car leur instinct ne les a pas mis en garde contre ce qui allait arriver ».

À la question de savoir si le fait d’être un homme rend le traitement de son sujet plus difficile ou délicat, Jimmy Larouche répond : « Je suis une personne assez empathique et capable de me mettre dans la peau d’une victime pour essayer de comprendre ce qu’elle a vécu. Par contre, c’est plus difficile de comprendre l’agresseur. À ce sujet, j’ai effectué beaucoup de recherches pour cerner le profil type des agresseurs et essayer de comprendre ce qui peut les pousser à poser des gestes aussi graves. Je ne crois pas que les êtres humains naissent méchants mais plutôt qu’ils le deviennent suite à certains évènements. Ce serait trop facile de penser que les agresseurs sexuels ne sont que des êtres mauvais car dans la grande majorité des cas d’agressions, les victimes 70% des victimes ont été agressées par des gens qu’elles connaissent, donc des membres de leur famille, des collègues, des amis ».

Au sujet du personnage d’Antoine, Larouche poursuit : « Le point en commun de tous les agresseurs c’est un désir de domination et de contrôle. La plupart du temps, ils sentent qu’ils n’ont pas le contrôle de leur vie et souvent, attribue ce manque de contrôle à la femme. L’agression devient une manière d’obtenir vengeance sur elle, de se reprendre en main et de se redonner confiance. C’est complètement ridicule car si ces gens allaient en thérapie, ils se rendraient compte que le bobo vient d’ailleurs, qu’il est profond et propre à eux. Souvent, ils se victimisent, vont blâmer les autres pour leurs problèmes et échecs. À mon avis, il arrive parfois que lorsqu’une personne souffre beaucoup, elle n’est pas toujours consciente des autres autour d’elle. Elle est tellement préoccupée par sa propre souffrance qu’elle ne réalise pas devenir parfois la source de celle des autres. Dans le cas d’Antoine, il ne se sent pas mieux après l’agression de Marie. Il n’est pas bien ».

Sébastien Ricard Crédit: Glauco Bermudez, directeur photo, Antoine et Marie.
Sébastien Ricard
Crédit: Glauco Bermudez, directeur photo, Antoine et Marie.

Le réalisateur croit qu’un agresseur peut guérir ses pulsions, mais à condition d’améliorer de façon importante l’accessibilité des soins dans le domaine de la santé mentale : « C’est comme la personne qui a des troubles d’anxiété ou qui fait une dépression. La guérison peut être très longue et difficile mais il y a moyen de trouver la cause, l’origine de ces pulsions, de ce mal-être et de les traiter. Il faut donner accès à des thérapeutes. Ça nous coûte beaucoup plus cher de réparer les dégâts plutôt que d’investir dans la prévention. On éteint des feux plutôt que de les prévenir. Pour faire une comparaison, dès que la gorge nous picote, on peut se rendre à l’hôpital et consulter un médecin. Par contre, un malade qui souffre d’anxiété sévère ou de dépression à tel point qu’il devient dangereux pour les autres et pour lui-même devra sans doute attendre des mois avant de pouvoir consulter un psychologue ».

À la question de savoir si on se remet d’une telle agression, Martine Francke répond : « Les victimes que j’ai rencontrées sont allées en thérapie et ont reçu de l’aide et du soutien de la part de leurs proches et d’organismes comme les CALACS. Je pense que suite à des évènements aussi graves qu’une agression sexuelle, ces femmes en sortent brisées. C’est ce que ces femmes m’ont expliqué, celles que j’ai rencontré pour préparer mon personnage, et celles qui se livrent à moi après avoir visionné le film. D’ailleurs, c’est extrêmement touchant car elles me perçoivent comme étant l’une des leurs. Certaines me disent que nous avons enfin mis en images et en mots ce qu’elles ressentent. Le film apaise leur douleur et la culpabilité qu’elles ressentent ».

En cette ère d’austérité budgétaire où les arts et la culture ne sont visiblement pas considérés comme faisant partie des sacro-saintes « vraies affaires » par notre gouvernement, le film de Jimmy Larouche appelle à une nécessaire réflexion sur la progression des agressions à caractère sexuel grâce à la drogue du viol et surtout, sur les mesures à prendre pour endiguer le problème à la source en repensant l’accessibilité des soins en santé mentale. Antoine et Marie constitue donc une contribution salutaire qui, je l’espère, aidera à assainir le climat dans ce débat public de première nécessité.

Pour voir Antoine et Marie à Montréal et partout au Québec :

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Corbo: le Québec au point d’ébullition

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CORBO_affiche_hiresDepuis quelques jours, le drame historique Corbo, premier long métrage très attendu de Mathieu Denis est à l’affiche sur les écrans du Québec. Le film raconte l’attentat commis par l’adolescent Jean Corbo (Anthony Therrien) en 1966 pour le Front de libération du Québec (FLQ) où il trouvera accidentellement la mort.

Au-delà des évènements qui sont racontés, cette histoire est intéressante et force la réflexion. En apparence, tout sépare Jean Corbo des militants québécois d’extrême-gauche issus des classes ouvrières qui deviendront ses compagnons d’armes. Né dans une famille bourgeoise italo-québécoise de Ville Mont-Royal, rien ne destinait cet adolescent promis à un brillant avenir à s’engager dans ce mouvement révolutionnaire responsable d’actes terroristes. À cette époque, à peine quelques années avant la crise de Saint-Léonard, rares sont les membres de la communauté italienne de Montréal qui choisissent de vivre en français, et à plus forte raison qui s’engagent pour l’indépendance du Québec. La trajectoire de Jean Corbo vers son triste aboutissement n’est pas banale et mérite qu’on s’y attarde.

Avec intelligence et nuances, le film raconte comment l’engagement politique pousse ce groupe de jeunes militants à poser des gestes irréparables. Ceux-ci réclament l’égalité économique, politique et sociale du peuple québécois dominé par les Canadiens anglais et cela, malgré les grandes réformes en cours de la Révolution tranquille. Mathieu Denis évite judicieusement les pièges du pamphlet, contrairement à Octobre de Pierre Falardeau. Le résultat : on ne sort pas indemne du visionnement de Corbo. Les spectateurs sont forcés de se positionner et de mettre à la place des protagonistes pour décider si dans une situation semblable, ils auraient agi de la même manière.

Quelques heures après avoir vu le film, je me suis entretenue avec Mathieu Denis, scénariste et réalisateur pour discuter de son premier long métrage.

MDA : Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de Jean Corbo et non celle d’un autre acteur du FLQ?

MD : Jusqu’à un certain point, j’essaye de me comprendre moi-même à travers mes films et certains sujets s’imposent à moi. Avec Jean Corbo, j’avais la conviction que c’était une histoire pertinente à raconter et j’avais moi-même envie d’en savoir plus. Je fais des films d’abord parce que j’aime le cinéma, parce que c’est un art qui me fait vibrer et qui me passionne, qui est à la fois porteur de sens et d’émotions. Certains films me touchent et me font réfléchir. J’ai envie que mes films aient cet impact-là sur ceux qui vont les voir.

Je n’avais donc pas envie de raconter une simple anecdote à propos du passé, mais plutôt un sujet qui trouve écho dans le présent, qui soit encore pertinent aujourd’hui. Le cas de Jean Corbo a quelque chose de très contemporain, notamment à cause de son bagage familial. Il y avait une quête identitaire dans sa démarche et ça nous parle. Même si le Québec d’aujourd’hui n’est pas celui de 1966 qui était principalement blanc, catholique et francophone, la question identitaire se pose toujours puisque nous n’avons pas encore réalisé notre indépendance.

C’était aussi pertinent de parler de Jean Corbo et de son engagement parce qu’aujourd’hui, nous vivons de plus en plus comme une société atomisée, c’est-à-dire une collection d’individus qui vivent de plus en plus en pratiquant l’indifférence envers les autres.

Anthony Therrien et Tony Nardi, Corbo. Crédit: Max Films Média
Anthony Therrien et Tony Nardi, Corbo.
Crédit: Max Films Média

MDA : Les premières scènes du film montrent Jean Corbo rejeté par ses confrères de classe et son enseignant au nouveau collège qu’il fréquente. Ne se sentant pas reconnu comme un des leurs, il aurait pu ne pas faire sienne la lutte des Québécois pour leur émancipation. L’engagement de Jean Corbo n’allait donc pas de soi. 

MD : Même s’il était issu d’une communauté immigrante, Jean Corbo avait besoin de prendre part au monde dans lequel il vivait. Voilà pourquoi je trouvais important de présenter la famille et cette espèce de filiation qu’il y a entre le grand-père (Dino Tavarone), le père (Tony Nardi) et le fils. Le grand-père a été fortement humilié après avoir été emprisonné durant la Seconde guerre mondiale dans un camp d’internement en Ontario réservé aux immigrants d’origine italienne. Pendant cette période, sa femme est décédée et il n’a même pas pu assister à ses funérailles. Il a aussi perdu sa maison et son commerce. Suite à ces tragiques évènements, il n’a plus voulu entendre parler d’intégration à la société d’accueil. Il en est venu à la conclusion que quoi qu’il dise ou fasse, il serait toujours considéré comme un Italien, alors il s’est complètement retiré dans sa communauté.

Pour sa part, la réaction de Nicola, le père de Jean, lui aussi emprisonné dans un camp, est différente. Même s’il s’est senti humilié, il sortira moins marqué de cette expérience que son père puisqu’il était plus jeune au moment de la guerre. Sa manière de réagir est différente : pour ne plus que jamais une telle chose ne lui arrive, il a pris le pari de travailler fort pour faire de l’argent et acquérir un statut social enviable. Son intégration au Québec est donc matérialiste. Voilà pourquoi il est aussi ébranlé lorsque Jean, à qui il a offert un avenir doré sur un plateau d’argent, lui annonce sans ménagement qu’il refuse cette vie de bourgeois. Les aspirations de Jean sont différentes de celles de son père et son grand-père. Autour de lui, il voit des injustices et des inégalités sociales et veut mettre la main à la pâte pour faire en sorte que ça change.

Mathieu Denis  /  MAX FILMS MEDIA Photo: Philippe Bosse /  Max Films Media
Mathieu Denis /
MAX FILMS MEDIA
Photo: Philippe Bosse / Max Films Media

MDA : Comment avez-vous entendu parler de Jean Corbo?

MD : C’est mon père qui m’a raconté cette histoire lorsque j’étais plus jeune. À l’époque, les évènements l’avaient fortement marqué et lui sont toujours restés en mémoire. D’ailleurs, si Jean était encore en vie, ils auraient à peu près le même âge.

J’ai essayé de me mettre à la place de Jean et me suis demandé si j’aurais été capable du même genre d’engagement politique. La réponse, c’est non et ce constat est confrontant. Quand j’étais adolescent, il n’y avait pas de cause assez forte pour expliquer un tel engagement. J’ai donc eu envie de comprendre pourquoi la situation était devenue si différente et pourquoi ma génération est apolitique et un peu cynique. Ça m’inquiète car les choses ne peuvent que dégénérer lorsqu’on se désintéresse de notre propre destinée.

MDA : Mis à part Jean Corbo, quels personnages portés à l’écran dans votre film ont réellement existé?

MD : Tous les personnages ont existé ou sont nés de croisements de membres de cette cellule du FLQ. Plus particulièrement François (Antoine L’Écuyer) et Julie (Karelle Tremblay), sont des composites de personnages historiques. Par contre, les gestes qu’ils posent à l’écran et les évènements racontés sont véridiques. Quant à eux, Mathieu (Francis Ducharme, le dirigeant de la cellule, c’est Pierre Vallières et Robert (Jean-François Poulin), celui qui donne un atelier sur Frantz Fanon, c’est Charles Gagnon. Je n’ai pas caché leur véritable identité, même si j’ai pris la liberté de les présenter sous leur pseudonyme.

MDA : Comment les felquistes ont accueilli votre projet de film?

MD : Au cours de mes recherches, j’ai retracé quelques anciens membres du FLQ. Certains ont refusé de me parler car ils ont tourné la page et ne souhaitent pas ressasser le passé. La plupart étaient surpris que je surgisse pour discuter de ces évènements largement occultés par ceux d’octobre 1970. Ils ont à peu près tous une chose en commun : ils ne semblent pas conscients de la place qu’ils occupent dans l’histoire. Aussi, la plupart ignorent si leurs gestes ont une quelconque valeur puisque jamais personne ne leur en parle. Parfois, j’ai senti une certaine fierté d’avoir essayé quelque chose. En même temps, ils ont honte de ne pas avoir obtenu plus de résultats concrets et bien sûr, à cause des victimes.

MDA : Jusqu’à présent, vous nous avez habitué à des œuvres qui offrent une réflexion sur la société québécoise. Je pense à Corbo mais aussi à Laurentie, que vous avez coréalisé avec Simon Lavoie. Est-ce que le cinéma a une fonction pédagogique?

MD: Jusqu’à un certain point, j’essaye de me comprendre moi-même à travers mes films et certains sujets s’imposent à moi. Avec Jean Corbo, j’avais la conviction que c’était une histoire pertinente à raconter et j’avais moi-même envie d’en savoir plus. Je fais des films d’abord parce que j’aime le cinéma, parce que c’est un art qui me fait vibrer et qui me passionne, qui est à la fois porteur de sens et d’émotions. Certains films me touchent et me font réfléchir. J’ai envie que mes films aient cet impact-là sur ceux qui vont les voir.

Corbo est donc une contribution importante pour comprendre cette période trouble de l’histoire du Québec récent arrivé à son point d’ébullition. À l’heure où chez nous, le cinéma historique a moins la cote, Mathieu Denis prouve sans équivoque toute l’utilité de ce genre qui agit comme puissant révélateur de notre passé.

L’horaire de projection de Corbo dans la grande région de Montréal se trouve ici.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Sauvons la Cinémathèque québécoise!

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Vendredi dernier, Le Devoir nous annonçait qu’un mariage forcé allait peut-être être conclu entre la Cinémathèque québécoise et Bibliothèque et Archives nationales du Québec pour minimiser les coûts de gestion des deux organismes.

imagesLa nouvelle a été publiée après qu’une lettre adressée au Premier ministre et signée par quelques artisans du cinéma bien en vue, dont Denys Arcand et Micheline Lanctôt, a circulé sur les réseaux sociaux. Ceux-ci se disent alarmés par pareille fusion entre deux organismes qui ne poursuivraient pas la même mission. Pour ma part, le vrai scandale réside dans l’inaccessibilité des œuvres et des collections de la Cinémathèque qui, faute de moyens, est réduit à n’être qu’un lieu de dépôt légal pour les films produits au Québec. Contrairement à l’Office national du film (ONF) qui a très bien pris le virage numérique, depuis la fermeture de la Ciné-robothèque, les collections de la Cinémathèque s’empoussièrent sur ses tablettes sans qu’on ne puisse les consulter. Évidemment, c’est le manque de ressources financières de l’institution qui en est la cause. 

Le gouvernement du Québec doit prendre ses responsabilités en finançant adéquatement la Cinémathèque pour lui redonner ses lettres de noblesse, pour qu’elle joue un rôle plus actif, de premier plan, dans la conservation et la diffusion du patrimoine cinématographique québécois. Je suis parfaitement d’accord avec les cinéastes interviewés dans cet article: dans tous les États normaux, on fait une priorité de la conservation du patrimoine national. 

Du côté de BANQ, grâce aux ressources alloués à la numérisation de ses collections, notamment plusieurs journaux, on procède à une vaste entreprise de numérisation des archives et collections qui facilite grandement le travail des historiens et autres chercheurs.

Source: site d'Éléphant.
Source: site d’Éléphant.

J’ignore si ce mariage forcé est la solution pour assurer la survie de la Cinémathèque et garder ses activités pertinentes à l’ère du 2.0, mais une chose est certaine, on doit hausser son financement. Aussi utile et louable soit le projet Éléphant, ce n’est pas normal qu’une entreprise privée se soit sentie obligée de se substituer à l’État en se donnant pour mission de numériser l’ensemble des œuvres de fiction d’ici. D’ailleurs, si l’on en croit les signataires de la lettre, la Cinémathèque peine à répondre aux demandes de celle d’Éléphant, ce qui ralenti considérablement son travail.

Il faudrait donc que le milieu du cinéma se mobilise et interpelle la ministre de la Culture, de même que le Premier ministre pour exiger que la Cinémathèque reçoive le financement nécessaire à la préservation et diffusion de ses collections. Aucune entreprise d’assainissement des finances publiques ne devrait justifier qu’on sacrifie un pan de notre mémoire collective pour quelques économies de bouts de chandelles. Lorsqu’il était aux commandes de l’État, Lucien Bouchard l’avait bien compris en octroyant les ressources nécessaires à la construction de la Grande Bibliothèque, désormais une institution culturelle phare qui fait la fierté des Québécois. Aujourd’hui, c’est elle qu’on appelle au chevet de la Cinémathèque qui mérite autant de considération et de moyens pour réaliser une mission.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Si l’aurore : ballade planante avec Marie-Pierre Arthur

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Marie-Pierre Arthur - 16 février 2015, Cabaret La Tulipe - Spectacle de lancement de Si l'aurore. Crédit: Alexandra Bourbeau
Marie-Pierre Arthur – 16 février 2015, Cabaret La Tulipe – Spectacle de lancement de Si l’aurore.
Crédit: Alexandra Bourbeau

Mardi dernier dans un Cabaret La Tulipe rempli à craquer, Marie-Pierre Arthur lançait Si l’aurore, son très attendu troisième album. Très attendu par son public car au fil des années, l’ancienne choriste du groupe Karkwa s’est taillé une place enviable sur la scène musicale québécoise, et par l’auteure de ces lignes puisque je dois l’avouer, Marie-Pierre Arthur fait partie de mes artistes féminines préférées. Sa voix claire et magnifique, avec laquelle elle sait si bien mettre en valeur ses textes et mélodies, sa simplicité et son plaisir manifeste de jouer sur scène font d’elle une interprète accomplie. Si l’expression a encore du sens dans notre monde numérique, j’ai usé à la corde ses deux derniers albums, sans jamais me lasser.

Les sonorités soul et disco de ses nouvelles chansons, aux ambiances sexy, enveloppantes et très planantes par moments, tranchent définitivement avec les deux précédents opus à la facture plus rock. Une fois la surprise passée, le résultat est fort intéressant. Les atmosphères enveloppantes qu’elle a su créer, notamment grâce aux synthétiseurs, guitares électriques qui nous rappelle les années 90 et au saxophone, accompagnent et bercent sa voix. À la première écoute, on se laisse happer par la musique, pour ensuite porter attention aux textes qui traitent pour la plupart de tourments et ruptures amoureuse.

Il y a quelques jours, j’ai eu la chance et le plaisir de m’entretenir avec la principale intéressée au sujet de son nouveau disque, de son virage musical et des thèmes qui traversent ses nouvelles pièces.

M.D.A. : Quels sont les principaux thèmes qui sont abordés dans ces nouvelles chansons?

M.P.A. : J’écris sur ce qui me touche et me fascine. La manière dont on peut gérer émotivement ce qui nous arrive; les réactions, les ressources et les décisions prises qui peuvent être tellement différentes d’une personne à l’autre m’inspirent beaucoup.

Je suis à l’affût de ce qui m’entoure et plus le temps passe, plus je me rends compte que mes textes sont inspirés de ce que je vois autour de moi. Une chanson, c’est un peu le regard que et le jugement que je pose sur la manière dont les gens vivent les situations auxquelles ils font face. Récemment, beaucoup de couples autour de moi ont été secoué par crises et des séparations. La plupart d’entre eux  étaient ensemble depuis plusieurs années et avaient eu des enfants. Certains étaient déchirés entre ce qu’ils avaient bâti et rêvé d’être.  Beaucoup de ceux-là ont rencontré une nouvelle personne et tout ce qui va avec. Ces évènements ont nourri mes réflexions et inspiré mes textes.

À partir de ces histoires, j’ai imaginé un couple qui vivait tous ces déchirements et j’ai abordé tous les angles, les registres et tous les rôles des personnes impliquées, soit : la personne trompée, celle qui trompe, celle qui s’emmerde dans son couple et qui développe un désir pour une autre personne et ses tourments, l’ami de la personne trompée, etc. J’ai exploré ainsi tous les registres de cette même histoire.

MPA Marc-Étienne Mongrain
Marie-Pierre Arthur. Crédit: Marc-Étienne Mongrain

M.D.A. : Ce troisième disque est fort différent de vos deux premiers. Pourquoi avoir senti le besoin d’explorer d’autres univers?

M.P.A. : Le virage peut paraître brusque, mais pour nous, ça été tout naturel parce que trois ans se sont écoulés entre l’album précédent et celui-ci. C’est une évolution qui me semble naturelle parce qu’entre temps, j’ai beaucoup été influencée par le mélange des musiques différentes que j’ai écoutées ave les membres de mon band. Aussi, je savais que j’avais envie de jouer quelque chose d’un peu plus sexy que rock. J’avais envie d’adopter une attitude musicale différente et de jouer un son plus invitant que le rock énergique qui pousse vers les autres. 

M.D.A. : À mon avis, Aux alentours, votre précédent disque, était parfait pour la voiture avec ses chansons qu’on chante à tue-tête. Si l’aurore, on l’écoute où et dans quelles circonstances?

M.P.A. : Ça dépend si c’est une longue ride. Aux alentours s’écoutait tout de suite en partant de Québec vers Montréal et Si l’aurore, un peu plus tard pendant le voyage, une fois passé Drummondville quand on est plus détendus. 

M.D.A. : Quels sont le artistes qui ont influencé cet album?

M.P.A .: C’est terriblement large. Après avoir fait un disque, les musiciens et moi passons deux ans en tournée à nous promener sur la route. On est pas mal vieux jeu et on passe ce temps ensemble, sans être trop absorbés par nos téléphones portables. Durant ces moments-là, on écoute beaucoup de musique et on se partage nos découvertes qui forcément, nourrissent notre inspiration. Par exemple, je n’avais pas prévu que Cindy Lauper allait influencer la création de ce disque. C’est arrivé sans que je m’y attende. C’est un exemple parmi tant d’autres que je pourrais nommer.

M.D.A. : Avez-vous peur que le public, ceux qui vous suivent et ont apprécié les deux premiers albums soient un peu déroutés par ce virage musical?

M.P.A : Si j’avais eu envie de faire un album qui ressemble au précédent, je ne m’en serais pas empêché. J’ai senti le besoin d’aller voir ailleurs parce que j’avais l’impression d’être allée au bout d’un esthétisme. Je ne fais pas de la musique pour m’écouter mais plutôt parce que ça me fait vraiment tripper. Je ne serais pas honnête si la peur de perdre des gens en chemin m’empêchait de faire ce dont j’ai vraiment envie. De toute manière, il n’y a jamais de garanties que le public va aimer ce qu’on fait. Si pour ne pas dérouter ceux qui ont apprécié Aux alentours, j’avais produit un disque qui lui ressemble, peut-être que les gens n’auraient pas eu envie d’embarquer dans ce trip-là et qu’ils auraient préféré se souvenir de l’autre qu’ils avaient préféré.

L’important, c’est d’assumer mes choix. Je sens que je réussis à représenter totalement ce que je suis, ce que je veux faire au moment où je le fais. J’essaie d’être intègre et d’être le plus « raccord » possible avec ce que je suis.

En plus de ses talents indéniables de musicienne et sa voix unique, cette intégrité dont elle se soucie traverse sa démarche et son œuvre. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’aime autant Marie-Pierre Arthur. Si l’Aurore est en vente chez tous les bons disquaires et disponible en ligne sur ITunes et Bandcamp. Pour consulter les dates de ses spectacles, visitez son site: www.mariepierrearthur.com.

Extraits choisis de Si l’aurore :

Myriam D’Arcy

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Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Chloé Lacasse : femme orchestre

Publié le Mis à jour le

Source: Page Facebook officielle de Chloé Lacasse.
Source: Page Facebook officielle de Chloé Lacasse.

Je me suis récemment entretenue avec Chloé Lacasse, auteur-compositeur interprète de grand talent qui assure présentement la première partie des spectacles de la tournée d’Alex Nevsky. J’ai découvert Chloé Lacasse au cours du printemps dernier alors qu’elle lançait Lunes, son deuxième album salué par la critique. J’ai tout de suite été séduite par les sonorités pop-rock de ses chansons où se marient des arrangements orchestraux qui se retrouvent sur ces deux albums et qui donnent de l’amplitude et de la profondeur à ses pièces.

Depuis sa tendre enfance, l’artiste de 31 ans se passionne pour les arts et la musique. À telle enseigne qu’elle a longtemps hésité avant d’embrasser une seule carrière, le théâtre ou le chant. D’ailleurs, au milieu des années 2000, elle avait mis sur pied sa propre compagnie de théâtre. Elle me confie:

C.L. : J’ai longtemps eu de la difficulté à choisir et me concentrer sur une seule expression artistique. J’hésitais entre le chant et le théâtre. Enfant, j’ai étudié pendant dix ans le piano classique et par la suite, je me suis inscrite au programme de théâtre musical au Collège Lionel Groulx, ce qui m’a permis de développer et de perfectionner ma maîtrise de ces deux disciplines. J’en ai retiré des enseignements précieux. En spectacle, j’aime réussir à créer des univers particuliers grâce à la mise en scène.

MDA. : Quels sont les artistes qui t’inspirent et t’ont influencée?

C.L. : Enfant, durant mes cours de chant, j’aimais interpréter les chansons des auteurs-compositeurs de l’époque comme Michel Rivard et Pierre Flynn. Par la suite, une fois devenue adolescente, j’écoutais beaucoup de groupes anglophones populaires mais j’ai eu envie d’écrire en français grâce à eux et aussi, des femmes comme Marie-Jo Thério et Jorane. Ce sont les premiers qui m’ont intéressée à la musique francophone. Plus récemment, je dois avouer que Lhasa de Sela m’a beaucoup touchée. J’aime aussi particulièrement Alex Nevsky qui fait une excellente pop, accrocheuse sans tomber dans la facilité. De plus, ses textes sont bien écrits.

Plus tard, j’ai eu la chance de faire un stage d’écriture d’une semaine avec Gilles Vigneault à Natashquan. C’était durant l’été 2011, juste avant de sortir mon premier album. Je venais tout juste de gagner un prix décerné au meilleur texte au concours des Francouvertes. Un soir, j’ai reçu un appel de Mouffe qui m’a contactée pour m’offrir ce stage. Ça été une expérience extraordinaire et fort inspirante. Gilles Vigneault a été extrêmement généreux et je me suis sentie absolument privilégiée. Entre autres choses, j’ai retenu de lui la force du travail et son insatiable curiosité. C’est un artisan qui écrit sans relâche, à tous les jours.

Son premier album éponyme paru en 2011 proposait des chansons rythmées que l’on a envie d’écouter à tue-tête en voiture. J’apprécie particulièrement des pièces comme Les yeux d’un fou, Sans réponse et Tout va bien, fort entraînantes. De son côté, Murailles, ma préférée d’entre toutes ses chansons, est tout à fait représentative de la signature sonore de Chloé Lacasse rock et classique où les percussions et les cordes s’entremêlent dans un rythme pop.

La coréalisation de l’album avait été confiée à Antoine Gratton, une première pour lui à cette époque. Cette fructueuse collaboration a été reconduite au moment de produire Lunes, son deuxième opus. Au sujet de son premier disque, elle explique :

C.L.: J’ai toujours aimé les arrangements orchestraux. Dans mes chansons, on entend des cordes, du trombone. J’aime marier la pop et les instruments classiques, les arrangements plus élaborés que simplement la guitare et les voix. Quand je réalise un album, j’aime beaucoup travailler les atmosphères pour habiller les chansons.  

MDA : Comment s’est déroulée la gestation et l’enregistrement de ton deuxième disque?

Source: Vega musique
Source: Vega musique

C.L. Pour Lunes, Antoine Gratton et moi avons pris le temps de réaliser cet album à notre goût, sans nous presser. J’avais envie de chansons et d’ambiances plus vaporeuses, réconfortantes, qu’on écoute seul. L’esprit sonore est bien différent du premier. Je n’ai pas hésité à travailler à nouveau avec Antoine parce que je n’avais aucun doute que nous n’allions pas nous répéter d’un album à l’autre. Les influences musicales d’Antoine sont extrêmement diversifiées et lui aussi aime s’attarder aux arrangements. Notre collaboration va donc de soi et tout est facile entre nous.

MDA : Comment le décrirais-tu comme réalisateur?

C.L. : Antoine est comme sur scène, c’est-à-dire passionné. Il insuffle beaucoup d’énergie à tout ce qu’il touche. De plus, il ne connait pas la routine. L’enregistrement de chacune des chansons se déroule différemment. On les abordait de manière exploratoire, ce qui fait que nous étions toujours en état de découverte.

D’ailleurs, il en résulte de très belles pièces telles qu’Un oiseau dans la vitre, Écoute sans parler, notamment pour les percussions et les voix qui semblent se répondre en apportant un souffle intéressant, Renverser la vapeur dont l’énergie rappelle le premier album. Finalement, Rester là, une très belle chanson qui commence en douceur et nous entraîne très rapidement dans un rythme plus rapide grâce aux cordes et piano.

Dans l’IPod de Chloé Lacasse 

C.L. : Willows, le superbe premier album de Geneviève Toupin, l’une des musiciennes de mon groupe. Ensuite, j’aime beaucoup L’alchimie des monstres de Klô Pelgag, Antoine Corriveau dont l’album a été très bien reçu. C’était pleinement mérité. Je trouve aussi que l’écriture de Philippe B est très belle, lui qui nous a offert il y a quelques mois En ce moment, ça fait plaisir de constater qu’il y a beaucoup d’artistes talentueux qui lancent des disques.

 

Source: Vega musique
Source: Vega musique

Tournée au Québec et en France

L’automne de Chloé est particulièrement rempli. En plus d’assurer la première partie des spectacles d’Alex Nevsky dans plusieurs villes du Québec durant le mois d’octobre. Elle offrira une prestation musicale à l’émission Belle et bum le 25 octobre et se produira au Verre bouteille le 10 novembre dans le cadre du festival Coup de cœur francophone. Par la suite, à la mi-novembre, elle amorcera une tournée en France qui la conduira aux quatre coins de l’Hexagone à l’occasion d’une douzaine de spectacles. Finalement, le spectacle initialement prévu le 23 octobre au Cabaret La Tulippe vient tout juste d’être reporté le 19 février prochain. Toutes les dates de spectacles sont annoncées sur son site internet.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier