Mois : février 2015

Carnets des Rendez-vous du cinéma québécois: courts métrages au programme! (2)

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Source : SPIRA. Crédit: Richard St-Pierre
Glace, crevasse et dérive. Source : SPIRA.
Crédit: Richard St-Pierre

COEURS ET CORPS

Cette deuxième série de courts métrages fut présentée le samedi 21 février 2015 à la salle Claude Jutra de la Cinémathèque québécoise. D’une durée variant entre 5 et 21 minutes et regroupés sous le thème Corps et cœurs, on y célèbre la danse et l’amour.

Encore une fois la salle était comble. J’ai dû faire la file pendant plus de 30 minutes pour m’assurer d’un siège. Le public, plus diversifié, semblait formé de festivaliers aguerris qui parlaient entre eux de leurs propres réalisations et des films qu’ils ont visionnés. Chacun des 6 réalisateurs est venu prendre la parole pour remercier le public de sa présence, reconnaître le travail des producteurs et distributeurs et finalement partager en quelques mots leur inspiration à la source de leur film.

Glace, crevasse et dérive

Glace, crevasse et dérive. Source: SPIRA. Crédit: Richard St-Pierre
Glace, crevasse et dérive.
Source: SPIRA.
Crédit: Richard St-Pierre

Chantal Caron – Glace, crevasse et dérive (Vidéo femmes, 2014 10 min)

Mon premier coup de cœur de cette série va à Glace, crevasse et dérive de la réalisatrice Chantal Caron, chorégraphe travaillant à St-Jean-Port-Joli où en 2006 elle a fondé Fleuve Espace Danse.

10 minutes de pur plaisir. Les images sont magnifiques et la musique superbe. Les deux danseurs, Karine Gagné et Thomas Casey, souvent habillés de noir, se démarquent sur ces banquises flottantes toutes blanches qui dérivent sur ce fleuve majestueux d’hiver. Vraiment bravo pour ce beau film.

La prochaine projection du film se déroulera lors de l’évènement Traverse Vidéo qui se tiendra en France, du 17 au 31 mars 2015.

Vanishing points

Marites Carino – Vanishing points (Video Signatures, 2014, 9 min)

Source: Marites Carino Crédit: Maxime Boisvert
Source: Marites Carino
Crédit: Maxime Boisvert

Ce court métrage de 9 minutes de la réalisatrice Marites Carino se mérite mon second coup de cœur. Il a été tourné sur les côtés d’un immeuble triangulaire, aujourd’hui détruit, de la rue Gilford à Montréal. Deux danseurs hip-hop, Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund, duo formant Tentacle Tribe, vont finalement se rencontrer à la pointe de l’immeuble.

La musique d’Andrés Vial et Tim Gowdy est répétitive, insistante et très efficace. La chorégraphie nous fait sourire par moment et les excellents danseurs y prennent clairement plaisir. D’ailleurs, notons que le film a été tourné « à reculons », c’est-à-dire que la chorégraphie prévoyait que les danseurs exécutent leurs mouvements de la fin vers le début. Au moment du montage, l’image projetée a été inversée. Ainsi, les spectateurs ont l’impression que les mouvements de la chorégraphie ont été exécutés dans l’ordre. On a l’impression que les danseurs avançaient mais en fait, ils reculaient. L’effet est absolument réussi et j’ai adoré ce film. Pour voir le « making of, suivez ce lien.

Prends soin de toi

Francis Fortin – Prends soin de toi (Francis Fortin, 2013, 5 min)

Prends soin de toi 1
Marianne Fortier dans « Prends soin de moi ». Source: Francis Fortin

Mon dernier coup de cœur de cette série est pour Prends soin de toi  du réalisateur Francis Fortin. Il nous disait avant la projection qu’il avait voulu rendre un court hommage au film Les Parapluies de Cherbourg. Cinq minutes, c’était vraiment trop court. On aurait aimé que ça continue et en savoir davantage sur ces deux jeunes amoureux, joués par Marianne Fortier et Dhanaé Audet-Beaulieu.

À noter que Francis Fortin sera présent au festival  Regard sur le Court Métrage qui se déroulera à la fin du mois de mars prochain. Les informations se trouvent ici.

Marco Fortier

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Marco Fortier
Marco Fortier

Carnets des rendez-vous du cinéma québécois : Courts métrages au programme! (1)

Publié le Mis à jour le

par Marco Fortier

Du 19 au 28 février 2015 a lieu la 33e édition des Rendez-vous du cinéma québécois. On nous présente une belle programmation variée souvent en présence des réalisateurs, scénaristes et acteurs qui ne demandent pas mieux qu’échanger avec le public. Je ne peux que vous recommander d’aller vivre cette expérience et d’encourager nos artistes d’aujourd’hui et de demain.

En deux jours, j’ai pu visionner 4 longs métrages et 15 courts métrages. C’est de ces derniers dont je veux vous parler aujourd’hui.

LE BONHEUR, LE BONHEUR, PIS APRÈS ?

Source: Florence Pelletier Crédit: Anie Poupart
Source: Florence Pelletier
Crédit: Ariel Poupart

Samedi dernier, j’ai assisté aux courts-métrages présentés dans le cadre du programme Le bonheur, le bonheur, et puis après à la salle Fernand Séguin de la Cinémathèque québécoise. Les 9 courts-métrages du premier groupe variaient de 2 à 21 minutes, et ont tous été réalisés par des étudiants ou récents diplômés en cinéma des différentes universités du Québec. La salle était bondée par ce qui semblait être des parents, amis, étudiants ou collègues des réalisateurs. Ceux-ci étaient tous présents et sont venus devant la salle suite à l’appel de leur nom. Il y avait de la fébrilité dans l’air.

Les thèmes abordés allaient de la tristesse suite au rejet, à la séparation, la dépression ou le décès d’une personne aimée, en passant par la solitude, l’amitié brisée entre adolescents, jusqu’à la détérioration de notre environnement. Bref le bonheur n’était pas au rendez-vous, bien au contraire.

Le défi de taille pour un réalisateur de court métrage est de raconter une histoire qui interpelle le public, de lui présenter des personnages complexes, réels ou fictifs, en seulement quelques minutes. Plusieurs ont très bien réussi et je vous présente mes coups de cœur ci-après.

Il est toujours intéressant d’assister au premier visionnement public d’un film en présence des artistes impliqués. L’atmosphère qui règne dans un festival comme le RVCQ est bien différente de celle qu’on retrouve normalement. On peut ressentir la nervosité, la joie, la fierté des artistes et la curiosité du public. Le RVCQ est une vitrine très importante pour les courts-métrages et leurs jeunes réalisateurs qui ne jouissent habituellement pas d’une aussi grande visibilité que celle accordée aux longs métrages.

Seul(s)

Kevin Landry – Seul(s) (INIS, 2014, 11 min)

Mon premier coup de cœur va à Seul(s), dont le scénario a été écrit par Luis Molinié et du réalisateur Kevin Landry qui détient une formation en réalisation de l’INIS, ainsi qu’un baccalauréat en communication, profil cinéma de l’UQAM. Il aborde, d’une façon tout à fait inattendue et très originale, le thème de la solitude. Onze minutes pendant lesquelles le personnage principal, Nicolas, joué par Danny Gilmore, nous promène dans un labyrinthe de découvertes de soi par les autres et dont on se demande comment il s’en sortira.

* À noter que Seul(s) sera projeté en compétition du festival du Film Étudiant de Québec du 20 au 22 mars 2015, ainsi qu’au Festival du Film de l’Outaouais du 20 au 27 mars 2015.

Bromance

Florence Pelletier – Bromance (ADDR, 2014, 7 min)

Mon second coup de cœur va à Bromance de la réalisatrice montréalaise Florence Pelletier, récemment diplômée de l’Université Concordia. Elle a aussi remporté le prix du meilleur film réalisé par une femme pour son court métrage Mes anges à tête noire au Festival du film étudiant de Québec en 2013. En 7 minutes, elle brosse le portrait d’une relation entre deux jeunes adolescents fort sympathiques interprétés par Nicolas Fontaine et Luka Limoges. Le film débute par un punch qui nous fait tous rigoler et réussit bien à nous garder en haleine jusqu’à la fin. La qualité des images mérite d’être soulignée.

*À noter que Bromance sera présenté au Short Film Corner du Festival des films de Cannes du 13 au 23 mai 2015.

Demain et l’autre d’après

Francis Lacelle – Demain et l’autre d’après (INIS, 2014, 7min)

Mon troisième coup de cœur va à Demain et l’autre d’après principalement pour la qualité de jeu des deux acteurs principaux : Marianne Farley et Patrick Hivon. Ce court métrage d’une durée de 7 minutes a été réalisé par Francis Lacelle et Clodie Parent (scénario) qui se sont inspirés de la vie en banlieue de ce dernier, alors qu’il était adolescent. L’histoire est simple mais le scénario fait ressortir l’intensité des émotions ressenties par les deux personnages. En très peu de mots, on comprend bien le drame qui se vit devant nos yeux.

*À noter que le film Demain et l’autre d’après a gagné Le Prix Cinémental pour le meilleur court métrage canadien-français du Festival Cinemental au Manitoba qui a eu lieu du 17 au 19 et 24 au 26 octobre 2014. Ce prix a été décerné par un jury, formé cette année de Lorraine Bazinet, Bertrand Nayet et Norman Dugas.  Le film sera aussi présenté au Festival du film de l’Outaouais du 20 au 27 mars 2015.

 

Ce qui fane

Samuel Pinel-Roy – Ce qui fane (Samuel Pinel-Roy, 2014, 21 min)

Ce qui fane. Source: Samuel Pinel-Roy
Ce qui fane.
Source: Samuel Pinel-Roy

Mon coup de cœur suivant va à Ce qui fane du réalisateur Samuel Pinel-Roy(1), originaire de Rimouski et détenteur d’une maîtrise en arts de l’UQAC. Le réalisateur nous présente la détresse d’un petit garçon d’environ 10 ans suite au décès de sa grand-mère. Dans ce court métrage de 21 minutes, nous sont livrées de superbes scènes d’extérieur d’hiver dans le petit village d’Armagh dans la région de Bellechasse, de gros plans silencieux qui en disent long, et un choix musical recherché. On ne peut qu’être touché par ce petit garçon dont l’avenir est incertain.

* À noter que Ce qui fane sera présenté dans le cadre du festival Regard sur le court métrage au Saguenay, mercredi 11 mars 2015 à 19h00 au Théâtre Banque Nationale à Chicoutimi.

La conspiration du bonheur

Source: Édouard Dufour-Boileau Crédit: Larry Rochefort
Source: Édouard Dufour-Boileau
Crédit: Larry Rochefort

Édouard Dufour-Boiteau – La conspiration du bonheur (Capturographe, 2014, 11min)

Mon dernier coup de cœur de cette série est pour La conspiration du bonheur  du réalisateur Édouard Dufour-Boiteau. Un film lent qui traduit la tristesse d’un pédopsychiatre et de son jeune patient avec qui il partage un drame similaire. On sympathise avec les personnages qui savent nous transmettre leur désir de vivre et de surmonter ces moments difficiles. Du même réalisateur, When Bad Meets Evil a été présenté au Short Film Corner de Cannes.

Projections à venir:

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(1) Du même réalisateur :

  • Cinq réalisateurs, dont Samuel Pinel-Roy, ont reçu une carte blanche pour produire un vidéoclip sur la chanson Stroboscope, une musique de Frank et le Cosmos, qui sera diffusé à Regard dans le cadre d’un projet initié par La Bande Sonimage http://bandesonimage.org qui s’appelle Explorations Cosmiques. Il sera aussi diffusé sur la Fabrique Culturelle d’ici 3 semaines.
  • En 2008, Il a gagné (avec Gabriel Fortin et Maxime Milette) le Grand Prix Télé-Québec au Festival du Documenteur de l’Abitibi-Témiscamingue avec le film Donnant donnant, dans le concours de création (produire un documenteur sur place en 72heures) https://vimeo.com/48294647
  • Il est aussi directeur photo. https://vimeo.com/109044935

Samedi, la suite des carnets des Rendez-vous du cinéma québécois – courts métrages au programme!

Marco Fortier

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Marco Fortier
Marco Fortier

Marco Fortier

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Marco Fortier
Marco Fortier

Marco Fortier se passionne particulièrement pour la musique classique, le théâtre québécois, la danse contemporaine, les arts visuels et la littérature québécoise.

Musicien de formation et homme d’affaires, Marco Fortier s’est toujours impliqué dans le milieu des arts. Il a été président du conseil d’administration du Nouvel ensemble moderne de 1995 à 2000, Trésorier du conseil d’administration du Centre d’Arts Orford de 2003 à 2006, et président du conseil d’administration du Théâtre Alambic de 2003 à 2006. Il est lauréat du Prix Personnalité Arts-Affaires 1998 de la Ville de Montréal.

Il a aussi une expérience de la scène musicale et théâtrale. Il a été membre des chœurs de l’orchestre symphonique de Québec de 1972 à 1978, de l’orchestre symphonique de Montréal de 1984 à 1993, et plus récemment de l’orchestre symphonique de Philadelphie de 2009 à 2012. Au théâtre, il a joué au TNM dans l’Asile de la pureté en 2000, dans Match au théâtre Prospéro avec le Théâtre de Fortune en 2002, dans le cadre des Soirées B du Théâtre d’Aujourd’hui en 2001, 2002 et 2007, et depuis 2013 dans les événements bénéfices du Festival du Jamais LU.

Depuis plusieurs années, il publie ses chroniques de voyage sur le web : www.meschroniques.info. Il est fier de se joindre à l’équipe de Coups de coeur d’ici.

Si l’aurore : ballade planante avec Marie-Pierre Arthur

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Marie-Pierre Arthur - 16 février 2015, Cabaret La Tulipe - Spectacle de lancement de Si l'aurore. Crédit: Alexandra Bourbeau
Marie-Pierre Arthur – 16 février 2015, Cabaret La Tulipe – Spectacle de lancement de Si l’aurore.
Crédit: Alexandra Bourbeau

Mardi dernier dans un Cabaret La Tulipe rempli à craquer, Marie-Pierre Arthur lançait Si l’aurore, son très attendu troisième album. Très attendu par son public car au fil des années, l’ancienne choriste du groupe Karkwa s’est taillé une place enviable sur la scène musicale québécoise, et par l’auteure de ces lignes puisque je dois l’avouer, Marie-Pierre Arthur fait partie de mes artistes féminines préférées. Sa voix claire et magnifique, avec laquelle elle sait si bien mettre en valeur ses textes et mélodies, sa simplicité et son plaisir manifeste de jouer sur scène font d’elle une interprète accomplie. Si l’expression a encore du sens dans notre monde numérique, j’ai usé à la corde ses deux derniers albums, sans jamais me lasser.

Les sonorités soul et disco de ses nouvelles chansons, aux ambiances sexy, enveloppantes et très planantes par moments, tranchent définitivement avec les deux précédents opus à la facture plus rock. Une fois la surprise passée, le résultat est fort intéressant. Les atmosphères enveloppantes qu’elle a su créer, notamment grâce aux synthétiseurs, guitares électriques qui nous rappelle les années 90 et au saxophone, accompagnent et bercent sa voix. À la première écoute, on se laisse happer par la musique, pour ensuite porter attention aux textes qui traitent pour la plupart de tourments et ruptures amoureuse.

Il y a quelques jours, j’ai eu la chance et le plaisir de m’entretenir avec la principale intéressée au sujet de son nouveau disque, de son virage musical et des thèmes qui traversent ses nouvelles pièces.

M.D.A. : Quels sont les principaux thèmes qui sont abordés dans ces nouvelles chansons?

M.P.A. : J’écris sur ce qui me touche et me fascine. La manière dont on peut gérer émotivement ce qui nous arrive; les réactions, les ressources et les décisions prises qui peuvent être tellement différentes d’une personne à l’autre m’inspirent beaucoup.

Je suis à l’affût de ce qui m’entoure et plus le temps passe, plus je me rends compte que mes textes sont inspirés de ce que je vois autour de moi. Une chanson, c’est un peu le regard que et le jugement que je pose sur la manière dont les gens vivent les situations auxquelles ils font face. Récemment, beaucoup de couples autour de moi ont été secoué par crises et des séparations. La plupart d’entre eux  étaient ensemble depuis plusieurs années et avaient eu des enfants. Certains étaient déchirés entre ce qu’ils avaient bâti et rêvé d’être.  Beaucoup de ceux-là ont rencontré une nouvelle personne et tout ce qui va avec. Ces évènements ont nourri mes réflexions et inspiré mes textes.

À partir de ces histoires, j’ai imaginé un couple qui vivait tous ces déchirements et j’ai abordé tous les angles, les registres et tous les rôles des personnes impliquées, soit : la personne trompée, celle qui trompe, celle qui s’emmerde dans son couple et qui développe un désir pour une autre personne et ses tourments, l’ami de la personne trompée, etc. J’ai exploré ainsi tous les registres de cette même histoire.

MPA Marc-Étienne Mongrain
Marie-Pierre Arthur. Crédit: Marc-Étienne Mongrain

M.D.A. : Ce troisième disque est fort différent de vos deux premiers. Pourquoi avoir senti le besoin d’explorer d’autres univers?

M.P.A. : Le virage peut paraître brusque, mais pour nous, ça été tout naturel parce que trois ans se sont écoulés entre l’album précédent et celui-ci. C’est une évolution qui me semble naturelle parce qu’entre temps, j’ai beaucoup été influencée par le mélange des musiques différentes que j’ai écoutées ave les membres de mon band. Aussi, je savais que j’avais envie de jouer quelque chose d’un peu plus sexy que rock. J’avais envie d’adopter une attitude musicale différente et de jouer un son plus invitant que le rock énergique qui pousse vers les autres. 

M.D.A. : À mon avis, Aux alentours, votre précédent disque, était parfait pour la voiture avec ses chansons qu’on chante à tue-tête. Si l’aurore, on l’écoute où et dans quelles circonstances?

M.P.A. : Ça dépend si c’est une longue ride. Aux alentours s’écoutait tout de suite en partant de Québec vers Montréal et Si l’aurore, un peu plus tard pendant le voyage, une fois passé Drummondville quand on est plus détendus. 

M.D.A. : Quels sont le artistes qui ont influencé cet album?

M.P.A .: C’est terriblement large. Après avoir fait un disque, les musiciens et moi passons deux ans en tournée à nous promener sur la route. On est pas mal vieux jeu et on passe ce temps ensemble, sans être trop absorbés par nos téléphones portables. Durant ces moments-là, on écoute beaucoup de musique et on se partage nos découvertes qui forcément, nourrissent notre inspiration. Par exemple, je n’avais pas prévu que Cindy Lauper allait influencer la création de ce disque. C’est arrivé sans que je m’y attende. C’est un exemple parmi tant d’autres que je pourrais nommer.

M.D.A. : Avez-vous peur que le public, ceux qui vous suivent et ont apprécié les deux premiers albums soient un peu déroutés par ce virage musical?

M.P.A : Si j’avais eu envie de faire un album qui ressemble au précédent, je ne m’en serais pas empêché. J’ai senti le besoin d’aller voir ailleurs parce que j’avais l’impression d’être allée au bout d’un esthétisme. Je ne fais pas de la musique pour m’écouter mais plutôt parce que ça me fait vraiment tripper. Je ne serais pas honnête si la peur de perdre des gens en chemin m’empêchait de faire ce dont j’ai vraiment envie. De toute manière, il n’y a jamais de garanties que le public va aimer ce qu’on fait. Si pour ne pas dérouter ceux qui ont apprécié Aux alentours, j’avais produit un disque qui lui ressemble, peut-être que les gens n’auraient pas eu envie d’embarquer dans ce trip-là et qu’ils auraient préféré se souvenir de l’autre qu’ils avaient préféré.

L’important, c’est d’assumer mes choix. Je sens que je réussis à représenter totalement ce que je suis, ce que je veux faire au moment où je le fais. J’essaie d’être intègre et d’être le plus « raccord » possible avec ce que je suis.

En plus de ses talents indéniables de musicienne et sa voix unique, cette intégrité dont elle se soucie traverse sa démarche et son œuvre. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’aime autant Marie-Pierre Arthur. Si l’Aurore est en vente chez tous les bons disquaires et disponible en ligne sur ITunes et Bandcamp. Pour consulter les dates de ses spectacles, visitez son site: www.mariepierrearthur.com.

Extraits choisis de Si l’aurore :

Myriam D’Arcy

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Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Un Québécois et une juive hassidique : un amour possible?

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Entretien avec Maxime Giroux autour du film Félix et Meira[1]

Source: Métafilms. Crédit: Julie Landreville
Source: Métafilms. Crédit: Julie Landreville

Quelques jours après la sortie du film Félix et Meira, je me suis entretenue avec son réalisateur Maxime Giroux pour discuter de son dernier opus, mais aussi des sujets délicats qu’il aborde avec intelligence, délicatesse mais sans complaisance.

Le film raconte l’improbable histoire d’amour entre deux êtres que tout sépare : Meira (Hadas Yaron), jeune mère et épouse juive ultra-orthodoxe qui se sent prisonnière d’un destin qu’elle refuse, et Félix (Martin Dubreuil), Québécois bohème en rupture avec sa famille et son milieu bourgeois où il ne se reconnaît pas. Les deux se croisent au hasard sur les trottoirs du Mile-End et dans les cafés d’Outremont. Tranquillement, l’un apportera réconfort et un peu de sens à la vie de l’autre qui en a bien besoin.

Pour une trop rare fois au cinéma, l’histoire est campée au cœur de l’hermétique communauté juive hassidique de Montréal. Avec érudition, objectivité et humilité, Giroux nous propose une incursion dans le quotidien des membres de cette communauté dont la vie est encadrée par des règles qui peuvent sembler étouffantes. Ainsi, le thème de la liberté traverse l’œuvre et lui confère une dimension universelle. Elle force la réflexion autour de celle dont jouissent ou non les femmes, celle que nous offre parfois jusqu’au vertige la société occidentale et à l’inverse, celle qu’on encadre soigneusement dans certaines communautés religieuses. Ce thème confère à l’œuvre une dimension universelle.

Lauréat du meilleur film au dernier Festival international du film de Toronto (TIFF) qui s’est tenu en septembre dernier, le film de Maxime Giroux est arrivé sur nos écrans quelques semaines après l’attentat perpétré chez Charlie Hebdo, relançant de plus belle les débats entourant la laïcité, la liberté d’expression, l’intégrisme religieux et l’intégration des nouveaux arrivants. Ce film constitue une véritable bouffée d’air frais dans un espace public où l’on pratique de plus en plus la complaisance et l’autocensure, par peur de déplaire ou choquer. C’est donc naturellement autour de ces questions délicates mais néanmoins fondamentales que s’est déroulé mon entretien avec Maxime Giroux, un artiste brillant et articulé.

MDA : Votre film arrive à point nommé alors que le débat sur l’intégration des immigrants a repris de plus belle. Dans ce contexte, avez-vous eu peur qu’il soit mal reçu?

M.G. : L’an dernier, nous avons tourné le film en plein débat sur la charte des valeurs (québécoises). Je n’étais pas nécessairement en faveur de cette charte-là mais je suis d’avis qu’il faut mener cette réflexion collective sur la laïcité et l’intégration des nouveaux arrivants. À tort, beaucoup de gens ont dénoncé ce projet de charte et alléguaient que tout va bien et qu’il ne fallait pas ouvrir ce débat. Au contraire, c’était nécessaire de le faire car si on n’aborde pas ces questions-là maintenant, on devra faire face à des défis de taille dans 20, 30 ou 40 ans.

Aussi, je remarque que dès que les Québécois francophones abordent des questions liées à l’immigration, ils sont souvent perçus comme racistes. En réalisant Félix et Meira, j’avais peur de la réception du film au sein de la communauté juive, tant chez les ultra-orthodoxes que les autres. Partout à travers le monde, notamment aux États-Unis et en France, il a été bien reçu. Les deux seules fois où les entrevues se sont moins bien déroulées, c’étaient à Toronto. J’ai senti que le fait que je sois Québécois francophone et avais osé faire un film sur les Juifs posait problème. Portant, c’est en creusant des questions comme je le fais dans mon film que des préjugés en viennent à tomber et ainsi, favoriser les rapprochements entre les communautés. Les préjugés se forgent quand on ne connaît pas l’Autre.

MDA : Quelle a été la genèse du film? Pourquoi avoir voulu raconter une histoire qui se déroule dans la communauté hassidique?

M.G. : Le sujet se trouvait sous nos yeux à Alexandre Laferrière (co-scénariste) et moi. Tous les deux, nous habitions dans le Mile-End depuis plusieurs années et chaque jour, nous côtoyons des Juifs hassidiques. J’étais confronté au fait que je ne pouvais pas leur parler. Notre étonnement et frustration de ne pas pouvoir communiquer avec nos voisins ont été les éléments déclencheurs du film.

Pour que l’histoire soit intéressante, nous avions besoin d’un personnage Québécois francophone qui arrive à entrer en relation avec les hassidim. L’histoire de Félix, sa démarche, c’est un peu celle que nous avons dû suivre pour nous permettre d’effectuer la recherche nécessaire à la réalisation du film. Au départ, nous avons essayé d’accéder tout aussi naïvement que notre personnage aux membres de cette communauté jusqu’à ce qu’on se rende compte que l’entreprise était beaucoup plus complexe que nous l’avions imaginé.

Maxime Giroux Crédit: Julie Landreville Source: Metafilms
Maxime Giroux
Crédit: Julie Landreville
Source: Metafilms

MDA : Avez-vous eu besoin de vous déguiser comme l’a fait Félix?

M.G. : Non! Par contre, disons qu’à certains moments, nous avons forcé les choses pour qu’elles arrivent. On s’est parfois fait gentiment mettre à la porte de synagogues, d’autres fois, on devait argumenter pour rester sur place. Heureusement, nous avons fini par rencontrer des gens prêts à nous raconter leur expérience.

MDA : Combien de temps avez-vous consacré à la recherche vous permettant de connaître suffisamment les Juifs ultra-orthodoxes, leurs codes et coutumes?

M.G. : Pendant trois ans, nous nous sommes documentés et avons rencontré des ex-membres de cette communauté provenant de Montréal et New York.

MDA : Comment avez-vous réussi à rencontrer des hassidim en rupture avec leur communauté?

M.G : C’est beaucoup plus facile de rencontrer d’anciens membres de cette communauté que ceux qui y en font toujours partie. De fil en aiguille, en discutant avec des gens, nous avons été mis sur la piste ou en contact avec certains d’entre eux. D’ailleurs, la distribution du film compte cinq anciens hassidim.

Il y a quelques jours, nous avons présenté le film à la soirée de clôture du New York Jewish Film Festival qui se déroulait au Lincoln Center. Ultimement, c’était la soirée qui me rendait le plus nerveux parce que le public était composé soit de Juifs non-pratiquants, soit des ex-membres de la communauté hassidique et j’avais peur de me faire ramasser. Ils ont adoré le film qui les a vraiment touchés. Après la projection, beaucoup de gens sont venus me dire que j’avais raconté leur histoire.

MDA : Selon vos recherches et les témoignages que vous avez recueillis, comment se passe la transition vers une vie à l’occidentale pour les gens qui choisissent de quitter la communauté hassidique?

M.G. : C’est très difficile de sortir et survivre en dehors de cette communauté. Après avoir quitté, certains membres y reviennent parce qu’ils se retrouvent complètement seuls et sans ressources. Ils ne parlent pas notre langue, ne possèdent pas de diplômes, ne sont pas arrivés à trouver un boulot et parfois même, à se loger. À New York, l’organisation Footsteps fondée par des ex-hassidim existe depuis quelques années. Elle leur vient aide en fournissant un logement, et en défrayant les coûts de leur éducation. Après avoir quitté leur milieu, ils n’ont plus de contacts avec les membres de leur famille et leurs amis. Pour eux, c’est un choix aussi difficile qui se compare à celui d’un immigrant qui décide de recommencer sa vie ailleurs en partant de zéro. Ces anciens hassidim doivent apprendre – ou réapprendre comment fonctionne la vie. Ajoutez à cela que depuis toujours, on leur a répété que notre monde était rempli de vices et que nous, les gens qui vivent à l’extérieur de leur communauté, représentons le Mal. Pour Luzer Twersky, qui joue le personnage de Shulem, le mari de Meira, depuis qu’il a quitté sa communauté, il ne voit plus ses deux enfants. Il a été sans-abri pendant un certain temps et il a encore de la difficulté à joindre les deux bouts.  

Dans le cas de Meira, cet apprentissage de la vie en dehors de son milieu la ramène à l’adolescente qu’elle n’a jamais eu le loisir d’être. À cet âge, soit autour 12-13 ans, on apprend à ces jeunes filles à être une épouse et une mère. On leur apprend à cuisiner, à tenir une maison, les mathématiques car elles devront administrer l’argent du ménage. À 18 ans, elles se marient et deviennent des mères à leur tour. Aussi, au Québec, contrairement aux garçons, elles apprennent des rudiments de français. De leur côté, dès l’âge de 13 ans, les garçons se consacrent entièrement à l’étude de la Torah.

MDA : Croyez-vous que ces ex-hassidim sont plus heureux une fois qu’ils ont quitté leur milieu?

M.G. Je pense qu’il y a autant de gens heureux que malheureux dans les communautés fermées comme les ultra-orthodoxes que dans la nôtre. Aujourd’hui, on assiste à un retour du religieux dans les sociétés occidentales parce que les religions offrent ce cadre et ces règles que nous avons abandonnés. D’ailleurs, la plupart des nouveaux convertis font du zèle dans leur pratique car ils aiment être encadrés. Il arrive souvent que ces gens n’ont pas ou plus de contacts avec leur famille. D’ailleurs, dans le cas de Félix, il avait échappé au contrôle familial et refusé de vivre selon les codes de son milieu et de la société capitaliste. Dans son cas, comme il ne poursuit pas de buts, de projets, il se retrouve complètement perdu.

MDA : Tout sépare Félix et Meira. Pourquoi tombe-t-elle amoureuse de lui?

M.G : Je ne pense pas qu’elle tombe réellement amoureuse de lui. Il s’agit d’un amour circonstanciel. Tous les deux sont perdus et se reconnaissent à travers ce que vit l’autre. Lui est un adulte ayant adopté un mode de vie adolescent et elle veut retrouver cette adolescence qui lui a échappée. Elle aime sans doute son mari mais elle rejette ce destin-là. Et Shulem souhaite qu’elle suive les règles qui régissent leur mode de vie, le seul qu’il connaisse et qui correspond à ses attentes. Lorsqu’il se rend compte qu’elle ne peut plus être heureuse, il la laisse partir.

En ce qui concerne Félix, Meira a besoin de lui et c’est la première fois que ça lui arrive. Aussi, elle représente la famille, l’engagement même si à la fin, il n’est plus certain d’avoir pris la décision et se demande dans quel bateau il s’est embarqué. À la toute fin du film, les doutes que tous les deux laissent paraître sont tous à fait normaux dans les circonstances. Meira pense avoir pris la bonne décision. Elle sait que ce qui l’attend sera difficile, d’autant plus que sa petite fille ne pourra plus voir son père. Peut-être, comme les autres juifs hassidiques que j’ai rencontrés, un jour sur deux, elle regrettera sa décision.

MDA : Où pourra-t-on voir votre film ailleurs qu’au Québec?

M.G : Depuis le 4 février, il est présenté en salles en France et en Suisse, Par la suite, ce printemps il sera disponible en Belgique, puis aux États-Unis.

La semaine dernière, La Presse nous apprenait que de nombreuses salles ont été ajoutées un peu partout au Québec à celles où était déjà projeté le film. Pour consulter l’horaire de projection dans la grande région de Montréal, suivez ce lien.

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Le 1er février dernier, dans sa passionnante émission Tout un cinéma, diffusée sur les ondes d’Ici Musique, Rémy Girard a consacré cette édition à la bande sonore de Félix et Meira, de même qu’à la musique juive entendue au cinéma.

[1] Avertissement : certains éléments de l’intrigue du film sont dévoilés à la fin de ce texte.

Myriam D’Arcy

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