Musique

En famille avec Catherine Major

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Catherine Major Crédit: Valérie Jodoin-Keaton
Catherine Major
Crédit: Valérie Jodoin-Keaton

C’est vendredi dernier que Catherine Major mettait au monde son petit dernier, La maison du monde. Sans équivoque, le titre fait référence aux thèmes qui traversent ce nouvel album : la famille, bien sûr, mais aussi la maternité et l’amour. C’est une Catherine Major sereine et heureuse qui nous revient après quatre ans d’attente où les tournées et la naissance de sa deuxième fille l’ont tenue fort occupée. Je me suis entretenue avec l’artiste pour discuter de ce nouvel opus.

Du beau monde dans sa maison

Cette fois encore, Catherine Major a choisi de travailler avec les membres de son clan tissé serré, le fameux monde qui remplit sa maison. Le résultat est à l’avenant puisque comme les précédentes, cette proposition est d’une rare qualité à tous égards. Les textes sont soignés et poétiques à souhait, les mélodies, fort efficaces et sa voix riche et puissante de s’entremêle à quelques occasions celle du cousin français Daran, un heureux mariage. Il s’agit donc d’un album achevé, qui nous conquit sans effort dès la première écoute.

À l’écriture des textes, Major signe La luciole et Callista, qui traitent toutes deux de guérison après la maladie, « des chansons écrites dans l’urgence, de choses que je lis qui me chamboulent » me confie-t-elle.

Son compagnon Jeff Moran a écrit pas moins de cinq des onze pièces, dont Toi et Nos délicats, des chansons d’amour « qui se chantent aussi bien dans un sens que dans l’autre » comme me l’explique Catherine Major; la très charnelle Rien du tout où elle exprime sans retenue, mais tout en poésie son désir qu’elle prend à bras-le-corps. Dans Pupille, en hommage à sa petite dernière, l’amoureuse et l’amante font place à la mère. « Sur Le désert des solitudes, il y a la chanson Tape dans ton dos qui a été composée pour Frédérique, ma plus vieille et j’avais envie de faire la même chose pour Margot, lui laisser une chanson pour elle. C’est encore plus touchant quand on pense que les paroles ont été écrites par son père et la musique, composée par sa mère ». D’ailleurs, elle avoue que les « sentiments maternel, amoureux et familial transparaissent encore plus sur cet album » que ceux qui l’ont précédé.

Pour sa part, Jacinthe Dompierre, maman de l’artiste et collaboratrice des premières heures offre la très belle pièce Vivante où cette dernière dévoile sans pudeur sa fragilité. Christian Mistral, qui avait fait partie de la précédente aventure du Désert des solitudes, a pour sa part composé deux chansons. Notons finalement que Major a mis en musique Black Jack, un très beau poème de Richard Desjardins.

Une maison aux pièces épurées

L’auteur-compositeur-interprète nous avait jusqu’alors habitués à un environnement sonore où les arrangements classiques étaient très présents, et le piano dominait sans partage. Dans sa Maison du monde, c’est tout le contraire. Les ambiances sont épurées et servent très bien les textes et sa magnifique voix. Quant au piano, il est bien là, mais se fait discret. Il a été notamment remplacé par la guitare, la trompette et les synthétiseurs. À ce sujet, elle explique : « J’avais envie d’un album qui soit harmoniquement moins plein, épuré, qui sonne plus dans le creux de l’oreille. J’étais rendue là dans ma démarche. C’est un premier pas et éventuellement, j’aimerais aller encore plus loin. J’ai tendance à en mettre beaucoup et cette fois-ci, j’avais envie d’en mettre un peu moins pour que ma voix ressorte mieux ».

SPECD-7853_CatherineMajor-Cover_iTunes_2400x2400Et on l’écoute où, ce nouveau disque? « Ah mon Dieu, c’est une bonne question! Justement, dernièrement j’en parlais avec plusieurs personnes, notamment Michel Rivard. On se rappelait qu’avant, acheter un vinyle était un évènement. On s’assoyait et on l’écoutait. C’était une activité en soi que d’écouter un disque. Maintenant, on fait tellement tout en même temps. J’ai l’impression que chacun à sa manière, on intègre la musique à notre quotidien, en fonction du temps dont on dispose. Moi-même, je m’arrête rarement pour écouter un disque sans rien faire d’autre. Je n’ai pas le temps! Je pense que ce disque peut s’écouter partout… et l’auto est toujours un bon endroit! Par contre, ce n’est pas un simple fond sonore. Il faut l’écouter, lire les textes… bref ça peut être une écoute active ».

Est-ce que l’écriture en couple, sur des sujets aussi intimes que l’amour commande une certaine retenue, ou au contraire, offre une plus grande liberté? « On ne ressent pas vraiment de pudeur parce qu’on écrit dans le but que ce soit universel. Oui, il y a des histoires qui sont reliées à nous mais on veut que les gens se retrouvent dans les textes. Tout le monde peut se reconnaître dans une chanson d’amour comme Nos délicats par exemple ou Toi, mais c’est sûr que ça part d’images qui peuvent nous ressembler. On ne se le cachera pas, on vit tous un peu les mêmes choses malgré qu’on a chacun notre histoire, nos bibittes et nos joies ». Cet amour et leur complicité est donc palpable à travers toutes les pièces. À n’en point douter nous sommes face à une artiste et une femme sereine, en pleine possession de ses moyens. Qui a dit que le bonheur n’était pas source d’inspiration?

Depuis le lancement de son premier album en 2004, Catherine Major s’est taillé une place enviable sur la scène musicale québécoise. À l’abri des modes, tout en étant bien de son époque, les chansons de la musicienne formée au piano classique marient des ingrédients empruntés autant à la grande chanson française qu’à la pop, offrant ainsi un plat sans date de péremption.

On pourra voir et surtout entendre Catherine Major ce mercredi, 23 mars, au Théâtre Plaza à l’occasion de son spectacle de lancement. Toutes les informations se trouvent ici.

Pour connaître les dates de sa tournée qui débutera au début de la prochaine année, c’est par ici.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Rod le Stod, toujours pas né pour un p’tit pain

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Entrevue du rappeur Rodolphe Demers

Par Simon-Pierre Savard-Tremblay, sociologue

 

Rodolphe Demers est un jeune rappeur souverainiste québécois. Son premier album Pas nés pour un p’tit pain était disponible en avril 2014. Deux mois plus tard, Rod le Stod était sur les Plaines d’Abraham pour la Fête nationale. Aujourd’hui, 22 mai, il sort son nouveau projet, Jamais nés pour un p’tit pain. Il s’agira d’une compilation de versions revisitées des chansons de son premier album. Cela en dit long sur le succès et sur le potentiel artistique de son premier effort. La première chanson remaniée issue de l’album à venir, Dans l’pays où j’vis, est un duo du rappeur avec le fondateur du parti Option nationale, Jean-Martin Aussant, réalisé par Yann Perreau.

SPST : Rodolphe Demers, plus connu sous le nom de Rod le Stod, avant d’entrer dans le vif du sujet, nous feriez-vous un bref aperçu biographique de votre personne?

RLS : Oui, bien sûr! Je suis un Montréalais de 27 ans qui a grandi dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. J’ai fait mon chemin dans les écoles de Côte-des-Neiges, soit le Collège Notre-Dame, le cégep Brébeuf et l’Université de Montréal. Je termine présentement une maîtrise en administration publique à l’ÉNAP spécialisée en évaluation de programme. Ça, c’est le côté plus Rodolphe Demers. Du côté Rod le Stod, j’ai commencé un projet musical en 2010. Après un démo et des spectacles qui pouvaient se compter sur les doigts d’une main, j’ai suivi une formation musicale intensive au Festival international de la chanson de Granby duquel je suis ressorti grand gagnant en 2012! Je suis parti de Granby avec plein d’expériences, de contacts et de prix qui m’ont permis de me concentrer à 100% sur la production d’un premier album et tous les aspects qui entourent la gestion d’une carrière artistique. L’album en question, «Pas nés pour un p’tit pain», a paru au printemps 2014 avec la participation de Yann Perreau, Francis Collard, DJ Horg, etc, et je fais des spectacles depuis! J’ai aussi écrit un texte dans le collectif «Lettres à un souverainiste» paru chez VLB à l’automne 2014. Je suis présentement en production d’un album remix en plus d’être aux études à temps plein et d’avoir deux emplois à temps partiel. Non, je ne suis pas né pour un p’tit pain!

SPST : Vous êtes un rappeur engagé. À quel moment est née votre passion pour le rap, et quand et comment votre conscience sociale et politique s’est-elle construite ?

RLS : Je trouve ça toujours drôle quand on me dit que je suis un rappeur engagé. Engagé par qui? Engagé pour qui? Ce n’est pas quelque chose que je choisis, ça fait partie de moi! Bien sûr, je décide des thèmes à aborder dans mes chansons, mais ça se fait très naturellement. J’ai toujours été un fervent amateur de politique, ça fait partie de ma vie depuis que j’ai 15 ans. J’ai fait un bac en sciences politique à l’Université de Montréal, j’ai participé à des simulations parlementaires jeunesse et à des écoles d’été sur la formation citoyenne, je me suis impliqué au sein de partis, bref, de la politique j’en mange! C’est normal et naturel que ça se retrouve dans mes textes.

Le rap, c’est la musique que j’écoute depuis le début de mon secondaire, c’est le style musical qui m’a accompagné dans toutes mes émotions et mes péripéties d’adolescent, ça fait partie de moi. Ça a commencé exclusivement avec du rap américain ou presque. Avec les années, mes goûts musicaux ont évolué et je dirais qu’aujourd’hui près de la moitié de la musique de mon IPod est québécoise! Il y a aussi beaucoup de bons «beatmakers» montréalais qui se sont illustrés ces dernières années, c’est une scène riche à découvrir.

SPST : Dubmatique, Sans Pression, Loco Locass: ce sont les trois seuls groupes québécois que le non-initié à l’univers du rap que je suis est capable de vous nommer. Le succès se mesure souvent à la capacité qu’a un artiste à sortir du seul cercle des amateurs du genre pour conquérir de nouveaux auditeurs. Le rap semble peiner à percer au Québec. Y aurait-il une incompatibilité culturelle ?

RLS_albumRemix_FINALRLS : En effet, c’est très difficile de vivre de son art quand on fait du rap au Québec. Même les trois groupes que tu as nommés, outre peut-être Loco Locass, je suis certain que Sans Pression et Dubmatique ne vivent pas de leur musique, encore moins en 2015. Le fait que l’on soit très attaché à notre «background» musical traditionnel n’est peut-être pas étranger au fait que le rap connaisse moins de succès dans les radios québécoises. Parce que oui, même en 2015, un des médiums les plus importants pour découvrir un nouvel artiste reste la radio.

Ce qui fait la beauté du rap, c’est la diversité des styles qu’on peut y retrouver : engagé, comique, revendicateur, agressif, dansant, etc. Le hip-hop n’est pas un bloc monolithique, au contraire! Or, pour arriver à atteindre le grand public québécois (ce que ne veulent pas nécessairement tous les rappeurs!), je pense qu’il faut être capable de de la musique avec une instrumentation accessible qui vient chercher les gens par les tripes, l’émotion, le groove.

Aussi, beaucoup de rappeurs québécois ne sont peut-être pas connus du grand public, mais réussissent à mener une carrière très respectable avec une base de fans souvent plus grande que bien des artistes supposément connus. Le rap est encore une musique de niche au Québec, mais qui commence à prendre de plus en plus de place. Ça se constate par les grosses salles de spectacles remplis par des artistes hip-hop d’ici et les festivals qui programment davantage de hip-hop pour attirer les jeunes. Dans quelques années, je pense que ce sera encore plus important.

SPST : Je me risque également à une hypothèse. Serait-ce également que l’excès de confiance venant avec l’attitude du rappeur ne correspond pas au côté « né pour un petit pain », pour paraphraser le titre de votre premier succès ?

RLS: J’espère qu’en 2015, les Québécois ne se disent pas encore qu’ils sont nés pour un p’tit pain. Ça va faire, le discours de victime! On est un peuple fort et fier, il est temps de se le dire et de se le rappeler! Le nom de ma chanson est  »J’suis pas né pour un p’tit pain’, je le clame haut et fort et je sais que je ne suis pas le seul. Loin de là! Il faut se baser sur nos victoires plutôt que sur nos défaites pour nous définir, surmonter les échecs traumatisants du passé pour embrasser l’avenir. Plus facile à dire qu’à faire, mais j’y crois avec ferveur et j’essaie de parler de souveraineté tous les jours!

C’est vrai qu’il y a un côté vantard, un côté «je suis le meilleur», dans le rap. C’est entre autres ce qui en fait la beauté. De là à dire que c’est ce qui rebute les Québécois à cause de la domination de la mentalité  »nés pour un p’tit pain » est un pas que je ne suis pas prêt à franchir. Peut-être que oui. Peut-être que non. Pour ma part, je dirais que c’est possiblement ce petit côté vantard qui m’a poussé à aimer et écouter ce style de musique.

SPST : Quels sont vos rapports avec les milieux du rap? En 2002, le film 8 Mile nous montrait les difficultés, pour un homme blanc, à faire sa marque dans un milieu principalement afro-américain. À Montréal comme à Détroit ?

RLS: Je te dirais qu’au Québec, c’est exactement le contraire. C’est pas mal plus difficile pour un «black» de percer que pour un blanc! Il suffit de regarder le palmarès des meilleurs vendeurs rap au Québec : Manu Militari, Koriass, Sir Pathétik, Loco Locass, tous des Québécois blancs  »de souche »! Le «rap keb» est pas mal blanc bec! Les blacks avaient une place prédominante au début du rap au Québec (Muzion, Dubmatique, Sans Pression), mais il semble y avoir eu un glissement au profit du rappeur blanc au fil des années.

Quand on regarde le milieu du showbiz québécois en général, les téléromans, les pièces de théâtre, il n’y a pas tant de place que ça qui est faite pour les minorités culturelles. Je suis certain que ce n’est pas le résultat d’intolérance ou de racisme, mais peut-être plutôt du désir des auteurs ou des maisons de production de représenter la réalité de la population majoritaire. Les médias embarquent dans les projets qui peuvent toucher l’ensemble du Québec et vont encourager des produits souvent conformistes. Or, à l’extérieur de Montréal, les communautés culturelles sont présentes, mais mal représentées, ce qui fait que sans l’appui des médias de masse, il est difficile pour ces artistes d’atteindre le grand public québécois. Ce n’est qu’une hypothèse, mais la question de la représentativité des communautés culturelles dans nos médias se pose.

SPST : Suite à la controverse autour du métissage linguistique auquel se livre le groupe de « post-rap » Dead Obies, vous vous êtes porté à la défense de la langue française. À l’écoute de vos chansons, on constate effectivement que vous vous en tenez à un emploi somme toute assez limité d’anglicismes. Vous considérez donc que la langue française vous fournit un potentiel créatif suffisant sans avoir besoin de la travestir par le franglais ?

RLS: Je ne pense pas que l’utilisation de quelques termes anglophones dans une discussion ou une chanson soit problématique ou dangereuse pour la survie du français au Québec. Pour ce qui est des anglicismes, il y en a certainement dans mon album. Là où je me questionne, c’est lorsque je remarque qu’on utilise de plus en plus une espèce de «franglais» pour communiquer entre nous. Lorsqu’on transfère automatiquement vers l’anglais quand on se fait aborder dans cette langue. Lorsqu’on apprend que le chantier de construction du CHUM se déroule quasi exclusivement en anglais. Quand le premier ministre du Québec ne croit pas bon de parler sa langue officielle de notre nation lorsqu’il fait des discours officiels à l’étranger. Le français est ma langue maternelle, celle qui façonne ma façon de penser, d’analyser, d’être. Reste que quand j’ai commencé à faire de la musique, aussi contradictoire que ça puisse paraître, j’ai tout d’abord écrit une cinquantaine de chansons en anglais! Le rap anglophone était dominant dans mon influence et il m’était venu naturellement à l’idée de me créer un personnage qui chantait en anglais. Au fil du temps, j’ai commencé à intégrer des paroles en français à mes chansons (couplet ou refrain). Puis, j’ai naturellement pris la décision de faire du rap en français. J’avais envie d’être entendu et écouté par les miens et il adonne que les gens du Québec parlent français! À partir de ce moment-là, j’ai commencé à écrire quasiment juste en français avec des bribes d’anglais par-ci par-là. En tant que créateur, c’est impossible de faire abstraction de la situation linguistique au Québec. Il faut prendre soin de notre langue et être conscient du plus grand pouvoir d’attraction de l’anglais auprès des jeunes et des nouveaux arrivants et prendre gare de ne pas tomber dans la franglicisation de Montréal. Parce qu’ensuite, ce sera quasi impossible de revenir en arrière. Vive le Québec francophone!

L’album Jamais nés pour un p’tit pain de Rod le Stod sortira le 22 mai prochain. Pour connaître les dates de spectacles de Rod le Stod, cliquez ici.

Simon-Pierre Savard-Tremblay

Simon-Pierre Savard-Tremblay Crédit: Étienne Boudou-Laforce
Simon-Pierre Savard-Tremblay
Crédit: Étienne Boudou-Laforce

Rencontre avec Walter Boudreau, lauréat du Prix du Gouverneur Général

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Walter Boudreau Source : SMCQ
Walter Boudreau
Source : SMCQ

Le 9 avril dernier, Walter Boudreau, directeur artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) recevait, notamment aux côtés du réalisateur Atom Egoyan et de Sarah Mc Lachlan, populaire auteure-compositrice-interprète et musicienne, le Prix du Gouverneur Général du Canada pour les arts du spectacle 2015. Cette récompense est la plus importante dans le domaine des arts. Elle lui a été accordée en reconnaissance pour les quarante années de carrière comme compositeur, chef d’orchestre et directeur artistique, ayant marqué le monde musical canadien. Walter Boudreau a écrit pour orchestre, petits ensembles, solistes, aussi pour le cinéma, le théâtre et le ballet. Il a plus d’une soixantaine d’œuvres à son actif. Cet honneur rendu était l’occasion parfaite pour réaliser un entrevue avec cet artiste de grand talent et dont la contribution est essentielle au développement de la musique contemporaine de chez nous.

Walter Boudreau a étudié au Québec, aux États-Unis et en Europe avec les grands maîtres de la musique contemporaine tel que Gilles Tremblay (Québec 1932), Serge Garant (Québec 1929-1986), Mauricio Kagel (Argentine – Allemagne 1931-2008), Karlheinz Stockhausen (Allemagne 1928-2007) György Ligeti (Hongrie – Autriche 1923-2006), Olivier Messiaen (France 1908-1992), Iannis Xenakis (Grèce – France 1922-2001), Pierre Boulez (France 1925).

MF : Bonjour Walter. D’abord, toutes mes félicitations pour le Prix du Gouverneur Général que tu viens tout juste de recevoir. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?

WB : J’ai dit à gauche et à droite que c’est beaucoup plus intéressant que de recevoir un coup de pied au derrière! Bien sûr que ça fait plaisir. C’est une reconnaissance officielle à un très haut niveau. Je faisais la blague sur le coup de pied dans le derrière, ça fait tellement d’années que je me bats pour l’appréciation de la musique nouvelle et des compositeurs qui la pratiquent. Alors cette distinction me touche, me réconforte et me donne du courage pour continuer.

MF : Ce n’est pas le premier prix que tu reçois. Tu en as toute une collection. Est-ce que ça nous touche autant chaque fois ?

WB : En effet, je croule sous les médailles. En blague, je disais récemment que j’allais commencer à ressembler à un général russe! J’ai eu le Prix Molson du Conseil des Arts du Canada (2003), le Prix Denise Pelletier (2004), Chevalier de l’Ordre National du Québec (2013), membre de l’Ordre National du Canada (2013) , et bien sûr de nombreux prix Opus (1998, 1999, 2000, 2003, 2008), et maintenant le Prix du Gouverneur Général. Ça ressemble à une béatification, mais la sanctification n’arrive qu’après la mort…!

Plus sérieusement, on ne reçoit pas de prix tous les jours et il y a des traversées du désert entre chacun d’eux.. Ce sont des encouragements qui sont toujours agréables et réconfortants. Je suis un éternel combattant et j’apprécie l’énergie que ça me procure pour continuer à faire mon travail.

MF : Ton parcours est assez éclectique. Peux-tu nous le résumer ?

Walter Boudreau Source : SMCQ Crédit photo : Pierre Saint-Amand
Walter Boudreau
Source : SMCQ
Crédit photo : Pierre Saint-Amand

WB : Je suis né à Montréal en 1947 dans des circonstances dramatiques. Mon père, qui revenait tout juste d’Europe après avoir servi comme officier au sein du 22e régiment de l’armée canadienne durant la Seconde guerre mondiale, s’est noyé dans un accident de chasse. Ma mère m’a donc élevé à Sorel chez ma grand-mère maternelle. J’ai commencé à étudier le piano à 5-6 ans chez les Sœurs.

À 13 ans, j’ai appris le saxophone et j’ai joué dans l’harmonie du collège, ce qui a changé ma vie. J’étais maintenant entouré d’un grand nombre de clarinettistes, qui jouaient faux, d’ailleurs! Le saxophone m’a mené vers la musique populaire.  Et bien sûr, j’ai goûté au jazz, tout en continuant mes études de piano classique.

En 1966, je suis déménagé à Montréal et l’année suivante, je travaillais à l’exposition universelle. J’y ai rencontré Raoul Duguay, Claude Gauvreau et bien d’autres. En 1968, j’ai commencé des études à l’Université McGill, au Conservatoire de Musique de Montréal et à l’école de Musique de l’université de Montréal, tout en fondant l’Infonie avec mon ami Raoul Duguay. On y faisait de tout : du classique, du contemporain, de la rengaine, de la chansonnette, même de l’électro-acoustique.

Par la suite, j’ai poursuivi ma carrière de chef d’orchestre en allant étudier en Europe et aux États-Unis. J’ai finalement été nommé à la direction de la SMCQ et j’y suis depuis 27 ans.

MF : Comment arrives-tu à concilier toutes tes fonctions?

WB : Je fais une triple carrière, à la fois comme compositeur, chef d’orchestre et administrateur des arts. C’est très exigeant d’avoir la responsabilité de la destinée de la plus grande société de musique contemporaine en Amérique du Nord. Ça me permet de rencontrer des gens de différents milieux, d’échanger des idées et c’est très stimulant, intellectuellement, politiquement et artistiquement. Par contre, mes fonctions ne m’empêchent pas de me consacrer à la composition et pas une journée ne passe sans que j’y travaille.

MF : Depuis sa création, de quelle manière a évolué la SMCQ ?

WB : Au départ, c’était un rêve grandiose puisqu’en 1966, il n’existait aucune institution au Québec pour supporter la musique contemporaine. Conséquemment, peu d’œuvres étaient produites.  La SMCQ est née d’un regroupement de compositeurs et son premier concert a eu lieu le 15 décembre de cette même année. En 2017, nous fêterons le 50e anniversaire de la SMCQ.

Parmi nos réalisations, nous avons notamment créé la série Hommage, il y a presque 10 ans. Un des aspects fondamentaux de notre action est d’intégrer les compositeurs de musique contemporaine dans le milieu au même titre que le sont les poètes, les écrivains, les metteurs en scène, les dramaturges, les cinéastes.

En 2014, on a rendu hommage à Denis Gougeon et autour de 50 000 personnes, au cours de l’année, ont été exposées à sa musique dans plus de 200 événements, parce que c’est une initiative qui est partagée avec tout le milieu de la musique, pas seulement contemporaine. Cette année, c’est au tour de John Rea d’être mis à l’honneur.

Depuis maintenant 15 ans, nous avons développé un secteur jeunesse qui est absolument fantastique. Un des programmes s’appelle compositeurs en herbe. Des jeunes sont invités à partager leur composition et à recevoir des conseils de musiciens aguerris, le tout devant public.

Nous avons aussi le festival Montréal Nouvelles Musiques (MNM), le plus grand festival du genre en Amérique du Nord, créé en 2003 avec Denys Boulianne. Cette année, nous avons comptabilisé pas moins de 26 000 entrées. Chaque année, nous tentons d’agrandir notre auditoire, pour permettre de faire entendre le plus grand nombre d’œuvres de notre répertoire.

MF : Quel est ton concert le plus mémorable ?

WB : La Symphonie du millénaire que nous avons donnée sur le parvis et le stationnement de l’Oratoire St-Joseph devant 70 000 personnes. C’est une aventure invraisemblable que j’ai vécue comme compositeur, comme concepteur, comme organisateur, comme planificateur et comme interprète. On était 333 musiciens de 18 formations différentes. En cette période de morosité et d’austérité, les conditions gagnantes ne sont pas présentes pour faciliter une nouvelle performance de l’œuvre. Par contre, je suis en pourparlers avec des organismes en Europe et en Chine qui démontrent de l’intérêt.

Je souhaite éventuellement revivre un  projet similaire sur lequel je travaille depuis des années, la Symphonie portuaire, étalée sur 1000 kilomètres de Valleyfield à Gaspé.

MF : Quel est le prochain concert de la SMCQ ?

WB : C’est notre événement bénéfice annuel qui aura lieu le 20 mai prochain à la salle Pierre Mercure du Centre Pierre-Péladeau. À cette soirée, on fait un beau clin d’œil à la collaboration que j’avais eue avec Lorraine Pintal au TNM lors de la production de l’Asile de la pureté. On présentera donc des extraits musicaux et théâtraux : le prélude avec le chœur Mruta Mertsri, François Papineau nous récitera des textes en exploréen, Alain Lefèvre jouera la Valse de l’asile, on fera le troisième mouvement du concerto de l’asile, la charge de l’orignal épormyable dans sa version deux pianos. Ce concert est ouvert au grand public et toutes les informations se trouvent sur notre site.

Le 30 mai, je serai avec Alain Lefèvre à Ottawa pour diriger l’orchestre du Centre National des Arts lors du grand concert gala des prix du Gouverneur Général du Canada 2015, et on présentera un extrait du Concerto de l’asile, on fera la valse que j’ai réorchestrée spécifiquement pour l’occasion.

MF : Merci!

Pour connaître la programmation des concerts de l’Ensemble de la Société de musique contemporaine du Québec, visitez leur site en ligne ici.

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Marco Fortier

Marco Fortier
Marco Fortier

Le Stabat Mater de Dvorak à la Maison symphonique: la suite

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Dimanche dernier, j’ai assisté à un concert rarissime, le Stabat Mater de Dvorak (1841-1904), comme je l’ai annoncé dans mon précédent billet. L’évènement était dirigé par maestro Yannick Nézet-Séguin de l’Orchestre et du Chœur Métropolitain.

La salle était pleine à craquer. Avant le début du concert, Yannick Nézet-Séguin s’est adressé à l’auditoire pour nous expliquer la pertinence de monter cette pièce de musique sacrée en ce dimanche des Rameaux. Il nous a avoué n’avoir jamais eu la chance de chanter le Stabat Mater lorsque, plus jeune, il était choriste et qu’il en rêvait. Il s’est dit privilégié de pouvoir maintenant le diriger.

D’abord un changement dans la distribution : le ténor américain Garrett Sorenson est venu remplacer celui prévu initialement.

orchestre-m-tropolitain-logo-rose-et-noir-bilingue-cmyk-2015-03-18L’œuvre est dense, lourde, progressant très lentement vers un dernier mouvement plus éclaté. La musique exprime bien toute la douleur, la tristesse et les pleurs omniprésents dans le texte. Stabat Mater veut dire littéralement «Se tenant debout, Mère », faisant référence à la Vierge Marie accompagnant son fils vers la mort au pied de la croix.

D’abord, félicitations à l’orchestre et à son chef pour la qualité de l’interprétation. Les accents, souvent cuivrés, viennent admirablement ponctuer, de façon éphémère et marquante, de longues phrases mélodiques que se partagent l’orchestre et le chœur.

J’ai adoré le premier mouvement avec ses descentes chromatiques qui se chevauchent, se répètent et se transfèrent d’un groupe d’instruments à l’autre. L’entrée du chœur à l’unisson, pendant plusieurs mesures avant de se diviser, produit un effet assez saisissant.

La troisième section pour chœur est remplie de tendresse et d’émotions. Ça se déguste les yeux fermés.

La soprano, Layla Claire, a une superbe voix puissante, juste, précise dont elle se sert à merveille, en particulier dans les sections 8 et 10. C’est la soliste qui tire le mieux son épingle du jeu.

J’ai bien aimé aussi la mezzo-soprano, Karen Cargill, pour sa voix riche et chaude. Elle excelle autant dans son solo du neuvième mouvement que dans les quatuors alors que sa voix se mêle harmonieusement avec celles des autres solistes.

Le chœur est à son apogée dans le dernier mouvement où tous entrevoient la gloire du paradis. Le Amen final est interprété  avec énergie et toute la fougue du renouveau qu’on peut imaginer. Les pupitres masculins se démarquent davantage par la justesse et la précision de leurs interventions.

Je fais maintenant partie des initiés qui ont déjà entendu et apprécié le Stabat Mater de Dvorak!

***

Ce concert a été enregistré et sera rediffusé sur les ondes d’Ici Musique, (100,7 FM) le 1er avril prochain dans le cadre de l’émission Soirées classiques animée par Mario F. Paquet. Si vous n’avez pas pu être des nôtres dimanche, ne manquez pas cette occasion!

Marco Fortier

Marco Fortier
Marco Fortier

Ariane Moffatt : 22h22, à écouter sans restriction!

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Mardi dernier était lancé 22h22, le 5e album d’Ariane Moffatt. Si les ambiances eighties et les sonorités électro-pop montrent une parenté claire avec MA, son précédent disque, notamment à cause de la présence des synthétiseurs, les percussions et les arrangements nous amènent ailleurs, dans un univers plus éclaté.

22H22_FINALE_COVERLes douze nouvelles pièces offrent un éventail varié d’influences et d’ambiances. Certaines aux arrangements complexes comme Rêve, Nostalgie des jours qui tombent dont les premières notes font penser au travail de Patrick Watson; d’autres comme Toute sa vie aux accents reggae, Debout et Miami à la pop franche et finalement, 22h22, Domenico et Les deux cheminées, des balades piano-voix aux arrangements dépouillés. En somme, Moffatt montre qu’elle peut jouer sur plusieurs registres à la fois.

Pour l’écriture de ses chansons, elle a fait appel à l’auteur, poète, interprète et journaliste Tristan Malavoy, à qui elle a offert un droit de regard éditorial sur ses textes. Une fois terminés, elle les lui a soumis pour s’assurer que, bien qu’elle traite de sujets très intimes, ils soient assez universels pour trouver écho auprès du public. Ce qu’ils ont réussi haut-la-main. Loin d’être hermétiques, les chansons traitent de sujets universels comme la mort, la peur de vieillir, la violence inouïe des « tireurs fous », tristement d’actualité ces jours-ci, l’itinérance, ainsi que les vertus de l’amour à deux à une époque où l’on jette après usage. Ces thèmes sont tous inspirés par les expériences que la vie lui a récemment offertes grâce à la maternité et constituent les ingrédients liants les chansons entre elles. Aussi, peut-être parce que ces dernières années elle a fait le choix de se dévoiler un peu plus auprès du public, on sent et reconnaît davantage Ariane Moffatt à travers ses chansons.

Je me suis d’ailleurs entretenue avec elle pour discuter de ce dernier disque et de sa nouvelle vie.

 

Maman de jumeaux depuis bientôt deux ans, vous vous êtes abondamment confiée sur les conditions parfois difficiles de la création de ce disque et les nouvelles contraintes de temps avec lesquelles vous avez dû composer dans le processus de création de ce dernier disque. Avez-vous eu peur de perdre l’inspiration, ou du moins que la maternité et la vie de famille transforment votre rapport à la création?

A.M. : Oui, carrément. C’est sûr qu’au début, quand j’ai commencé à reprendre le contrôle de ma vie après l’arrivée des jumeaux, j’ai eu assez peur d’être transformée à un point tel que je ne reconnaîtrais plus mes repères de création, que je serais toujours trop fatiguée pour m’y attarder.

Aussi, quels sujets allais-je aborder quand tout ce que j’ai vécu ces derniers temps tournait autour des soins donnés à deux petits bébés? Au départ, j’ai eu peur de ne pas avoir de sources auxquelles m’abreuver pour créer. Et puis, au contraire, quand j’ai repris le chemin du studio, l’inspiration est remontée à la surface. Beaucoup de ces émotions, des changements et prises de conscience m’ont nourrie : le rapport nouveau que j’entretiens avec le temps, la vie, la mort qui viennent avec ma nouvelle vie. Ce sont des sujets que j’abordais moins avant et qui me viennent maintenant naturellement. La matière était là. Il a juste fallu que je reprenne une routine de création. C’est sans doute la même chose avec toutes les disciplines et c’est comme le vélo : il faut s’y remettre tranquillement et ça ne se perd pas!

Ariane_1_mauve cre¦üdit LepigeonQuels sont ces fameux repères de création? Comment fait-on pour les retrouver?

A.M. : Le fait de s’asseoir devant l’ordinateur, de retrouver un rapport ludique à la musique et le plaisir de la recherche. Aussi, de ne pas être dans une quête de finalité immédiate, mais plutôt dans un état d’abandon face à l’inconnu. Il fallait surtout accepter que les contraintes de temps soient désormais plus serrées qu’avant. Je peux moins me permettre de périodes d’oisiveté, de liberté, de spontanéité.

Durant la création de l’album, je suis donc passée par plusieurs phases : Au début, juste d’avoir du temps pour moi, d’être face à mes machines et de composer, j’avais la sensation que tout était extraordinaire. Par la suite, après deux mois, c’était tout le contraire et tout me semblait mauvais! Sans vivre des tourments profonds, j’ai eu des moments d’angoisse et mes perceptions étaient biaisées. Pus un moment donné, le chemin s’est éclairci.

Parlez-nous des thèmes qui traversent cet album. J’ai été surtout frappée par le rapport au temps qui semble vous tarauder. Le temps qui passe, la jeunesse qui nous échappe, la peur de vieillir et aussi, l’heure de la sagesse qui a sonné. Ces thèmes reviennent notamment dans Retourner en moi et la très belle pièce Nostalgie des jours qui tombent qui me rejoint beaucoup. Est-ce que le temps passe trop vite?

A.M. : La chanson Nostalgie des jours qui tombent, a été écrite au lendemain de ma soirée d’anniversaire de mes 35 ans, quand j’ai ouvert un livre pour enfant qui appartient aux jumeaux. On y lit « Maman cœur », « Maman fleur » et différentes autres mamans. À ce moment-là, j’ai visualisé le mot « jeunesse » à la place de « maman » et voilà comment se sont écrites les premières paroles de la chanson .

Ma jeunesse fleur – Ma jeunesse coeur – En avril, s’étiole –

Est-ce que je l’enterre – Avant qu’elle ne s’envole ?

Ma jeunesse drame – Ma jeunesse flamme – Brûle dans le petit matin – Sur la rosée alcool –

Ma jeunesse spleen – Ma jeunesse dream – Se dissout – Se dérobe – Se déchire et me désole[i]

A.M. : L’idée d’avoir 35 ans m’est rentrée dedans et m’a fait vivre un petit spleen. Cette chanson est devenue celle des lendemains d’anniversaires qui nous rendent mélancoliques. Dans le refrain, je fais référence à la Joconde pour rappeler que l’art et la création nous rendent intemporels. Ils deviennent une sorte de refuge où l’enveloppe corporelle n’a plus d’importance.

Est-ce que les responsabilités nouvelles qui accompagnent le rôle de maman font en sorte que les moments de folie se font de plus en plus rares?

A.M. : Oui, mais on assimile ces changements en même temps qu’on apprend à devenir parent. Avant d’être mère, je n’ai pas manqué d’occasions de faire la fête. Par contre, je réalise qu’avant, je me projetais moins dans l’avenir, je ne pensais pas à l’idée de vieillir, ni à celle de mourir. Voir la vie qui pousse près de soi nous ramène à ces enjeux-là.

Après 15 ans de carrière, êtes-vous satisfaite du chemin parcouru jusqu’à présent?

A.M. : Oui, je suis satisfaite. Je ne sens pas les gens blasés devant ce que je propose et l’album semble bien accueilli. Aussi, je travaille vraiment fort pour demeurer authentique dans ma démarche et d’avoir une vraie quête artistique.

C’est vrai que malgré le temps qui passe, le public est toujours au rendez-vous, et pour cause! Il faut dire qu’en près de quinze ans de carrière, Ariane Moffatt affiche un parcours sans faute, où d’un album à l’autre, le succès est au rendez-vous. Au moment de leur sortie, chaque disque a marqué notre scène musicale et s’écoute tous aussi bien aujourd’hui. Fait remarquable : Ariane Moffatt est l’une des rares artistes à rallier à la fois le grand public et celui s’abreuvant à des sources un peu plus « champ gauche ». Et cela évidemment, bien avant sa participation à titre de coach à La Voix. Ce succès est amplement mérité puisqu’elle nous propose toujours une pop efficace et bien ficelée, tant au niveau des textes que des mélodies. Toujours dans le ton, à l’affût des tendances, elle n’a rien à envier aux vedettes pop anglophones.

L’album 22h22 est disponible en magasin, ainsi qu’en ligne sur le d’Archambault et ITunes. Pour une période de 3 mois, Ariane Moffatt a fait le choix de restreindre la diffusion en écoute libre de son album pour susciter la nécessaire prise de conscience sur les effets néfastes de la culture de la gratuité qui s’est installée ces dernières années. Je salue bien haut cette initiative. Il est plus que temps de revoir les règles du CRTC qui en matière de droits d’auteur et des redevances. Nous assistons à l’effritement du marché du disque, surtout causé par la progression fulgurante de l’offre des produits numériques qui ne connaît pas de frontières. Dans ces circonstances, il est de plus en plus difficile de se tailler une place au sein de l’industrie musicale où le succès et la longévité de la carrière d’Ariane Moffatt relèvent de plus en plus de l’exploit.

Au cours des prochains mois, Ariane Moffatt offrira une vingtaine de spectacles dans plusieurs villes du Québec. Les détails concernant sa tournée se trouvent ici. À noter qu’elle fera sa rentrée montréalaise le 22 mai au Métropolis.

[i] Paroles tirées de la chanson « Nostalgie des jours qui tombent », Ariane Moffatt, 22h22, Simon Records, 2015

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Si l’aurore : ballade planante avec Marie-Pierre Arthur

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Marie-Pierre Arthur - 16 février 2015, Cabaret La Tulipe - Spectacle de lancement de Si l'aurore. Crédit: Alexandra Bourbeau
Marie-Pierre Arthur – 16 février 2015, Cabaret La Tulipe – Spectacle de lancement de Si l’aurore.
Crédit: Alexandra Bourbeau

Mardi dernier dans un Cabaret La Tulipe rempli à craquer, Marie-Pierre Arthur lançait Si l’aurore, son très attendu troisième album. Très attendu par son public car au fil des années, l’ancienne choriste du groupe Karkwa s’est taillé une place enviable sur la scène musicale québécoise, et par l’auteure de ces lignes puisque je dois l’avouer, Marie-Pierre Arthur fait partie de mes artistes féminines préférées. Sa voix claire et magnifique, avec laquelle elle sait si bien mettre en valeur ses textes et mélodies, sa simplicité et son plaisir manifeste de jouer sur scène font d’elle une interprète accomplie. Si l’expression a encore du sens dans notre monde numérique, j’ai usé à la corde ses deux derniers albums, sans jamais me lasser.

Les sonorités soul et disco de ses nouvelles chansons, aux ambiances sexy, enveloppantes et très planantes par moments, tranchent définitivement avec les deux précédents opus à la facture plus rock. Une fois la surprise passée, le résultat est fort intéressant. Les atmosphères enveloppantes qu’elle a su créer, notamment grâce aux synthétiseurs, guitares électriques qui nous rappelle les années 90 et au saxophone, accompagnent et bercent sa voix. À la première écoute, on se laisse happer par la musique, pour ensuite porter attention aux textes qui traitent pour la plupart de tourments et ruptures amoureuse.

Il y a quelques jours, j’ai eu la chance et le plaisir de m’entretenir avec la principale intéressée au sujet de son nouveau disque, de son virage musical et des thèmes qui traversent ses nouvelles pièces.

M.D.A. : Quels sont les principaux thèmes qui sont abordés dans ces nouvelles chansons?

M.P.A. : J’écris sur ce qui me touche et me fascine. La manière dont on peut gérer émotivement ce qui nous arrive; les réactions, les ressources et les décisions prises qui peuvent être tellement différentes d’une personne à l’autre m’inspirent beaucoup.

Je suis à l’affût de ce qui m’entoure et plus le temps passe, plus je me rends compte que mes textes sont inspirés de ce que je vois autour de moi. Une chanson, c’est un peu le regard que et le jugement que je pose sur la manière dont les gens vivent les situations auxquelles ils font face. Récemment, beaucoup de couples autour de moi ont été secoué par crises et des séparations. La plupart d’entre eux  étaient ensemble depuis plusieurs années et avaient eu des enfants. Certains étaient déchirés entre ce qu’ils avaient bâti et rêvé d’être.  Beaucoup de ceux-là ont rencontré une nouvelle personne et tout ce qui va avec. Ces évènements ont nourri mes réflexions et inspiré mes textes.

À partir de ces histoires, j’ai imaginé un couple qui vivait tous ces déchirements et j’ai abordé tous les angles, les registres et tous les rôles des personnes impliquées, soit : la personne trompée, celle qui trompe, celle qui s’emmerde dans son couple et qui développe un désir pour une autre personne et ses tourments, l’ami de la personne trompée, etc. J’ai exploré ainsi tous les registres de cette même histoire.

MPA Marc-Étienne Mongrain
Marie-Pierre Arthur. Crédit: Marc-Étienne Mongrain

M.D.A. : Ce troisième disque est fort différent de vos deux premiers. Pourquoi avoir senti le besoin d’explorer d’autres univers?

M.P.A. : Le virage peut paraître brusque, mais pour nous, ça été tout naturel parce que trois ans se sont écoulés entre l’album précédent et celui-ci. C’est une évolution qui me semble naturelle parce qu’entre temps, j’ai beaucoup été influencée par le mélange des musiques différentes que j’ai écoutées ave les membres de mon band. Aussi, je savais que j’avais envie de jouer quelque chose d’un peu plus sexy que rock. J’avais envie d’adopter une attitude musicale différente et de jouer un son plus invitant que le rock énergique qui pousse vers les autres. 

M.D.A. : À mon avis, Aux alentours, votre précédent disque, était parfait pour la voiture avec ses chansons qu’on chante à tue-tête. Si l’aurore, on l’écoute où et dans quelles circonstances?

M.P.A. : Ça dépend si c’est une longue ride. Aux alentours s’écoutait tout de suite en partant de Québec vers Montréal et Si l’aurore, un peu plus tard pendant le voyage, une fois passé Drummondville quand on est plus détendus. 

M.D.A. : Quels sont le artistes qui ont influencé cet album?

M.P.A .: C’est terriblement large. Après avoir fait un disque, les musiciens et moi passons deux ans en tournée à nous promener sur la route. On est pas mal vieux jeu et on passe ce temps ensemble, sans être trop absorbés par nos téléphones portables. Durant ces moments-là, on écoute beaucoup de musique et on se partage nos découvertes qui forcément, nourrissent notre inspiration. Par exemple, je n’avais pas prévu que Cindy Lauper allait influencer la création de ce disque. C’est arrivé sans que je m’y attende. C’est un exemple parmi tant d’autres que je pourrais nommer.

M.D.A. : Avez-vous peur que le public, ceux qui vous suivent et ont apprécié les deux premiers albums soient un peu déroutés par ce virage musical?

M.P.A : Si j’avais eu envie de faire un album qui ressemble au précédent, je ne m’en serais pas empêché. J’ai senti le besoin d’aller voir ailleurs parce que j’avais l’impression d’être allée au bout d’un esthétisme. Je ne fais pas de la musique pour m’écouter mais plutôt parce que ça me fait vraiment tripper. Je ne serais pas honnête si la peur de perdre des gens en chemin m’empêchait de faire ce dont j’ai vraiment envie. De toute manière, il n’y a jamais de garanties que le public va aimer ce qu’on fait. Si pour ne pas dérouter ceux qui ont apprécié Aux alentours, j’avais produit un disque qui lui ressemble, peut-être que les gens n’auraient pas eu envie d’embarquer dans ce trip-là et qu’ils auraient préféré se souvenir de l’autre qu’ils avaient préféré.

L’important, c’est d’assumer mes choix. Je sens que je réussis à représenter totalement ce que je suis, ce que je veux faire au moment où je le fais. J’essaie d’être intègre et d’être le plus « raccord » possible avec ce que je suis.

En plus de ses talents indéniables de musicienne et sa voix unique, cette intégrité dont elle se soucie traverse sa démarche et son œuvre. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’aime autant Marie-Pierre Arthur. Si l’Aurore est en vente chez tous les bons disquaires et disponible en ligne sur ITunes et Bandcamp. Pour consulter les dates de ses spectacles, visitez son site: www.mariepierrearthur.com.

Extraits choisis de Si l’aurore :

Myriam D’Arcy

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Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

La tarte au sucre de Fred Pellerin

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Crédit : Laurence Labat
Crédit : Laurence Labat

La semaine dernière, Fred Pellerin nous offrait Plus tard qu’on pense, son troisième disque solo, réalisé par son ami et complice Jeannot Bournival. Il s’agit de son meilleur album à ce jour, un petit bijou qui s’apprécie davantage à chaque écoute. Les arrangements dépouillés, les cordes et le son acoustique des guitares servent très bien les textes poétiques d’une grande beauté qui vont droit au cœur. À peine une semaine après sa sortie, le disque s’est écoulé à près de 20 000 exemplaires, empêchant ainsi One direction, le boys band américain de trôner au sommet du palmarès comme partout dans le monde.

En plus de signer trois chansons, Pellerin a sollicité la collaboration d’auteurs de grand talent : René-Richard Cyr qui avait offert la très belle pièce Il faut que tu saches sur son album précédent, David Portelance (Tenir debout) et Léon Bigras. Trois très belles reprises s’ajoutent aux compositions originales, soit Le grand cerf-volant de Gilles Vigneault, Cajuns de l’an 2000 de Stephen Faulkner et J’espère de pas tomber en amour avec toi de Tom Waits, traduite par David Portelance. À travers les douze pièces offertes, Pellerin aborde des thèmes qui lui sont chers : le temps qui passe, la famille, la nécessaire transmission, la solidarité, à travers lesquels il invite à prendre son destin en main, collectif et personnel.

FredPellerin_cover_PlustardquonpenseSa carrière d’auteur-compositeur-interprète, Fred Pellerin la mène en toute humilité, et même, à contre-courant dans un contexte où l’industrie du disque est secouée par de sérieuses turbulences. Les ventes de ses deux derniers albums réunis totalisent plus de 240 000 exemplaires sans avoir été accompagnés de spectacles et sans que ses chansons ne tournent à la radio. Il s’agit d’un véritable exploit qui témoigne du lien unique et privilégié qu’il a su tisser avec le public québécois, qui ne se dément pas au fil des années et des projets.

Il y a quelques jours, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Fred Pellerin pour discuter de ce nouvel opus, mais aussi du rapport qu’entretiennent les Québécois avec leur histoire et leur culture.

MDA : Comment s’est déroulée la gestation de ce disque?

F.P. : Jeannot Bournival et moi, on s’est donné beaucoup de temps, soit un peu plus d’un an et demi. Comme nous l’avions fait pour Silence, tranquillement pas vite, je vais chez lui pendant deux heures et on ne fait rien. La semaine d’après, – je ne suis pas supposé y aller – et finalement, on fait deux tounes. On a fait ce disque sur un rythme ralenti, comme un long mijoté.

MDA : Comment choisis-tu tes collaborateurs?

F.P. : Ça vient au gré de l’amour des chansons que je reçois. Par exemple, quand j’ai dit à René-Richard Cyr que je travaillais à un album, il m’a répondu avoir des textes pour moi qui traînaient dans son ordinateur. C’est à ce moment que la chanson Plus tard qu’on pense a vu le jour. Nous avions presque terminé l’album quand il en a eu une nouvelle idée. Il m’a envoyé trois couplets de ce qui allait devenir la chanson De fils en pères. J’ai zigoné dedans avec ma mandoline et nous avons peaufiné le texte. 

MDA : Ces nouvelles chansons sont plus graves que les précédentes. Quel message veux-tu transmettre à ceux qui écouteront cet album?

F.P.: Même si ce n’était pas volontaire il y a quand même une gravité dans les chansons, une certaine urgence de vivre parce que j’ai conscience du temps qui passe. Les textes invitent à prendre les choses quand elles passent, de faire de notre mieux, de se tenir droit et de pousser fort. C’est ce que je veux qu’on retienne de ces chansons.

Aussi, je ne m’en étais pas rendu compte avant de donner des entrevues, mais la figure du père, la paternité reviennent à quelques reprises. Bien sûr De fils en pères, mais aussi, Les couleurs de ton départ. C’est une chanson d’amour, mais c’est également celle que je chanterais à mon fils. Et Ovide où je raconte quand mon père m’amenait voir ses poules. Un jour, ça été mon tour d’amener mon fils voir les poules d’Ovide.

MDA.: Je constate qu’une inquiétude semble te tarauder et traverse ton œuvre, celle de la fragilité de notre existence collective, de notre survivance qui n’est jamais assurée dans le temps. Pensons à Mommy, Tenir debout et sur ce disque, Plus tard qu’on pense, Cajuns de l’an 2000, Gens du vieux rêve. Penses-tu qu’il soit désormais trop tard pour les Québécois, que nous sommes les nouveaux Cajuns de l’an 2000?

F.P : Non! Même si je pense qu’il est plus tard qu’on pense, il n’est pas trop tard! C’est urgent plus que jamais. Heureusement, on s’en rend compte. On a repris la rue, on manifeste, on sort, on signe, on crie et c’est nécessaire. C’est nécessaire parce que si on lâche, notre sort peut se régler très rapidement. On sera gobé par le grand poisson. Pour agir, n’attendons pas de se retrouver dans le ventre de la baleine…

MDA : Après toutes les défaites que nous avons essuyées, je me surprends parfois à penser que l’indépendance ne se réalisera peut-être pas. Par contre, c’est peut-être grâce au rêve du pays que nous nous interdisons de baisser les bras. Qu’en penses-tu?

F.P : Oui, ce rêve-là nous garde en vie parce qu’on continue de marcher. Peut-être que le projet d’indépendance et de pays sont à rénover. On arrive à un moment où on doit plus exister par « oui » que par « non ». La québécitude existe beaucoup en voulant se définir par opposition à l’Autre. On l’a vu avec la Commission Bouchard-Taylor, puis la Charte des valeurs. On nous a demandé de dire ce dont on ne voulait pas, ce qui n’était pas nous. Mais qu’est-ce qu’on veut? Qu’est-ce qui est nous? Voilà ce qu’on doit chercher à définir. Par la suite, ce sera plus facile de tracer la ligne entre ce qu’on tolère ou non parce que la ligne sera claire. Notre projet, ça devrait être celui-là, de tracer les lignes plutôt que de vouloir définir ce qui passe ou non sur la ligne.

MDA : Quelle est la place de la mémoire et des traditions dans la définition de notre identité collective? 

F.P : Je suis convaincu que la culture, qui est inscrite dans le temps qui participe d’une mémoire, est nécessaire. C’est impossible de se réinventer à partir de zéro à chaque jour. À l’échelle individuelle, les gens qui souffrent d’Alzheimer, ce sont de gens qui perdent la mémoire et ce qu’on dit, c’est que ce n’est plus la personne que je connaissais. Être quelqu’un, c’est être de cette mémoire-là c’est être quelque chose qui est raccord avec ce que tu étais la seconde d’avant et ce que tu étais dix ans auparavant. La mémoire est nécessaire à la définition de l’individu et à la définition collective. Quand on rejette toutes nos traditions qu’on perçoit comme aliénantes, comme un vieux folklore gricheux, on fait sans le savoir une prétention de se réinventer alors que c’est impossible. Pour avoir une construction et des fondations solides, il faut construire à partir de ce qui existe déjà. La maison pourra ainsi être plus haute sans risquer de s’effondrer.

MDA  Les Québécois semblent de moins en moins assumer leurs traditions héritées du Canada français. À ton avis, comment l’expliquer?

FP : Peut-être y a-t-il eu dans la foulée du refus global, un bébé qui a été jeté avec l’eau du bain. Le folklore et les traditions étaient perçus comme de l’aliénation puisqu’elles correspondaient à des valeurs connotées comme étant aliénantes et folklorisantes dans le sens gricheux du terme. Le jour où on se met à cracher sur nos ceintures fléchées, ça ne donne pas le goût à grand monde à apprendre à faire des ceintures fléchées. J’ai appris à faire des ceintures fléchées et ça fait les plus beaux foulards du monde mais on ne flèche plus. Dans quelques années, il n’y aura plus personne qui flèchera et cet art-là, qui n’est pas du tout aliénant, disparaitra. Ce n’est qu’une forme de tricot, de tressage qui n’existe qu’au Québec. C’est quelque chose qui nous appartient en propre et moi je ne suis pas un grand puriste de la ceinture fléchée mais je pense qu’on peut créer des supers belles affaires en récupérant ce savoir-là pour aller là ou pour aller ailleurs si on veut. La recette de la tarte au sucre existe. Tu peux faire une tarte très funky à partir de la recette originale en ajoutant une épice pimentée ou cardamomée mais il reste que cette chose-là existe. Il faut donc apprendre ces rudiments de base de notre culture pour pouvoir les jazzer, les pousser plus loin.

MDA : Est-ce la même chose ailleurs dans le monde?

F.P : Je remarque que souvent, ailleurs, le folklore est célébré et valorisé. En Irlande, la musique traditionnelle est enseignée à l’université tandis que nous, on la sort au jour de l’An et on se dépêche de la ranger immédiatement après parce qu’on en a honte. On ne devrait pas avoir cette attitude-là envers notre musique et nos traditions. Pourtant, il y a tellement-là de matière pour en faire du beau. La racine n’empêche pas l’arbre de monter. Si on coupe les racines en pensant que ça retient l’arbre de pousser, il va mourir.

MDA : Tu donnes de plus en plus de spectacles en Europe. Alors qu’ils ne partagent pas tes références, comment expliquer cet engouement de plus en plus grand pour tes contes de la part des Français et des Belges?

F.P. Ce qui les étonne beaucoup, c’est la liberté que je me donne sur scène, en travaillant sans texte. Ils aiment aussi le délire que je me permets en démanchant la langue. Ils se rendent bien compte que ma langue n’est pas nécessairement celle que les Québécois parlent. Ça devient une autre langue même si je prends pour point de départ un code qu’on a en commun qui est un Grévisse ou une Bescherelle.   

Mes textes et mes références sont très québécoises et même si je ne le rappelle pas à leurs racines, ils y trouvent quand même leur dose de plaisir poétique. C’est étonnant! Comme je fais beaucoup référence à Saint-Élie-de-Caxton, mes contes pourraient n’intéresser que les gens de mon village. Au début, c’est ce que je pensais mais rapidement,  on m’a invité à Saint-Paulin et Saint-Barnabé, ensuite Trois-Rivières, et puis à Joliette. Je me promène maintenant en Suisse, en France, en Belgique. Je fais un tiers de mes spectacles à l’extérieur du Québec. Dans le regard des Français, on peut rapidement jouer les clichés et comme ils aiment ça, ça peut être tentant d’aller jouer dans ce registre-là.  Je ne vais pas dans cette zone là et ils trouvent y quand même leur compte. On me prend d’égal à égal et ça me touche.

MDA : Quels sont tes projets pour les prochains mois?

F.P. : D’ici à l’automne prochain, je vais poursuivre la tournée du spectacle De peigne et de misère. Par la suite, en décembre 2015, on offrira un nouveau spectacle de contes et musique symphonique avec l’OSM. Je travaille aussi avec Francis Leclerc à l’adaptation pour le cinéma du roman Pieds nus dans l’aube de Félix Leclerc.

 

***

Là où très peu d’artistes réussissent, Fred Pellerin fédère autour de sa personne et de son œuvre les Québécois peu importe leur âge, leur provenance et leur classe sociale. Vieille souche ou nouvelle branche, jeune épinette ou vieux chêne, l’amour du public lui est acquis. En plus de nous réconcilier avec un passé que nous avons souvent voulu oublier, il nous rend fiers. Fiers de ce que nous sommes, fiers de ce que nous avons à offrir au monde. À travers son regard, tout devient plus beau et plus grand. Il est à la fois ambassadeur et producteur de culture et l’incarne comme personne d’autre.

C’est donc avec bonheur que nous accueillons son nouveau disque. Pour de plus amples informations sur les activités et la tournée de spectacles de Fred Pellerin, consultez son site à www.fredpellerin.com.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Klô Pelgag: portrait d’une artiste libre

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Crédit: Benoit Paillé
Crédit: Benoit Paillé

Depuis le Gala de l’ADISQ qui s’est déroulé le 26 octobre dernier, le nom de Klô Pelgag est sur toutes les lèvres. Sacrée « Révélation de l’année », un titre amplement mérité, la jeune auteure-compositrice-interprète de 24 ans en a surpris plus d’un au moment de recevoir son Félix. Habitués que nous sommes aux remerciements émotifs de circonstances, une partie de l’audience du gala n’était vraisemblablement pas préparée à aller à la rencontre de cette artiste hors normes. Sitôt ses remerciements colorés par son humour qu’elle-même qualifie d’absurde terminés, les réseaux sociaux et les médias se sont enflammés.

À quelques jours du spectacle qu’elle donnera le 6 novembre prochain en ouverture du festival Coup de cœur francophone, j’ai eu le privilège et le grand bonheur de m’entretenir avec elle. Portrait d’une jeune femme étonnante qui aura tôt fait de bouleverser notre scène musicale.

Artiste multidimensionnelle et surdouée, Klô Pelgag s’intéresse à la danse, au cinéma et au théâtre en plus de la musique. Elle chante et joue du piano avec grande aisance et ses textes à la poésie éclatée sont admirablement bien écrits. À cause de sa personnalité singulière et la totale liberté qu’elle s’autorise, je serais tentée de la comparer à Pierre Lapointe en ce sens qu’elle ne ressemble à personne et qu’elle marquera à coup sûr son milieu et son époque. Et comme Lapointe, elle ne fait pas de compromis sur ce qu’elle est et fait.

Si elle demeure encore inconnue du grand public, Klô Pelgag roule sa bosse depuis quelques années et recueille un succès d’estime de ses pairs et de l’industrie qui ne se dément pas. À l’automne 2013, la sortie de son excellent album L’alchimie des monstres, a été abondamment saluée par la critique. Depuis 2010, son travail et son talent ont été récompensés à de nombreuses reprises. Elle a notamment été lauréate au Festival International de la chanson de Granby (2010); elle a remporté le prix Richard Desjardins au concours Ma Première Place des Arts (2010); récipiendaire du prix Miroir «Célébration de la langue française» au Festival d’été de Québec (2012); lauréate du prix des diffuseurs européens à la bourse RIDEAU 2013, ce qui lui a permis d’entreprendre une carrière florissante en France, nommée Révélation Radio-Canada (2014-2015) et récipiendaire du prix Charles Cros en France (2014).

Originaire de Rivière-Ouelle dans le Bas Saint-Laurent, Chloé Pelletier Gagnon de son vrai nom, explique être très proche de sa famille et ses racines.

KPG : Mes parents vivent dans la maison de nos ancêtres que nous occupons depuis cinq générations. Elle est située face au fleuve et le décor est magique. Je suis une vraiment une fille « de famille ». Nous sommes très proches les uns des autres et nous nous apportons mutuellement beaucoup de soutien. D’ailleurs, mon frère Mathieu travaille avec moi. En plus de m’aider à réaliser les arrangements de l’album, c’est lui qui m’a incitée à faire de la musique.

MDA : Comment te sens-tu depuis le gala de l’ADISQ?

KPG : Je ressens un mélange d’émotions. Je suis à la fois heureuse et fatiguée. Depuis le gala, j’ai reçu beaucoup de beaux messages. J’ai trouvé drôle la forte réaction de certains suite à mon discours prononcé à l’ADISQ. Une chance qu’ils ne viennent pas voir mon spectacle! Ils seraient traumatisés! Par contre, je ne m’en fais pas trop pour les réactions négatives. Certains ne comprennent pas l’humour de deuxième degré. Toutes les personnes que j’admire ne sont pas des gens qui ont fait l’unanimité. Par exemple, de son vivant, Claude Gauvreau, un grand poète québécois, se faisait traiter de fou et huer dans les salles. Depuis son décès, son travail est porté aux nues.

Crédit: Benoit Paillé
Crédit: Benoit Paillé

MDA : Comment composes-tu avec ton image et le regard que portent les gens sur toi?

KPG : Je pense que nous sommes toujours conscients du regard des autres. Parfois, je trouve ça difficile mais j’assume mes idées, qui je suis et ce que je fais. On essaye tous de devenir des meilleurs humains et de s’améliorer. Quand on prend conscience de qui on est, c’est beaucoup plus facile de passer à une autre étape dans sa propre vie. Je suis consciente du regard que posent les gens sur moi. J’aime faire rire les gens et ce n’est pas tout le monde qui apprécie mon humour.

MDA : Quelle est la contribution que tu souhaites apporter à la scène artistique québécoise?

KPG : J’espère de tout mon cœur être pertinente et amener la liberté. Les gens sont beaucoup préoccupés par ce qu’on peut penser d’eux et pour cette raison, ils se contrôlent et se censurent. J’espère aussi apporter un peu de poésie et l’amour des mots. J’aime beaucoup notre langue et je suis fière de m’exprimer en français. Certains artistes me rendent fiers de parler ma langue et je trouve que c’est un beau rôle à jouer, un bel objectif à se donner.

MDA : Quels sont les artistes qui t’inspirent et t’influencent?

KPG : J’aime beaucoup Socalled. C’est un artiste multidisciplinaire de la scène anglophone de Montréal. Il est à la fois marionnettiste, rappeur et pianiste de grand talent. Son spectacle est l’un des plus surprenants que j’ai vus. Aussi, l’Orchestre d’hommes-orchestres. Cette troupe est formée de gens de Québec qui possèdent une formation en musique et en théâtre. Ils sont peu connus mais tournent partout à travers le monde. Ils font des spectacles conceptuels vraiment intéressants puisqu’ils utilisent le théâtre comme effet musical. Celui que j’ai vu s’intitulait L’Orchestre d’hommes-orchestres joue à Tom Waits. J’aime aussi beaucoup Violett Pi.

MDA : Quels sont les artistes qui t’ont donné envie de chanter en français?

KPG : Jean Leloup et Gilles Vigneault me rendent fière de ma langue. Chaque fois que Gilles Vigneault chante ou prend la parole, j’ai envie de lever mon poing dans les airs et crier : « Je suis Québécoise et j’en suis fière! » Gilles Vigneault est solide et toujours de son temps et c’est assez rare d’y parvenir comme il le fait.

MDA : Comment t’est venue l’envie de faire de la musique?

KPG : J’ai longtemps eu le sentiment que je n’étais pas au bon endroit, que je n’étais pas à ma place. J’avais 16 ans lors que j’ai composé ma première chanson et depuis lors, je ne doute plus de ce que j’aime. C’est à ce moment que j’ai compris que la musique pouvait agir tel un remède et faire du bien aux gens ainsi qu’à moi-même. J’ai réalisé que les notes pouvaient résonner comme un médicament et depuis, je n’ai jamais arrêté de faire de la musique.

MDA : D’ailleurs, en lisant tes textes, j’ai remarqué que la maladie et la mort sont des thèmes récurrents de tes chansons. Pourquoi est-ce le cas?

KPG : Comme tout le monde, j’ai été confrontée à la maladie parce que des gens de mon entourage ont été touchés. La mort est un sujet tabou. De mon côté, j’aime m’exprimer à ce propos parce que ça me permet notamment de faire des deuils ou simplement de réfléchir à haute voix avec les gens. C’est donc un peu par expérience personnelle, mais aussi parce que ce sont des thèmes universels, qui touchent et portent à la réflexion.

Aussi, pour la chanson Rayon X qui se retrouve sur mon album, je venais tout juste de regarder un documentaire sur Marie Curie et j’avais envie d’utiliser des mots de laboratoire. J’y aborde le combat entre la science et la religion sur une ambiance inspirée de Star Wars! Aussi, le texte cache un deuxième propos, grivois celui-là, que peu de gens comprennent.

Pour ma part, je dois me confesser : je n’avais pas du tout saisi le sens caché de la chanson!

MDA : Que réserves-tu à ton public montréalais le 6 novembre prochain?

KPG : Ce sera un spectacle complètement fou où je me payerai la traite. Je ferai des choses qui me font plaisir et qui devraient aussi faire plaisir aux gens qui me connaissent. Je présenterai une nouvelle chanson et des arrangements un peu différents sur celles qui font déjà partie du spectacle. À Montréal, j’ai un public de fidèles qui reviennent souvent me voir et à chaque fois, j’essaie et j’espère toujours les surprendre. Nous avons fait construire un nouveau décor et des musiciens supplémentaires s’ajouteront à mon groupe. J’ai très hâte à cette soirée!

Et nous, donc! Pour voir et entendre Klo Pelgag, rendez-vous le 6 novembre prochain au Club Soda à l’occasion du spectacle d’ouverture du festival Coup de cœur francophone.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Mes prédictions et coups de cœur en attendant le Gala de l’ADISQ!

Publié le Mis à jour le

logo-gala-adisqC’est ce soir que se tiendra la 36e édition du Gala de l’ADISQ, la grande fête annuelle de la chanson québécoise. En plus des Félix qui seront remis afin de récompenser les artistes méritants, les téléspectateurs pourront voir et entendre des performances en direct, notamment d’Alex Nevsky, Patrice Michaud, Brigitte Boisjoli, Misteur Valaire et les artistes en nomination à titre de « révélation de l’année ». La cérémonie sera animée pour une 9e année consécutive par l’excellent Louis-José Houde, humoriste chéri des Québécois.

Pour le plaisir, en attendant que débute la soirée et défilent nos artistes et artisans de la chanson sur le tapis rouge, je vous livre ici mes prédictions et préférences pour chacune des catégories la soirée.

ALBUM DE L’ANNÉE – ADULTE CONTEMPORAIN

Les nominés : 795253-album-serge-fiori-serge-fiori

L’année 2014 marque enfin le retour tant attendu de Serge Fiori, ex-chanteur du groupe mythique Harmonium après 28 ans d’absence sur la scène musicale québécoise. En mars dernier, dès la sortie de son album éponyme, la réponse du public et des médias a été aussi forte que spontanée : deux semaines après sa mise en marché, le disque était certifié « Or » puisque plus de 40 000 exemplaires avaient trouvé preneurs. Un mois plus tard, c’était le double avec 80 000 copies, ce qui lui a valu la certification « Platine ». Ces résultats sont spectaculaires en soit, en encore plus dans un contexte où les ventes d’albums au Québec et partout dans le monde sont en chute libre notamment à cause de la dématérialisation des œuvres musicales.

À mon avis, nul doute que Serge Fiori brillera durant ce gala et recevra le Félix décerné dans cette catégorie pour l’album « adulte contemporain ». Ce trophée sera absolument mérité puisqu’il s’agit d’un très beau disque où nous avons retrouvé avec bonheur la voix, les textes et les mélodies de cet artiste exceptionnel.

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ALBUM DE L’ANNÉE – FOLK

Les nominés :Hay_Babies-2 - source leur site internet

Ces derniers mois, j’ai été séduite par les chansons joyeuses et rafraîchissantes du trio acadien Les Hay babies, qui font rayonner la culture de leur coin de pays de très belle manière. D’ailleurs, elles participent à une certaine renaissance de la chanson acadienne déprise du folklore qui s’observe depuis quelques années, mouvement porteur d’espoir pour cette nation dont l’avenir est toujours fragile et incertain. Mon Homesick heart est un disque important pour ce qu’il représente, mais aussi et surtout en soi parce qu’il est franchement réussi. Pour ces raisons, j’espère qu’il recevra le prix décerné à l’album de l’année dans la catégorie folk. Par contre, je pense que c’est le non moins talentueux Philippe B qui remportera la mise, notamment grâce aux textes magnifiques qui se retrouvent sur son deuxième album Ornithologie, la nuit.

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ALBUM POP DE L’ANNÉE

Les nominés :

Fancy ghettoDans cette catégorie couronnant l’album pop de l’année, mon cœur balance entre Alex Nevsky et Alexandre Désilets. Tous les deux ont offert un disque à la pop plus franche et assumée que leur précédent disque respectif. Leurs textes sont bien écrits, les mélodies, contagieuses sans pour autant être racoleuses. J’ai écrit à quelques reprises sur ce blogue au sujet d’Alexandre Désilets, artiste talentueux et accompli qui je l’espère, trouvera bientôt grâce aux yeux (et aux oreilles!) des radios commerciales. Il a tout pour séduire tant la critique que le public.

Heureusement, c’est d’ailleurs ce qui vient d’arriver à Alex Nevsky. Au printemps dernier, sa chanson « On leur a fait croire », premier extrait d’Himalaya mon amour paru à l’automne 2013, a connu un immense succès sur les chaînes privées. Son succès fait plaisir à voir et nul doute que ce soir, son deuxième opus sera sacré « album pop de l’année ». Cette récompense sera pleinement méritée!

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RÉVÉLATION DE L’ANNÉE

Les nominés :

Source: bandcamp
Klô Pelgag Source: bandcamp

Depuis son passage remarqué à La Voix, la carrière de Valérie Carpentier a décollé en flèche. Pour l’écriture des chansons de son disque L’été des orages, la jeune interprète a pu compter sur des auteurs accomplis tel que Marie-Pierre Arthur, Yann Perreau, Joseph Marchand, Alex McMahon, Pierre Lapointe, Daniel Bélanger et Ariane Moffatt, son mentor lors du populaire concours télévisé. Ses chansons ont tourné en boucle à la radio, la propulsant rapidement au rang de star. Ce soir, Valérie Carpentier se trouve donc bien en selle pour remporter la statuette dans cette catégorie.

Pour ma part, je pense que c’est plutôt à Klô Pelgag que devrait revenir le titre de révélation de l’année. Cette artiste ne ressemble à aucune autre, tant par sa personnalité que ses chansons. Sa poésie, ses mélodies, sa liberté, son univers éclaté et déjanté font d’elle une artiste hors du commun, dont l’originalité n’a d’égal que son génie.  En me prêtant un instant au jeu hasardeux des comparaisons, je dirais que pour toutes ces raisons, elle fait penser à Pierre Lapointe. Il me tarde de la voir sur scène à l’occasion du spectacle d’ouverture du festival Coup de cœur francophone le 6 novembre prochain.

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SPECTACLE DE L’ANNÉE – AUTEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE 

Les nominés :

pierre-lapointe-premiere-montrealaise-4089À mon avis, Pierre Lapointe sera récompensé pour son efficace spectacle « Punkt » présenté un peu partout au Québec, notamment à l’ouverture du Festival Montréal en lumière, sur la grande scène des Francofolies en juin dernier et un peu partout au Québec. Ce spectacle supporte très bien l’univers et les chansons de cet album aux textes à la fois crus, drôles, touchants et tristes, à l’ambiance kitsch et pop totalement assumées. Sur scène, Pierre Lapointe est d’une efficacité redoutable, tant durant ses interventions où il met son public dans sa petite poche, que durant ses interprétations où il s’éclate. Comme pour chacun de ses spectacles, il en fait un évènement qu’on se félicite de ne pas avoir manqué.

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SPECTACLE DE L’ANNÉE – INTERPRÈTE

Les nominés :

  • Artistes variésLe chant de Sainte Carmen de la Main
  • Artistes variés – Ne me quitte pas : un hommage à Jacques Brel

Isabelle Boulay devrait remporter le Félix dans cette catégorie. L’amour que lui porte le public ne semble pas s’altérer malgré le temps qui passe. D’ailleurs, son dernier disque hommage à Serge Reggiani paru récemment et le spectacle qui l’accompagne devraient valoir à Isabelle Boulay une nomination l’an prochain dans cette même catégorie.

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AUTEUR OU COMPOSITEUR DE L’ANNÉE

Les nominés :

Cette catégorie appelle à faire un choix déchirant puisque tous les artistes en nomination ont offert des textes et mélodies solides et méritent également de se voir récompensés à titre d’auteur ou compositeur de l’année. Je pense que Jimmy Hunt sera récompensé puisque son dernier disque Maladie d’amour, a connu un succès critique sans pareil. D’ailleurs, dans ce blogue, j’ai l’habitude de demander aux artistes que je rencontre quels sont les disques qui les ont le plus marqués durant la dernière année et à chaque fois où j’ai posé la question, Jimmy Hunt faisait spontanément partie de ces artistes inspirants ses pairs.

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GROUPE DE L’ANNÉE

Les sœurs Boulay Source: www.lessoeursboulay.com
Les sœurs Boulay
Source: http://www.lessoeursboulay.com

Les nominés :

Dans cette catégorie, je prédis une victoire facile pour Les sœurs Boulay, dont l’excellent album Le poids des confettis paru l’an dernier a charmé le grand public. C’est aussi mon choix.

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INTERPRÈTE DE L’ANNÉE

Brigitte Boisjoli Source: www.musicordisques.ca
Brigitte Boisjoli
Source: http://www.musicordisques.ca

Les nominés:

 

L’ex-académicienne Brigitte Boisjoli a très bien réussi son passage entre star d’un concours télévisé et interprète accomplie. Sa voix puissante et sa personnalité font d’elle une chanteuse apprécie du grand public et des médias. Même si la compétition est féroce dans cette catégorie où de grandes stars s’affrontent, Brigitte Boisjoli devrait être sacrée interprète de l’année. C’est d’ailleurs un choix que je partage.

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INTERPRÈTE MASCULIN DE L’ANNÉE

Les nominés :

À mon avis, il ne fait aucun doute que le titre et trophée d’interprète masculin de l’année revient à Serge Fiori. D’ailleurs, ces jours-ci nous pouvons voir le très  beau vidéoclip de la chanson « Jamais », ma préférée sur le disque éponyme, La réalisation a été confiée à la chorégraphe et danseuse Marie Chouinard qui a réussi à transposer à l’écran la mélancolie et solitude qui transpirent du texte de Fiori. Il se trouve en ligne ici.

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CHANSON DE L’ANNÉE

Les nominés:

Himalaya mon amour PNGVoilà une catégorie où prédire le vote du public est difficile – et faire un choix s’avère déchirant! J’affectionne tout particulièrement Marie-Pierre Arthur. Son dernier album, paru en 2012 est un petit bijou que j’ai usé à la corde. Malheureusement, les radios commerciales jouent trop peu ses chansons. À mon avis, Alex Nevsky et Louis-Jean Cormier ont le plus de chance d’emporter la précieuse statuette. Je prédis une chaude lutte remportée de justesse par Nevsky puisque sa chanson On leur a fait croire a connu un immense succès sur les ondes des radios commerciales. De mon côté, mon cœur balance et si on m’obligeait à faire un choix, avoué sous la torture, j’opterais pour Louis-Jean Cormier. « Tout le monde en même temps » est sans doute ma chanson préféré de cet album qui conserve une place à part dans mes coups de cœur des dernières années. C’est sans aucun doute l’un des artistes les plus talentueux de sa génération, inspirant et inspiré. J’attends son deuxième album solo avec beaucoup d’impatience.

Et vous, quelles sont vos prédictions, vos coups de cœur de l’année? N’hésitez surtout pas à vous commettre dans la section « Commentaires »!

Ce soir, quels que soient les choix formulés par les membres de l’Académie et du public, ce 36e gala de l’ADISQ montrera à nouveau l’étendue du talent des artistes de la chanson québécoise. Notre scène musicale bouillonne de talents, émergents et bien établis qui font plaisir à voir et entendre. Espérons d’ailleurs que cette soirée sera l’occasion pour les dirigeants des chaînes de radio privées d’effectuer une prise de conscience sur leur rôle important dans la mise en vitrine et diffusion des artistes d’ici qui peuvent offrir des lieux de rencontre avec le public.

Le Gala de l’ADISQ sera présenté sur les ondes d’Ici Radio-Canada dès 19h30.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Chloé Lacasse : femme orchestre

Publié le Mis à jour le

Source: Page Facebook officielle de Chloé Lacasse.
Source: Page Facebook officielle de Chloé Lacasse.

Je me suis récemment entretenue avec Chloé Lacasse, auteur-compositeur interprète de grand talent qui assure présentement la première partie des spectacles de la tournée d’Alex Nevsky. J’ai découvert Chloé Lacasse au cours du printemps dernier alors qu’elle lançait Lunes, son deuxième album salué par la critique. J’ai tout de suite été séduite par les sonorités pop-rock de ses chansons où se marient des arrangements orchestraux qui se retrouvent sur ces deux albums et qui donnent de l’amplitude et de la profondeur à ses pièces.

Depuis sa tendre enfance, l’artiste de 31 ans se passionne pour les arts et la musique. À telle enseigne qu’elle a longtemps hésité avant d’embrasser une seule carrière, le théâtre ou le chant. D’ailleurs, au milieu des années 2000, elle avait mis sur pied sa propre compagnie de théâtre. Elle me confie:

C.L. : J’ai longtemps eu de la difficulté à choisir et me concentrer sur une seule expression artistique. J’hésitais entre le chant et le théâtre. Enfant, j’ai étudié pendant dix ans le piano classique et par la suite, je me suis inscrite au programme de théâtre musical au Collège Lionel Groulx, ce qui m’a permis de développer et de perfectionner ma maîtrise de ces deux disciplines. J’en ai retiré des enseignements précieux. En spectacle, j’aime réussir à créer des univers particuliers grâce à la mise en scène.

MDA. : Quels sont les artistes qui t’inspirent et t’ont influencée?

C.L. : Enfant, durant mes cours de chant, j’aimais interpréter les chansons des auteurs-compositeurs de l’époque comme Michel Rivard et Pierre Flynn. Par la suite, une fois devenue adolescente, j’écoutais beaucoup de groupes anglophones populaires mais j’ai eu envie d’écrire en français grâce à eux et aussi, des femmes comme Marie-Jo Thério et Jorane. Ce sont les premiers qui m’ont intéressée à la musique francophone. Plus récemment, je dois avouer que Lhasa de Sela m’a beaucoup touchée. J’aime aussi particulièrement Alex Nevsky qui fait une excellente pop, accrocheuse sans tomber dans la facilité. De plus, ses textes sont bien écrits.

Plus tard, j’ai eu la chance de faire un stage d’écriture d’une semaine avec Gilles Vigneault à Natashquan. C’était durant l’été 2011, juste avant de sortir mon premier album. Je venais tout juste de gagner un prix décerné au meilleur texte au concours des Francouvertes. Un soir, j’ai reçu un appel de Mouffe qui m’a contactée pour m’offrir ce stage. Ça été une expérience extraordinaire et fort inspirante. Gilles Vigneault a été extrêmement généreux et je me suis sentie absolument privilégiée. Entre autres choses, j’ai retenu de lui la force du travail et son insatiable curiosité. C’est un artisan qui écrit sans relâche, à tous les jours.

Son premier album éponyme paru en 2011 proposait des chansons rythmées que l’on a envie d’écouter à tue-tête en voiture. J’apprécie particulièrement des pièces comme Les yeux d’un fou, Sans réponse et Tout va bien, fort entraînantes. De son côté, Murailles, ma préférée d’entre toutes ses chansons, est tout à fait représentative de la signature sonore de Chloé Lacasse rock et classique où les percussions et les cordes s’entremêlent dans un rythme pop.

La coréalisation de l’album avait été confiée à Antoine Gratton, une première pour lui à cette époque. Cette fructueuse collaboration a été reconduite au moment de produire Lunes, son deuxième opus. Au sujet de son premier disque, elle explique :

C.L.: J’ai toujours aimé les arrangements orchestraux. Dans mes chansons, on entend des cordes, du trombone. J’aime marier la pop et les instruments classiques, les arrangements plus élaborés que simplement la guitare et les voix. Quand je réalise un album, j’aime beaucoup travailler les atmosphères pour habiller les chansons.  

MDA : Comment s’est déroulée la gestation et l’enregistrement de ton deuxième disque?

Source: Vega musique
Source: Vega musique

C.L. Pour Lunes, Antoine Gratton et moi avons pris le temps de réaliser cet album à notre goût, sans nous presser. J’avais envie de chansons et d’ambiances plus vaporeuses, réconfortantes, qu’on écoute seul. L’esprit sonore est bien différent du premier. Je n’ai pas hésité à travailler à nouveau avec Antoine parce que je n’avais aucun doute que nous n’allions pas nous répéter d’un album à l’autre. Les influences musicales d’Antoine sont extrêmement diversifiées et lui aussi aime s’attarder aux arrangements. Notre collaboration va donc de soi et tout est facile entre nous.

MDA : Comment le décrirais-tu comme réalisateur?

C.L. : Antoine est comme sur scène, c’est-à-dire passionné. Il insuffle beaucoup d’énergie à tout ce qu’il touche. De plus, il ne connait pas la routine. L’enregistrement de chacune des chansons se déroule différemment. On les abordait de manière exploratoire, ce qui fait que nous étions toujours en état de découverte.

D’ailleurs, il en résulte de très belles pièces telles qu’Un oiseau dans la vitre, Écoute sans parler, notamment pour les percussions et les voix qui semblent se répondre en apportant un souffle intéressant, Renverser la vapeur dont l’énergie rappelle le premier album. Finalement, Rester là, une très belle chanson qui commence en douceur et nous entraîne très rapidement dans un rythme plus rapide grâce aux cordes et piano.

Dans l’IPod de Chloé Lacasse 

C.L. : Willows, le superbe premier album de Geneviève Toupin, l’une des musiciennes de mon groupe. Ensuite, j’aime beaucoup L’alchimie des monstres de Klô Pelgag, Antoine Corriveau dont l’album a été très bien reçu. C’était pleinement mérité. Je trouve aussi que l’écriture de Philippe B est très belle, lui qui nous a offert il y a quelques mois En ce moment, ça fait plaisir de constater qu’il y a beaucoup d’artistes talentueux qui lancent des disques.

 

Source: Vega musique
Source: Vega musique

Tournée au Québec et en France

L’automne de Chloé est particulièrement rempli. En plus d’assurer la première partie des spectacles d’Alex Nevsky dans plusieurs villes du Québec durant le mois d’octobre. Elle offrira une prestation musicale à l’émission Belle et bum le 25 octobre et se produira au Verre bouteille le 10 novembre dans le cadre du festival Coup de cœur francophone. Par la suite, à la mi-novembre, elle amorcera une tournée en France qui la conduira aux quatre coins de l’Hexagone à l’occasion d’une douzaine de spectacles. Finalement, le spectacle initialement prévu le 23 octobre au Cabaret La Tulippe vient tout juste d’être reporté le 19 février prochain. Toutes les dates de spectacles sont annoncées sur son site internet.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier