Musique

Le grand bal énergique d’Alexandre Désilets

Publié le Mis à jour le

Alexandre Désilets au Club Soda, 9 octobre 2014. Crédit: Alexandra Bourbeau
Alexandre Désilets au Club Soda, 9 octobre 2014.
Crédit: Alexandra Bourbeau

Hier soir avait lieu au Club Soda le Bal dans l’Ghetto, Fancy Glitter! spectacle-évènement très attendu d’Alexandre Désilets où il présentait les chansons de son plus récent album Fancy Ghetto. Mes attentes étaient très élevées puisque j’ai vu Désilets aux dernières Francofolies lors d’une trop courte mais néanmoins excellente prestation. Il faut dire aussi que ces derniers mois, j’ai écouté en boucle et sans me lasser, ce disque excellent du début à la fin.

Le Club Soda était rempli à craquer et la foule, fébrile. Il faut dire que cet évènement était annoncé et attendu par ses fans depuis plusieurs mois. Pendant deux heures, Alexandre Désilets a enchaîné de manière très efficace les chansons de Fancy Ghetto et de La garde, son précédent album. Notons trois moments forts durant la soirée : au moment de jouer Bats-toi mon cœur où la scène et la foule se sont littéralement embrasées, Renégat, le premier extrait de l’album lancé au printemps dernier et J’oublierai, de La garde qui s’est conclue presque tel un feu d’artifices.

La mise en scène de Brigitte Poupart et les chorégraphies bien maîtrisées n’empêchaient pas le chanteur d’évoluer sur les planches avec aisance et naturel. De plus, le thème des bars et de la nuit qui traverse le dernier album se prêtait tout à fait à la soirée qui avait des allures de fête.

Je l’écrivais en juin dernier : nous sommes en face d’un artiste très talentueux à tous les plans et sa prestation d’hier soir n’a fait que renforcer cette évidence. Sa voix est riche et puissante, en plus d’être tout à fait unique. Ses chansons sont efficaces et bien tournées et donnent envie de les chanter avec lui. Sur scène, son bonheur est palpable. Il ne s’économise pas un instant sans que sa voix ne flanche. C’est donc dire qu’il a du coffre. Ajoutons aussi que ses talents de danseur hérités d’une carrière passée n’est rien pour gâcher la sauce, surtout pour son public féminin!

Vraiment, Alexandre Désilets a tout pour lui.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

30 bougies pour Audiogram et tout autant de raisons de célébrer!

Publié le Mis à jour le

Le 4 septembre dernier, la maison de disques indépendante Audiogram fêtait son 30e anniversaire d’existence. J’ai assisté à la soirée hommage organisée pour l’occasion à la Société des Arts technologiques (SAT) en compagnie de quelques centaines de personnes qui avaient joyeusement répondu à l’appel. De ce nombre, des artistes de toutes les générations ayant tous, à un moment ou un autre, marqué leur époque, étaient venus célébrer les succès d’une entreprise fondamentale dans le développement de la chanson québécoise. Dans une ambiance de fête et de nightclub, l’équipe d’Audiogram, ainsi que son fondateur Michel Bélanger, respiraient la fierté, et pour cause. Fierté d’avoir traversé le temps sans prendre une seule ride dans une industrie en constants changements, fierté d’avoir bâti une maison où se produisent des artistes talentueux et avant-gardistes tant hier qu’aujourd’hui.

Daniel Bélanger, Les insomniaques s'amusent, Audiogram, 1992
Daniel Bélanger, Les insomniaques s’amusent, Audiogram, 1992

Le chemin parcouru par Audiogram et ses poulains montre que malgré les crises et les tempêtes qui ont secoué l’industrie, un intérêt qui ne s’essouffle jamais pour la culture anglo-américaine, les artistes québécois sont créatifs, pas du tout conformistes, que la chanson québécoise se déploie dans plusieurs styles, invente et se réinvente, crée les tendances sans jamais se contenter de sagement les suivre. Depuis 30 ans, des succès d’estime et publics qui ont fait mentir tous les prophètes de malheur annonçant la mort du disque ou pire, celle de la culture québécoise. Je pense à ces chansons qui ont marqué leur époque, et parfois nos vies, indissociables de souvenirs bien ancrées

Album "L'amour est sans pitié", Audiogram, 1990
Jean Leloup, L’amour est sans pitié, Audiogram, 1990

dans nos mémoires comme 1990 (Jean Leloup, 1990), Libérez-nous des libéraux (Loco Locass, 2004), La folie en quatre, (Daniel Bélanger, 1992), La jasette (Kevin Parent, 1995), Le Columbarium (Pierre Lapointe), Je voudrais voir la mer (1987, Michel Rivard), Point de mire (Ariane Moffatt), Je t’oublierai, je t’oublierai (Isabelle Boulay), Drinking in L.A. (Bran Van 3000, 1997), Job steady (Zébulon, 1994), Y’a pas grand-chose dans l’ciel à soir (Paul Piché, 1986), On leur a fait croire (Alex Nevsky, 2013) et tant d’autres… Je pense aussi aux plus jeunes recrues de la maison dont les propositions sont étonnantes et marqueront à leur tour, comme David Giguère et son formidable album Casablanca que j’ai usé à la corde ces derniers mois ou encore Jason Bajada et le (très réussi!) résultat de mes bêtises.

754x335_normalCe mardi, Audiogram lancera Trente, un triple album où 30 artistes ont accepté d’interpréter une chanson de leur choix pour illustrer les trois dernières décennies.  Sans artifices, sans arrangements, sans droit de reprise, les artistes ont généreusement accepté de se mettre à nu en enregistrant une chanson de leur choix dans la plus grande simplicité. Une sorte de Journée sans maquillage version instrumentale qui révèle le talent brut de ces artisans comme en témoignent ces extraits choisis : http://audiogram.com/trente/

Cette soirée anniversaire a renforcé une conviction qui m’habite depuis longtemps : malgré les reculs, les défaites historiques et le cynisme qui nous fait sans cesse de l’œil, malgré aussi la tentation de l’anglais qui ne s’affaiblit jamais, la culture québécoise, elle, ne stagne jamais. La force créatrice de nos artisans donne de l’espoir quand on se sent pris dans un cul-de-sac et rappelle qu’on peut malgré tout continuer de faire son chemin.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Indispensable Monique Giroux

Publié le Mis à jour le

Portrait d’une ambassadrice passionnée de la chanson  

Monique Giroux. Source: www.icimusique.ca
Monique Giroux. Source: http://www.icimusique.ca

Une culture est vivante et forte quand elle est portée par des créateurs de talents qui n’ont de cesse de la renouveler et d’étonner, mais aussi, par des ambassadeurs qui ont à cœur son rayonnement. Depuis près de 30 ans, sur les ondes de la radio et sur toutes les tribunes, Monique Giroux communique sans relâche et avec passion son amour pour la chanson francophone d’ici et d’ailleurs. Son soutien aux artistes est inestimable et essentiel. Grâce à elle, ils sont nombreux à avoir bénéficié d’une vitrine leur permettant de rejoindre le public québécois de toutes les générations. À quelques jours de la rentrée culturelle, nous avons eu la chance de nous entretenir avec elle pour discuter de ses coups de cœur, ses projets et ses aspirations pour la mise en valeur de la culture et du patrimoine québécois. Portrait de Monique Giroux, ambassadrice passionnée de la chanson.

Au mois de juin dernier, elle a été nommée Chevalière de l’Ordre national du Québec, la plus haute distinction remise par le gouvernement québécois. Nous lui avons demandé ce qu’elle a ressenti et elle nous a répondu :

M.G. : Je ne prends jamais ces honneurs que pour moi. Je le prends pour mes maîtres, pour les femmes qui m’ont inspirée comme Chantal Jolis, Lise Payette et les artistes. Je me sens en continuité avec elles. Par exemple, sans Juliette Gréco, je n’aurais jamais fait de si chouettes entrevues. 

Les Québécois ne sont pas les seuls à reconnaître ses qualités exceptionnelles de communicatrice, et à souligner ses efforts pour la promotion de la langue française. Depuis quelques années, des distinctions lui ont été remises  au Québec et partout dans la Francophonie. En 2004, le gouvernement français lui a décerné la médaille de Chevalier des Arts et des lettres, en 2006, elle a rejoint le club très sélect de l’Ordre des francophones d’Amérique du Conseil supérieur de la langue française et en 2009, l’Assemblée des parlementaires de la francophonie lui a remis le grade de Chevalier de l’Ordre de la Pléiade.

Rigoureuse et intègre, Monique Giroux a acquis une place à part dans notre système médiatique, à l’abri des modes grâce à la sincérité de son engagement envers les artistes qu’elle promeut et défend. À la radio, elle a fait ses premières armes à l’antenne de CIBL.

Monique Giroux et Juliette Gréco, archives personnelles de Monique Giroux.
Monique Giroux et Juliette Gréco, archives personnelles de Monique Giroux.

À partir de 1993, Monique Giroux a fait les beaux jours de Radio-Canada avec des émissions qui ont profondément marqué les auditeurs, soit Les refrains d’abord, une quotidienne où elle faisait découvrir des artistes francophones d’ici et d’ailleurs,  Le Cabaret des refrains, émission enregistrée devant le public où des artistes québécois du moment étaient invités à interpréter les grands succès de la chanson française et québécoise des années 1960 et 1970. Par la suite, Fréquence libre diffusée sur la Première Chaîne et depuis 2011, Chants libres à Monique en ondes tous les dimanches après-midi sur Ici Musique (anciennement Espace musique). Prolifique, Monique Giroux a aussi conçu ou collaboré à moult émissions spéciales sur nos grands artistes vivants et disparus comme Félix Leclerc, Claude Léveillée, Diane Dufresne, Richard Desjardins, et Beau Dommage.

Durant toutes ces années, elle a été portée par le désir de transmettre au public ses coups de cœur, ses découvertes et sa passion pour la chanson. Très humblement, elle explique comment elle a décidé d’en faire carrière:

M.G. : J’ai que du plaisir à faire ce que je fais, à écouter des disques et à les partager aux gens. Comme je le faisais chez moi ado avec quelques amies assises en indien dans mon lit à qui je faisais écouter des chansons. Essentiellement, j’ai fait un métier de cette passion-là. Ce qui me touche le plus, c’est que des jeunes embarquent dans ce que je fais et leur propose.

Parallèlement à la radio, Monique Giroux a signé la conception d’une quarantaine de spectacles offrant une importante vitrine aux artistes d’ici. En 2011 et 2012, une série de dix-huit concerts intitulés Monique Giroux fait une scène retransmis à la radio ont réuni de nombreux artistes sous diverses thématiques.

(Mars 2014) Master class en compagnie de Juiette Gréco et 25 chanteuses québécoises.  Archives personnelles de Monique Giroux.
(Mars 2014) Master class en compagnie de Juliette Gréco et 25 chanteuses québécoises.
Archives personnelles de Monique Giroux.

Monique Giroux et ses artistes

La liste de ses réalisations est longue et montre comment l’animatrice a permis à des talents jusqu’alors inconnus de rencontrer leur public, comme Richard Desjardins, Ariane Moffatt et Pierre Lapointe, pour ne nommer que ceux-là. Au sujet de Desjardins, elle se souvient :

M.G. : Quand j’ai commencé à la radio de CIBL en 1986, on se passait des cassettes de Richard Desjardins. Il était alors totalement inconnu, un professeur de piano fraîchement débarqué du Nunavut et je trouve extraordinaire le chemin qu’il a parcouru. Je me souviens le premier spectacle qu’il a fait et où je l’ai présenté.

D’ailleurs, l’intérêt de l’animatrice pour le poète de l’Abitibi ne s’est pas démenti au fil du temps. À Paris en 2004, elle était à ses côtés au moment où il a reçu le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. Par la suite, en 2006, elle a animé Richard Desjardins. L’homme libre un documentaire qui lui a consacré Radio-Canada.

Avec affection, elle se rappelle ses impressions au moment de voir et d’entendre Pierre Lapointe pour la première fois.

Pierre Lapointe et Monique Giroux
Pierre Lapointe et Monique Giroux

M.G. : Pierre Lapointe je l’avais entendu grâce à un ami qui avait été subjugué après l’avoir vu. Très rapidement, les jours suivants, je l’ai rencontré et j’ai compris tout de suite que j’étais en face de quelqu’un de très d’étonnant, dont la voix ne ressemble à personne, qui chante pieds nus, en habit et qui s’accompagne au piano.

Les années suivantes, Monique Giroux lui a offert de nombreuses occasions de se faire entendre, ici comme en France, notamment grâce à un spectacle unique, Le Québec prend la Bastille présenté dans la Ville Lumière en 2011 à l’occasion du 50e anniversaire de la Délégation du Québec à Paris. Un peu plus tôt cet été, elle a été témoin privilégiée, fière comme une mère, des premiers pas du chanteur québécois au moment de fouler la mythique scène de l’Olympia.

C’est donc dire que Monique Giroux est bien plus qu’une animatrice pour les artistes, qu’elle agit comme une ambassadrice ou marraine en multipliant les projets pour leur offrir un maximum de visibilité. D’ailleurs, nous lui avons demandé de nous parler des artistes l’ayant marquée plus particulièrement ces dernières années et qui méritent une plus grande attention de la part des diffuseurs et du public. Spontanément, elle nous a répondu :

M.G. : Au Québec, je pense à deux artistes que j’aime beaucoup et qui sont formidables. Alexandre Désilets qui est heureusement plus connu qu’avant mais il est resté trop longtemps dans l’ombre. Ça fait dix ans que je le suis, le pousse et le tire, depuis qu’il a participé au Festival en chanson de Petite-Vallée. Son dernier disque est fantastique. J’aime beaucoup Alexandre. C’est un gars talentueux et intègre.

Ensuite, Marie-Jo Thério reste pour plusieurs personnes une inconnue. Cette fille-là est un véritable génie. Elle incarne à la fois Björk, Janis Joplin et Diane Dufresne. Toute sa personne, son être, est une création! Sa façon de voir les choses, de déambuler, d’analyser, d’écrire et de décrire, de transposer, de composer et d’être sur scène relève du génie. Je le pense depuis toujours et j’ai le sentiment qu’elle sera bientôt reconnue à sa juste valeur, un peu à l’image de (Richard) Desjardins qui a acquis la reconnaissance du public sur le tard. Aujourd’hui, les jeunes sont plus ouverts à ce qui se fait ici et ailleurs, en français, en anglais, en serbo-croate, en islandais, etc. et qui voient l’originalité partout où elle se trouve. Le public est désormais plus ouvert aux propositions plus audacieuses.

Et que pense-t-elle de l’utilisation du franglais dans l’écriture des chansons, un débat initié en plein cœur de l’été par Christian Rioux, chroniqueur au Devoir?

M.G : L’important, c’est de faire la preuve qu’on sait écrire dans sa langue. Que l’artiste sait écrire, penser dans la langue avec laquelle il rêve. Il faut lui poser la question : « Dans quelle langue rêves-tu?».

Comment faire son choix parmi l’abondante production qui nous arrive de toutes parts, d’ici et d’ailleurs?

Serge Fiori et Monique Giroux. Archives personnelles de Monique Giroux
Serge Fiori et Monique Giroux. Archives personnelles de Monique Giroux

M.G. : Les moyens de créer et d’enregistrer des disques se sont grandement démocratisés grâce au développement de la technologie, N’importe qui peut enregistrer un album grâce au logiciel Garage Band à la maison. Par la suite, la responsabilité incombe à des gens comme moi, ainsi qu’aux diffuseurs de se montrer clairvoyants au moment de faire le choix de parler ou non d’un disque, d’un artiste. C’est sûr qu’aujourd’hui, les propositions sont tellement nombreuses que le public ne sait plus quoi choisir. On se sent comme devant un buffet chinois et on se rabat sur les rouleaux parce qu’on ne sait plus quoi choisir. Heureusement, il y a toujours des audacieux et des gourmands qui vont retourner plusieurs fois remplir leur assiette pour s’assurer de goûter à tous les plats.

C’est mon travail d’être vigilante, d’écouter le plus de choses possible pour essayer de proposer ce qui me semble le plus percutant et pertinent. En fait, tous mes choix sont guidés par une seule question : qu’est-ce qui va rester, qui est représentatif du moment? Par exemple, en 1999, je pense évidemment à l’arrivée en scène de Daniel Boucher avec son premier album, Dix mille matins.

Et justement, comment deviner, sentir ce qui marquera l’époque?

M.G.: Mes choix sont purement instinctifs. D’où me vient la confiance dans cet instinct? J’ai l’audace de transmettre mes choix qui demeurent bien personnels. La fidélité des auditeurs me prouve que mon instinct est bon. Comme auditrice, j’ai envie qu’un humain me fasse des propositions. C’est ainsi que je conçois les émissions que j’aimerais entendre.

Des projets plein la tête

Monique Giroux a des idées plein la tête et plusieurs projets en chantier pour mettre en valeur la culture et le patrimoine québécois. Depuis une quinzaine d’années, elle espère pouvoir faire publier un beau livre sur l’histoire de la chanson, un projet coûteux pour lequel elle a enfin trouvé un éditeur. Cet automne, nous pourrons également lire un texte qu’elle signe sur l’histoire de la chanson québécoise dans un numéro hors-série du magazine français Télérama entièrement consacré au Québec.

Elle rêve aussi de mettre sur pied une soirée de bienvenue annuelle gratuite destinée aux nouveaux arrivants où leur serait livrée avec amour et générosité la culture québécoise dans ses plus beaux atours.

M.G. :J’imagine une soirée sous le signe du théâtre, de la danse, du chant et de la poésie. Nous pourrions remettre aux gens une brochure sur la culture québécoise traduite dans plusieurs langues ainsi qu’une carte de téléchargement de chansons québécoises. Ce projet me tient à cœur depuis longtemps et j’en ai parlé à plusieurs ministres de la culture au fil des années. Ce serait une manière positive d’intégrer les immigrants et leur transmettre notre culture dont on ne doit pas rougir. Se connaître et être fiers de soi, ça ne veut pas dire rejeter les autres, bien au contraire. Ça veut dire les inclure, avoir quelque chose à leur offrir en cadeau. Malheureusement, on a honte d’être ce qu’on est. C’est douloureux et c’est triste. Pour citer un chanteur connu, avec ce spectacle, nous leur dirions : « Les vouleurs de rire sont bienvenus chez nous!»

Finalement, cet automne elle poursuivra ses démarches notamment avec le Musée de la civilisation de Québec en vue de mettre sur pied un centre d’archives et d’interprétation. Depuis longtemps, elle conserve des documents sur les artistes qui pourraient être très utiles à la mémoire.

Et collectivement, qu’est-ce que les Québécois devraient faire pour s’assurer que leur patrimoine demeure bien vivant ?

M.G. : Dès leur tout jeune âge, apprendre aux enfants à apprécier la culture, la musique, l’histoire, à les amener voir des spectacles. La culture, c’est ce qui reste quand il ne reste plus rien d’une population.

La passion et la sagesse de Monique Giroux sont indispensables au rayonnement de la culture québécoise. Nous souhaitons à tous les domaines des ambassadeurs à sa hauteur.

Myriam D’Arcy

***

Quelques réalisations de Monique Giroux sur disque qui enrichissent notre patrimoine de la chanson…

  • Diane Dufresne: Diane Dufresne en paroles et musique. Folie douce, en paroles et musique, Radio-Canada, 2006 (série radiophonique, 3 CD)
  • Monique Giroux : .Un design sonore de Monique Giroux. Chansons choisies à ne pas écouter un jour de pluie quoique…, compilation, Tandem Mu, 2010.
  • Félix Leclerc: Heureux qui, comme Félix, GSI Musique, 2010 (série de 10 émissions radiophoniques réalisées en 1997 par Jacques Bouchard en collaboration avec Monique Giroux à l’animation et à la conception du coffret).
  • Les Refrains d’abord, Fonovox, collection de disques : Compilation de Pierre Calvé (1997), Renée Claude (1997), Lucille Dumont (1996), Pauline Julien (1996), Monique Leyrac (1995), Jacques Normand (1995), Isabelle Pierre (1997).
Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit: André Chevrier

Une nouvelle chanson de Louis-Jean Cormier!

Publié le Mis à jour le

Le 19 août, les téléspectateurs de Pénélope McQuade ont eu le bonheur et le privilège d’entendre en primeur une toute nouvelle chanson de Louis-Jean Cormier « Le jour où elle m’a dit je pars ».

Une très belle chanson où simplement accompagné de sa guitare, Louis-Jean Cormier révèle encore une fois toute sa fragilité, son sens du rythme et sa grande qualité d’auteur comme en fait foi un très beau passage de la chanson:  « Quand l’écho de son dernier « Trop tard » résonne autant… Ça s’recule-tu le temps? »

Louis-Jean Cormier est définitivement dans une classe à part. Il nous tarde d’entendre la suite du nouvel album à paraître.

Virage numérique: préservation du patrimoine et rayonnement de nos artistes (3)

Publié le Mis à jour le

Dossier sur l’industrie musicale québécoise

 

Je dois me confesser : j’aime beaucoup acheter des livres, des disques et des DVDs. Au fil des ans, ma bibliothèque s’enrichit et occupe de plus en plus d’espace à la maison. Sa présence est rassurante et témoigne du temps qui passe et de l’évolution de ma passion pour l’histoire, le cinéma et la musique.

Mes livres préférés proviennent des librairies d’ouvrages usagés car ils possèdent une histoire. Chacun a sa propre odeur et ses marques d’usure. Parfois, je m’amuse à déchiffrer des notes manuscrites griffonnées par le précédent propriétaire pour voir si nous avons noté les mêmes phrases, les mêmes passages. J’aime posséder des disques parce que les chansons d’un même album sont parties intégrantes d’une œuvre cohérente. Elles ont un sens, un message, plus que les chansons écoutées au hasard. D’ailleurs, je remarque que mes coups de cœur se font toujours quand j’écoute une, deux et trois fois de suite un même disque, quand l’atmosphère créée par l’artiste me gagne. Le livret, ses photos et les remerciements de l’artiste à son équipe m’intéressent aussi car ils en disent long sur la démarche artistique qui accompagne l’album.

Ces dernières années, le disque et le livre numériques ont gagné en popularité, ici et partout dans le monde comme en témoignent les statistiques publiés notamment par l’ADISQ. Jusqu’à tout récemment, je m’en désolais. À combien de discussions ai-je participé en me posant en défenderesse de l’objet contre le froid et immatériel support numérique devant des amis qui vantaient les vertus de la bibliothèque numérique. Imaginez : en voyage, plus besoin d’alourdir son bagage!

Même si je continue d’acheter la plupart de mes disques et tous mes livres, notamment avec le souci de les léguer à ceux qui me survivront, force est d’admettre que je découvre de plus en plus les avantages du support numérique. D’abord, sa diffusion ne connaît pas la distance et le frontières, mais surtout, il permet de conserver une œuvre sans craindre que le temps ne l’abîme.

 

Préserver notre mémoire

Les avancées technologiques de notre époque sont prodigieuses et permettent de conserver les œuvres et archives en leur assurant une longue vie. Les incendies, les guerres et les catastrophes naturelles peuvent effacer en quelques instants des pans entiers de notre mémoire et ainsi, altérer notre patrimoine. Les deux guerres mondiales ont rasé des villes et des monuments, des musées ont parfois été pillés et certaines œuvres perdues à jamais. À Montréal, en avril 1849, l’Hôtel du Parlement a été incendié par des émeutiers. Sont partis en fumée plus de 23 000 volumes, ainsi que les archives de l’Assemblée législative du Haut et du Bas-Canada. Des pertes considérables pour notre mémoire collective et pour les historiens. Aujourd’hui, heureusement, la numérisation des archives empêchent ces drames.

Les centres d’archives l’ont bien compris et depuis plusieurs années, la grande majorité des fonds publics et privés numérisent leurs collections. À titre d’exemple, en 2011, la Fondation Lionel-Groulx a fait don de l’ensemble des archives du grand historien à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ). Elle a aussi procédé à la numérisation de l’immense œuvre de Groulx pour s’assurer que les chercheurs et le grand public puissent accéder en un clic à ses écrits.

En plus d’assurer une meilleure conservation des archives de toutes natures, des journaux, des œuvres littéraires, musicales et cinématographiques, l’avènement du support numérique permet également une circulation infiniment plus importante des œuvres et documents. À ce sujet, saluons aussi le travail de moines effectué par les archivistes de BANQ qui, à ce jour, ont numérisé plus de 160 revues et journaux d’ici publiés depuis l’avènement de l’imprimerie au Québec.

Dans le domaine du cinéma, de beaux exemples de projets de préservation de notre patrimoine ont été menés ces dernières années. Le site de l’Office national du film (ONF) constitue une véritable mine d’or pour les cinéphiles puisque des milliers de films et documentaires produits par l’organisme sont disponibles gratuitement ou à prix modique. Il y a quelques jours, à l’occasion du 100e anniversaire de naissance de Félix Leclerc, l’ONF a également mis en ligne une section dédiée à Félix, en rendant disponibles 7 films auxquels il a participé.

Source: site de l'Excentris
Source: site de l’Excentris

De plus, en février dernier, l’ONF et le cinéma Excentris rendaient public un formidable partenariat conclu entre les deux institutions pour améliorer l’accessibilité du cinéma de répertoire en dehors de la métropole et dans toutes les régions du Québec. Depuis lors, certains titres sont présentés simultanément en salle à l’Excentris, ainsi que sur son site web et celui de l’ONF.

 

Essentiel projet Éléphant

Source: site d'Éléphant.
Source: site d’Éléphant.

En matière de préservation de notre patrimoine cinématographique, la palme revient sans hésitation à Québecor et son ambitieux et essentiel projet Éléphant qui s’est donné la mission d’être le gardien de la mémoire de notre cinéma. Depuis 2008, plus de 200 films ont été restaurés puis numérisés. À terme, ce sera l’ensemble des longs métrages québécois qui seront conservés sur la plateforme numérique et web. Ces films sont ensuite rendus disponibles au téléchargement (payants), notamment sur Illico pour les abonnés à Vidéotron et à l’ensemble du public sur ITunes Store. Ainsi, les Québécois peuvent découvrir ou redécouvrir des œuvres oubliées et celles-ci voyagent désormais à travers le monde. Il s’agit d’une vitrine exceptionnelle qui devrait inspirer les décideurs des autres domaines des arts.

 

Faciliter la circulation de nos œuvres

En effet, pour les mêmes raisons, le projet Éléphant devrait au premier chef inspirer les artisans de notre industrie musicale. La semaine dernière, mon texte portait sur les différentes avenues à explorer pour augmenter la diffusion et le rayonnement de nos artistes de la chanson. Lors d’un entretien qu’a accordé Philippe Renaud à Coups de cœur d’ici, (journaliste indépendant, critique de musique, chroniqueur et coanimateur de l’émission Les hauts-parleurs à Musique Plus) dans le cadre de la publication de ce dossier sur l’industrie musicale, il a formulé une proposition portant sur la mise sur pied d’une bibliothèque numérique où serait déposée l’ensemble de la production musicale québécoise. À mon avis, en collaboration avec les maisons de disques et les artistes indépendants, cette bibliothèque pourrait être administrée par l’ADISQ ou un organisme public qui serait dépositaire de notre production musicale.

Il y a de cela quelques années, avec un ami, j’ai longuement cherché une copie de la chanson « Le chemin du Roy » de Jean-Pierre Ferland, qu’on peut entendre dans le merveilleux documentaire du même nom (Québec – Ad Hoc Films en collaboration avec Télé-Québec, 2005) portant sur la venue du Général de Gaulle au Québec en 1967. Cette chanson n’était disponible nulle part. Après bien des aventures, cet ami est parvenu à la trouver sur un vieux disque, qu’un bon samaritain s’est empressé de numériser. Un répertoire musical comme celui d’Éléphant nous aurait rapidement permis de retrouver cette chanson et la faire revivre auprès de nos proches.

 

Plateformes de musique québécoise en écoute libre

Lors d’une entrevue réalisée avec l’animatrice Rebecca Makonnen, nous avons réfléchi aux moyens à prendre pour augmenter la présence de nos artistes de la chanson sur la toile. À son avis, à l’image des nombreux sites qui offrent ce type de contenus à travers le monde, tel Deezer, Spotify ou Songza, une plateforme web de chansons en écoute libre offrant un contenu uniquement québécois devrait être mise sur pied. Une recherche rapide sur ces sites montre bien que les propositions québécoises se font très rares. Voilà pourquoi nous devrions avoir le nôtre. Des listes de chansons pourraient être élaborées selon plusieurs styles, ambiances et thèmes différents. Comme la chaîne télé web Netflix l’abonnement mensuel pourrait coûter quelques dollars pour assurer une juste rétribution aux artistes et leurs maisons de disques. Ainsi, les mélomanes curieux pourraient faire des belles découvertes au hasard des chansons diffusées et les créateurs disposeraient d’une vitrine supplémentaire en plus des spectacles, des médias et des réseaux sociaux.

Fabrique culturelleFinalement, le virage numérique permet aussi une diffusion plus importante de la culture au sens large. Les productions télévisuelles, les arts de la scène, la mode, le design et les arts visuels tentent chacun à la mesure de leurs moyens de prendre le fameux virage numérique. Du côté de la télé, depuis son lancement, Tou.tv offre une sélection intéressante de séries télés, de documentaires et de films d’ici et d’ailleurs. Plus récemment, La Fabrique culturelle qui se définit à la fois un webmagazine, un lieu de création, de rencontres et de diffusion artistiques pour l’ensemble du Québec agit comme une grande bouffée d’air frais dans le milieu culturel. En effet, les multiples fonctions de cette plateforme montrent bien l’étendue des possibilités en matière de production et de mise en valeur des arts sur le web.

Encore faut-il que l’État finance adéquatement ces projets pour qu’ils puissent porter tous leurs fruits. De même, la nouvelle politique culturelle annoncée par le gouvernement du Québec pour 2016 devra impérativement tenir compte des bouleversements technologiques qui secouent présentement le monde des arts.

Pour prendre en douceur ce virage numérique et répondre aux défis qu’il suscite, on doit s’assurer que nos créateurs et institutions disposent des moyens nécessaires pour que notre production culturelle soit vivante et qu’elle rayonne à la mesure de ses talents et ambitions. Parmi ces défis, notons la protection des droits d’auteur, trop souvent bafoués à cause de législations qui ne tiennent pas compte des réalités nouvelles en la matière. Les artistes doivent à la fois être protégés contre le téléchargement illégal, mais aussi, l’émergence de plateformes dédiées à la diffusion de leurs œuvres doit être encouragée.

De leur côté, les artistes devront faire preuve de créativité et de flexibilité pour répondre aux demandes en constante évolution des consommateurs. À mon avis, l’album survivra aux bouleversements de l’industrie musicale mais il constituera peut-être un support parmi d’autres.

Finalement, au cours des prochaines années, espérons que des projets de préservation de notre patrimoine comme celui d’Éléphant se multiplieront pour s’assurer que notre patrimoine culturel demeure bien vivant, se transmette au fil des générations et de par le monde.

Myriam D’Arcy

***

Sur le même sujet :

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

100 bougies pour Félix Leclerc!

Publié le Mis à jour le

10521348_804131252954247_3732395156162961488_n BQDepuis les commémorations ratées du 400e anniversaire de la fondation de Québec en 2008, on se désole souvent du peu de cas que font nos institutions et les médias des anniversaires historiques et des commémorations.

Par contre, ces jours-ci, nous constatons avec bonheur une exception : celle du 100e anniversaire de naissance du grand Félix Leclerc. Considéré par plusieurs comme le « père » de la chanson québécoise, Félix Leclerc a fait rayonner le Québec partout dans le monde et du même coup, a contribué à nous donner confiance en nous-mêmes et nous a appris, comme Gilles Vigneault, Claude Léveillée et d’autres, à aimer ce que nous sommes, assez pour en être fiers, assez pour avoir envie que notre peuple dure et s’épanouisse.

Décédé beaucoup trop tôt, il y a déjà 26 ans, Félix Leclerc a laissé une œuvre immense, immortelle et intemporelle. Ses chansons sont toujours bien vivantes et souvent reprises par les artistes contemporains comme en témoigne le spectacle hommage offert le 3 juillet dernier en ouverture du Festival d’été de Québec. Pensons aussi à la magnifique interprétation du « Chant d’un patriote » de Daniel Boucher (Le 08-08-88 à 8h08, GSI, 2000),  ou encore « Le tour de l’île » par Karkwa ( Hommage à Félix Leclerc, Tacca Musique, 2008) ou encore la bouleversante interprétation de « Mon fils » par Catherine Major. (Les Rescapés saison 2, SRC, 2012).

Avec un enthousiasme sincère, les grands médias participent tous à cette entreprise de commémoration. Hier, La Presse et Le Devoir publiaient chacun un texte rappelant l’importance de l’œuvre musicale et littéraire du poète, tandis qu’Ici Musique a conçu un dossier fort intéressant, en plus d’une web radio permettant d’écouter ses plus belles chansons

De son côté, l’animatrice Catherine Pépin consacrait à Félix une édition spéciale de son excellente émission Le temps d’une chanson (en rediffusion sur le web) à l’occasion de laquelle elle a présenté des chansons et surtout, des archives passionnantes.

Il y a quelques jours. sur son site, l’Office national du Film (ONF) a mis en ligne une section permettant de découvrir Félix le comédien, en rendant disponibles 7 films auxquels il a participé.

Finalement, au début de l’été, la Maison Félix Leclerc située à Vaudreuil a ouvert ses portes après plusieurs années d’attente. De leur côté, les résidents de la région de Québec peuvent se rendre à l’Espace Félix-Leclerc, situé à l’Île d’Orléans pour profiter de la programmation spéciale offerte à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance.

nn_e4586439506019En ce 2 août, célébrons la mémoire de Félix Leclerc et profitons de l’occasion pour faire découvrir son œuvre aux plus jeunes et à ceux qui ont récemment choisi d’habiter le Québec. C’est une excellente manière de lui rendre hommage, et de se rappeler à quel point les Québécois sont riches d’un patrimoine culturel exceptionnel, grâce à des hommes et des femmes comme Félix qui nous ont révélé à nous-mêmes.

 

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

 

Le rôle des médias dans la diffusion de la chanson d’ici (2)

Publié le Mis à jour le

Dossier sur l’industrie musicale québécoise

 

Depuis quelques mois, les signaux d’alarme se multiplient au sujet de la crise qui se dessine au sein de notre industrie musicale. Les ventes d’albums sont en baisse constante, si bien que certains artistes comme Mario Pelchat ont décidé de jeter la serviette. De son côté, en janvier dernier, Renaud-Bray abolissait le poste de disquaire dans la plupart de ses succursales.  Plusieurs raisons expliquent cet effritement du marché du disque qui s’observe au Québec et partout dans le monde. Ces bouleversements sont surtout attribuables à la progression fulgurante de l’offre des produits numériques.

Comment les artistes québécois doivent s’y prendre pour tirer leur épingle du jeu dans un marché mondialisé de plus en plus accessible? Assistons-nous à une surenchère culturelle comme postulait Le Devoir dans un dossier fort intéressant publié dans son édition du 26 avril dernier? Pour être en mesure de répondre à la question, il faudrait que les artistes établis et émergents disposent d’une visibilité comparable leur permettant de se tailler une place au soleil. Si une entreprise de chaussures bénéficie d’un budget de publicité dix fois supérieur à celui de son compétiteur, il y a fort à parier que ses profits seront aussi importants. Il en va de même pour les artistes de la chanson. Ceux qui sont diffusés dans les grands médias vendent plus d’albums que les autres, souvent tous aussi talentueux.

Nous croyons qu’il faut impérativement réfléchir au rôle des médias dans la diffusion et la mise en valeur des artistes de la chanson pour assurer une plus grande diversité dans l’offre musicale.

Le rôle des chaînes de télévision dans la diffusion de nos artistes

Au fil des saisons, le succès de nos séries télé ne se dément pas. Pensons simplement à Unité 9 qui chaque semaine rallie près de 2 millions de fidèles, soit près du quart de la population québécoise; La Galère, Toute la vérité ou tant d’autres fictions dont l’auditoire est plus qu’appréciable. Pourtant, ce serait doux euphémisme que de rappeler que l’offre télévisuelle américaine est abondante et ses moyens de productions,  supérieurs aux nôtres!

À l’inverse, la fréquentation de nos œuvres cinématographiques et musicales par le grand public est bien moins importante. Est-ce que nos auteurs-compositeurs-interprètes et nos cinéastes sont moins talentueux que nos réalisateurs télé? Ce serait bien étonnant. Au cinéma, et sauf pour les « blockbusters » préfabriqués, nos films sont projetés dans trop peu salles et le budget de publicité est bien moindre que celui des films américains. Pour amener les gens à voir nos films, comme pour les inciter à consommer notre musique, encore faudrait-il que le public sache que ces œuvres existent et sont disponibles.

En plus des fictions, les grandes chaînes proposent une pléthore d’émissions de variétés, de téléréalités, de jeux-questionnaires, d’émissions d’humour, de portraits de vedettes, d’émissions de cuisine et même qui sont consacrées au soin des animaux! Par contre, à l’exception de Belle et Bum (Télé-Québec) et Pénélope McQuade (Radio-Canada), force est de constater que très peu de place est faite dans les grilles horaires pour mettre en vitrine nos artistes de la chanson.

Il y a de la place pour des émissions comme Star Académie et La Voix disposant de moyens de production énormes, mais aussi plus modestes mais non moins étonnantes comme Belle et Bum et feu Studio 12. Cette excellente émission qu’animait Rebecca Makonnen (2008-2012) a permis à bon nombre d’auteurs-compositeurs-interprètes comme Karkwa, Catherine Major, Ariane Moffatt, Loco Locass, Marie-Pierre Arthur, Mes Aïeux, Antoine Gratton, Yann Perreau et combien d’autres de se produire à la télévision. N’ayant jamais été en mesure de rejoindre un auditoire appréciable à cause d’une case horaire ingrate – le dimanche à 23h –, l’émission est malheureusement passée à la trappe au printemps 2012 sans jamais être remplacée.

Les grandes chaînes généralistes devraient toutes proposer une émission hebdomadaire sur la musique, que ce soit sous la forme de prestations musicales ou de magazines culturels permettant aux artistes de rencontrer leur public et de présenter leurs œuvres.

Nous nous sommes entretenus avec Philippe Renaud[1], journaliste indépendant, critique de musique, chroniqueur et coanimateur de l’émission Les hauts-parleurs à Musique Plus. Selon lui, nous serions en droit d’attendre d’une chaîne spécialisée dans la promotion de la culture comme Ici ARTV qu’elle offre au moins une émission sur la chanson québécoise.

Aussi, Philippe Renaud propose avec justesse que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) impose des quotas de chansons francophones pour les publicités diffusées au Québec. Pour se convaincre de l’effet d’une telle mesure, rappelons-nous le succès planétaire de la chanson 1234 de la chanteuse canadienne Feist qui avait prêté sa voix à une publicité de l’IPod Nano d’Apple[6], ou plus récemment, Alex Nevsky dont la campagne publicitaire de Mazda a permis aux Québécois de fredonner les paroles du succès On leur a fait croire (Himalaya mon amour, Audiogram, 2013).

 

Diversifier l’offre musicale à la radio          

À notre avis, deux raisons expliquent la trop faible diffusion des artistes québécois par les radios commerciales. D’abord, la chose a été abondamment dénoncée durant la dernière décennie dans les médias : les grandes stations privées se moquent des quotas de chansons francophones dictées par le CRTC. Pour éviter de subir de sanctions, les chaînes fautives usent souvent d’un stratagème douteux qui consiste à présenter sans interruption plusieurs chansons en anglais sous forme de montages musicaux. Ainsi présentées, ces chansons ne comptent que pour une seule pièce. En vain, les porte-paroles de l’ADISQ ont fait quelques sorties médiatiques pour dénoncer les fautifs et sensibiliser l’opinion publique au sort réservé à la chanson québécoises sur les ondes.

Ensuite, le manque de diversité de l’offre musicale constitue le deuxième et plus important problème. En syntonisant les grandes chaînes de radios privées du Québec, on remarque à quel point le contenu est uniforme, et cela, malgré les appels à l’ouverture d’artistes comme Pierre Lapointe en 2005 qui avait lancé un retentissant « Réveillez-vous, merde! » aux radios commerciales lors du Gala de l’ADISQ ou à sa dernière édition par les Sœurs Boulay au moment de recevoir leur trophée confirmant leur statut de révélation de l’année. Mis à part une certaine ouverture démontrée par Rouge FM qui héberge une section « Talents à découvrir » sur son portail internet, les colonnes du temple n’ont pas été ébranlées.

Dans ce contexte, quelle place pour les artistes québécois émergents, ou simplement ceux qui ne consentent pas à produire une pop conçue sur mesure pour la radio? Paradoxalement, quand on lui laisse la chance, le grand public est capable d’apprécier des artistes provenant de divers horizons. Rappelons-nous en 2007 le succès fulgurant de la pièce Dégénérations de Mes Aïeux que les radios refusaient de tourner avant de céder sous la pression des auditeurs?

 

Virage nécessaire pour la survie des radios

De leur côté, les stations de radios sont aussi bouleversées par le virage numérique que le sont les journaux et les autres médias d’informations dont le contenu devient rapidement périmé par la publication des informations en temps réel, en ligne et sur les chaînes de nouvelles en continue. À l’instar des grands quotidiens et leurs toujours plus nombreux chroniqueurs, pour fidéliser leurs auditoires en constante érosion, les stations de radios versent de plus en plus dans le commentaire et misent sur des animateurs-vedette. Or, comme pour les journaux, cette stratégie d’adaptation au virage numérique connait ses limites.

En effet, elle est belle et bien révolue cette époque où il fallait écouter la radio pendant des heures pour espérer entendre notre chanson préférée du moment. Désormais, pour voir un clip ou entendre une chanson, il suffit de se tourner vers Youtube ou se brancher sur un site offrant la musique en téléchargement ou écoute libre, tel Songza, Spotify, Deezer, Groovshark et bien d’autres.

Crédit: Site d'Ici Musique
Crédit: Site d’Ici Musique

À notre avis, la survie des stations commerciales passera par la diversification et la spécialisation du contenu musical offert qui ne se retrouverait pas ailleurs. Ainsi, pour demeurer pertinentes, les radios commerciales devraient prendre exemple sur Ici Musique (anciennement Espace musique) en offrant une vitrine unique aux artistes branchés, établis ou émergents qui ne se conforment pas aux diktats de la pop radiophonique. En plus des émissions dédiées au jazz, à l’opéra, la musique classique, la musique du monde et la grande chanson française, Ici Musique diffuse jour après jour des artistes québécois talentueux qui ne tournent pas ailleurs permettant ainsi d’heureuses et nombreuses découvertes. Pensons notamment à Chants libres de la grande Monique Giroux, ambassadrice passionnée et infatigable de la musique d’ici, de Plaisirs Therrien, ViaFehmiu et Circuit Makonnen, une adresse incontournable pour faire d’heureuses rencontres.

De plus, le site internet d’Ici Musique est une véritable bibliothèque musicale. Web radios thématiques pour tous les goûts, liste des chansons diffusées ajoutées tout au long de la journée, actualités musicales, sections dédiées à différents genres musicaux, albums d’artistes québécois en écoute exclusive quelques jours avant leur parution, émissions en rediffusion, etc. Le site offre une mine d’informations aux mélomanes curieux.

Crédit: Ici Musique
Crédit: Ici Musique

Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Rebecca Makonnen, animatrice à la barre de cette émission. À son avis, il ne faut pas diffuser nos artistes par compassion, mais parce qu’ils sont bons. « On a devrait réaliser tout simplement que la musique qui se fait ici, elle est bonne! On a des bons et des grands artistes. On dirait que le succès d’Arcade Fire a donné un petit coup de fierté aux gens et ce sentiment s’est un peu estompé avec le temps ». Pour mettre en valeur nos artistes, elle suggère que : «les radios commerciales devraient faire une émission spéciale par semaine sur les découvertes québécoises qui serait assorti d’un complément de contenu sur le web ». Selon le créneau de la station et le profil des auditeurs, ces émissions pourraient embrasser différents genres musicaux.

Pour une petite nation comme la nôtre, il importe qu’une plus grande solidarité anime tous les acteurs des médias pour assurer la vitalité de nos arts et notre culture. En plus de sensibiliser les grands médias sur leurs responsabilités pour faire rayonner les talents d’ici, il faut aussi s’assurer de prendre le fameux virage numérique qui bouleverse l’industrie musicale et médiatique à travers la planète. À ce sujet, la semaine prochaine, nous proposerons quelques solutions pour entrer de plein pied dans le XXIe siècle.

 

Myriam D’Arcy

 

Sur le même sujet : La culture nationale : antidote au mépris de soi (1).La culture nationale : antidote au mépris de soi (1).

 

[1] Lors du Forum sur la chanson québécoise qui s’est tenu en février 2013, Philippe Renaud a publié un portrait de la chanson québécoise fort pertinent, utile et très bien documenté qui a beaucoup alimenté notre réflexion lors de la rédaction des textes de ce dossier consacré sur le même sujet. Il se trouve en ligne ici : http://www.calq.gouv.qc.ca/publications/chanson_portraitrenaud.pdf

 

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

La culture nationale : antidote au mépris de soi (1)

Publié le Mis à jour le

Dossier : L’industrie musicale québécoise

Il y a environ un an, l’idée de lancer un blogue autour de la promotion de la culture québécoise a germé dans mon esprit durant une soirée entre amis. Je discutais avec l’un d’eux au sujet de mes préférences musicales – québécoises pour la plupart – et il m’avait répondu que la musique d’ici était dépassée, quétaine. Je m’étais alors empressée de lui faire écouter quelques artistes « branchés » que j’affectionne plus particulièrement pour me rendre compte qu’aucun d’entre eux ne lui étaient familiers. C’est à ce moment qu’un constat s’est imposé à mon esprit : nos artistes manquent cruellement de diffusion. Nos radios commerciales, quand elles daignent se conformer aux quotas de musique francophone dictés par le CRTC, ne prennent pas grand risque et diffusent jour après jour les mêmes hits formatés de vedettes établies. Comment alors s’étonner que nos artistes émergents arrivent difficilement à rejoindre le grand public?

Plusieurs mois plus tard, cette conversation continue de me hanter. Quoi faire pour améliorer la diffusion de nos chanteurs et musiciens? Au cours des prochaines semaines, je publierai une série de textes sur la chanson québécoise, qui, je l’espère, suscitera une réflexion sur l’utilité de « consommer » notre culture nationale, sur les moyens à prendre pour augmenter la diffusion de nos artistes et aussi, des propositions en vue de l’adoption de la nouvelle politique culturelle annoncée par le gouvernement du Québec, et finalement, sur la manière de prendre en douceur le fameux virage numérique qui bouleverse actuellement l’industrie musicale mondiale.

Glorification de la culture américaine et mépris de soi

La semaine dernière, nous avons été conviés à un spectacle désolant à l’occasion du malheureux débat alimenté par une poignée d’animateurs de radio de Québec autour de la pertinence à offrir la grande scène des Plaines d’Abraham à des artistes québécois pendant le Festival d’été de Québec. À leur avis, aucun artiste d’ici n’était en mesure d’attirer une foule substantielle capable de générer des profits pour le FEQ. Sous le couvert des arguments de la rentabilité, ils se sont déchaînés en onde et sur les réseaux sociaux en appelant la fin de la rectitude politique qui obligerait les organisateurs du festival à produire à perte des artistes québécois au lieu d’embaucher des vedettes américaines et internationales dignes de leur intérêt.

Chaque jour, il s’en trouve pour nous dire que la culture est devenue « mondiale », « globale », et qu’il faut s’ouvrir au reste du monde.  Soit, mais s’ouvrir à quoi si toutes les expressions culturelles se fondent les unes dans les autres? À quoi servent les langues, la littérature et la musique? Pourquoi se passionner pour le cinéma français ou italien s’ils ne disent plus rien sur leur société?

C’est là tout le génie de la culture et des artistes qui la portent. À coup sûr, les œuvres témoignent de leur société à une époque précise, des aspirations et des combats qu’elle porte et des doutes qui la traversent. En plus des qualités remarquables d’interprète d’Édith Piaf, pourquoi continuons-nous encore de l’écouter aujourd’hui, 50 ans après son décès? Parce qu’à travers elle, nous touchons et sentons de la plus belle des manières la France des années 30, 40, 50 et 60. Idem pour le cinéma de Woody Allen, lumineuse fenêtre sur le New York bourgeois, Pedro Almodovar sur une certaine Espagne colorée et débridée et finalement, Stromae sur la Belgique actuelle. D’ailleurs, la méga star a récemment livré un vibrant plaidoyer sur l’importance de chanter dans sa langue nationale qui a résonné jusqu’au Québec : «Je suis un Belge qui a grandi avec la langue française, un peu de flamand et tout mon belgicisme. Les gens n’ont pas envie de voir un Belge qui se prend pour un Américain. C’est ma culture, je la défends.»

Il en va évidemment de même pour les artistes québécois. À tout jamais, Gilles Vigneault a inscrit la vigueur, la ténacité et la joie de vivre des Canadiens-français que nous étions. Pour sa part, Dédé Fortin a ressenti jusque dans sa chair et témoigné du désarroi qui nous a assaillis suite à l’échec du deuxième référendum. Aujourd’hui, Louis-Jean Cormier incarne l’assurance tranquille rassurante que nous sommes là pour durer. Finalement, Xavier Dolan permet au monde entier de contempler Montréal, sa jeunesse et sa vitalité créatrice.

Ainsi, voilà pourquoi il faut connaître, consommer et promouvoir sa culture nationale. Pour inscrire à jamais son peuple et sa voix dans le temps, dans le grand récit de l’humanité. Voilà aussi pourquoi il faut combattre l’indifférence et le détournement vers une culture américanisée.  Certains prétendent que nous sommes trop peu nombreux, trop fragiles pour survivre, alors à quoi bon se battre? À quoi bon perdre de l’énergie à défendre notre langue si c’est pour s’assimiler à la culture anglophone un jour ou l’autre? Personne ne veut être du côté des vaincus, des perdants. La tentation d’aller voir ailleurs devient alors très grande. Entre le désir d’embrasser une identité mondialisée et le mépris de soi, il n’y a souvent qu’un pas que certains franchissent allègrement.

La chanson québécoise a beaucoup évolué au fil des dernières décennies comme le montre magnifiquement et très justement l’exposition sur l’histoire du Québec et la chanson québécoise qui se déroule présentement au Musée McCord. À toutes les époques, elle a su être la courroie de transmission de nos aspirations sociales et nationales. S’il est vrai qu’aujourd’hui, nos artistes engagés se font plus rares, et que leurs propos sont surtout tournés vers l’intime, il n’en demeure pas moins qu’ils chantent majoritairement en français, avec sérénité et sans complexe parce que ça va de soi. Loin de se folkloriser, notre scène musicale est abondante, foisonnante et diversifiée. Pierre Lapointe, Isabelle Boulay, Fred Pellerin, Cœur de pirate, Ariane Moffatt, Karim Ouellet et combien d’autres vont conquérir le monde sans être freinés un seul instant par les doutes de jadis, ceux que nous n’étions « nés que pour un p’tit pain ».

Pour combattre la démission culturelle et le mépris de soi, il faut impérativement porter attention à nos artistes de toutes les disciplines. Il serait temps de revenir à nous-mêmes pour célébrer cette culture qui n’a rien de ringard, qui ne cesse de se renouveler et d’étonner. Ainsi, peut-être que nous serons à nouveau capable de nous aimer, d’être fiers de notre identité et d’offrir à ceux qui la découvrent, la part la plus lumineuse de nous-mêmes.

Myriam D’Arcy

Prochain texte : La nécessaire augmentation des moyens de diffusion de nos artistes de la chanson.

 

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Alexandre Désilets : une étoile dans la nuit

Publié le Mis à jour le

Cette semaine, je profite des FrancoFolies pour présenter Alexandre Désilets, un auteur-compositeur-interprète étonnant à la voix unique. À quelques jours de sa prestation, j’ai eu la chance de m’entretenir avec lui au sujet de son dernier album et de sa carrière. Ce fût l’occasion d’une rencontre enrichissante puisque l’artiste offre une véritable réflexion sur son œuvre et son métier de créateur.

Crédit: Caroline Désilets
Crédit: Caroline Désilets

Fils de militaire, Désilets a roulé sa bosse un peu partout au Québec avant de s’installer à Montréal. Il a en effet grandi à Kingston, en Ontario, avant de s’établir en Outaouais. Par la suite, il a déménagé ses pénates dans la Vieille Capitale pour y poursuivre ses études postsecondaires. Après un détour par le Portugal, il a posé ses valises pour de bon dans la métropole québécoise.

C’est avec l’album de reprises enregistrées pour la 2e saison de la série Les Rescapés diffusée sur Radio-Canada que j’ai découvert Alexandre Désilets qui interprète magnifiquement La fin des étoiles du groupe français Niagara. À l’époque, j’avais été touchée par sa voix inclassable, d’une grande sensibilité, qui ne se compare à nulle autre, tant par sa richesse mais aussi, par les émotions qu’elle est capable de porter.

À son tour, son album La garde (2010)  aux sonorités indies rock m’avait charmée et pour sa part, Fancy Ghetto (2014), à la pop joyeuse et plus franche que le précédent, m’a solidement accrochée. À tel point que je l’écoute souvent, très souvent, même, puisqu’il est l’un de mes plus fidèles compagnons de course en ce début de la belle saison. Pour n’en nommer que quelques unes, mes chansons préférées sont Perle rare, Bats-toi mon cœur, Au diable, et bien sûr, Renégat  le premier extrait diffusé à la radio au cours du printemps dernier. Il s’agit d’un de ces trop rares albums qu’on écoute d’un bout à l’autre sans jamais se lasser. Chacune des pièces est réussie et passera sans aucun doute l’épreuve du temps.

.

MDA : Comment en êtes-vous arrivé à faire de la musique?

Alexandre Désilets: « J’ai commencé très tôt à chanter, autour de 5-6 ans. Par contre, je ne pensais pas en faire carrière avant l’âge adulte puisqu’au cégep, j’ai complété une formation en sciences pures pour ensuite étudier en agronomie à l’Université Laval.

Par la suite, j’avais trop la piqûre et je me suis inscrit à Concordia dans un programme de musique. Je dois préciser que pendant plusieurs années, j’ai perfectionné ma technique de chant par moi-même. Je chante tout le temps et j’ai fait beaucoup d’analyse et de recherche par moi-même. Je suis un autodidacte. D’ailleurs, l’enregistrement de mon premier disque Funami- Vocophilia (2005), réalisé au Portugal a été une expérience très formatrice. Aucun instrument n’a été utilisé pour enregistrer les chansons. Ma voix fait tout le travail ! J’ai chanté les guitares, les basses. Ce projet que je mûrissais depuis la fin des années 1990 fut tout un défi à réaliser ! ».

 

MDA : Avec Fancy ghetto, on se sent dans un univers assez différent de La garde. Est-ce que vous avez volontairement choisi de faire un album plus « pop » et plus joyeux que le précédent?

Alexandre Désilets : « En fait, je planifie mon travail sur le long terme, et non un album à la fois. Je pourrais dire que ma signature mélodique est en constante évolution. La garde allait servir de transition me permettant d’aller dans la direction que j’ai choisie. Ainsi, chaque disque est un chapitre de ma vie, dans mon cheminement de création. Escalader l’ivresse (2008) était important pour montrer aux gens le type de mélodies que je peux réaliser puisque les chansons sont plutôt complexes.  Je suis très fier des textes sur lesquels j’avais bossé très fort. Pour sa part, La garde est à mi-chemin entre les deux albums pour être capable d’atterrir en douceur avec la pop colorée de Fancy ghetto.

J’ai toujours aimé la pop et j’en écoute constamment. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, faire de la bonne pop, qui soit efficace, ce n’est pas facile. Tout est une question de rythme, partant du même principe que la comédie à la télé ou au cinéma. Aussi,  il faut être clair et concis. Si ça ne fonctionne pas, on ne peut pas mettre la faute sur le dos de la démarche artistique en se disant que les gens n’ont pas compris ».

MDA : Comment décririez-vous l’univers de Fancy ghetto?

Alexandre Désilets : « On dit de mon nouvel album qu’il est plus électro. Pourtant, nous n’avons pas créé de sons à partir d’ordinateurs. La facture des chansons est très moderne mais nous avons joué tous les instruments. La guitare électrique d’Olivier Langevin sonne comme un synthétiseur. De plus, certains solos de guitare sont en fait créés à partir ma voix que nous avons trafiquée par des effets de distorsion. Toute mon équipe de musiciens sont très fiers de cet album parce qu’ils y ont mis toutes leurs énergies.

À l’image du cinéaste ne veut jamais réaliser le même film, je me pose le même défi. C’est l’un des objectifs de ma démarche artistique. Les textes des chansons portent sur la nuit et le nightlife. Je dois souligner l’excellent travail de Mathieu Leclerc (qui a notamment collaboré avec Cœur de pirate, Jean Leloup, Bran Van et Pascale Picard) qui a coécrit l’ensemble des textes et a participé à l’élaboration des thèmes de l’album.

J’avais envie de faire des chansons qui allaient faire bouger les gens et me permettre de m’éclater sur scène. Je ne voulais pas d’un album intellectuel comme Escalader l’ivresse  dont les atmosphères étaient très planantes. À mon avis, il en résulte un album plus groundé, soit des textes plus clairs et moins éthérés que les autres. Les chansons racontent le goût du risque et l’urgence de la nuit. Nous les avons enregistrées dans cette ambiance, en une seule prise. Tout se passe avant le last call, ou entre un coucher et lever de de soleil.

Finalement, je m’implique dans toutes les étapes de réalisation, de l’écriture des textes, à la réalisation de l’album et même, des vidéoclips. J’écris les synopsis et participe étroitement à la mise en scène. Je suis très choyé parce que les gens chez Indica Records me font totalement confiance ».

 

Quels sont les artistes qui vous inspirent le plus?

Alexandre Désilets : « J’écoute plusieurs genre de musique, peu importe les styles. J’essaye de trouver ce qu’il y a de bon un peu partout. Pour cet album, j’ai beaucoup puisé dans la pop pour comprendre ce qui fait qu’une chanson est bonne ou non. La plupart du temps, je me branche sur Songza pour effectuer de la recherche. Durant la préparation de Fancy ghetto, je cherchais des sonorités très rythmiques tels que le R & B, le soul et la musique africaine pour les adapter à mon rock alternatif. Par exemple, j’aime beaucoup Foster the people, Vampire Weekend, Portugal the man. Parmi les artistes moins récents, je me suis inspiré de Talking Heads et Peter Gabriel, véritables pionniers du rock alternatif qui ont su marier leur musique à des rythmes africains.

Sinon, je pense au dernier disque d’Arcade Fire, Reflektor, dont le résultat est proche du reggae. Avec François Lafontaine, qui a coréalisé mon dernier album, nous avons choisi une démarche similaire à celle du groupe montréalais.

 

Les artistes québécois dans l’IPod d’Alexandre

Alexandre Désilets : « Même s’il n’a plus besoin de présentation, j’apprécie beaucoup la démarche de Louis-Jean Cormier. J’aime beaucoup son état d’esprit, son attitude positive et sa façon de travailler.

Je trouve aussi Jimmy Hunt très inspirant. Avec Maladie d’amour, il a pris certains risques en sortant de sa zone de confort et en proposant des chansons moins planantes que sur son précédent disque. J’ai vu son spectacle qui est fort réussi.

Sinon, Klô Pelgag est franchement intéressante. Sa musique expérimentale est à la fois éclatée et pleine d’humour.

Finalement, Serge Fiori est un incontournable. Au secondaire, j’ai beaucoup écouté les chansons d’Harmonium et quand je les réécoute aujourd’hui, je suis plongé dans une grande mélancolie. Elles sont associées à une époque et aux souvenirs qui l’accompagnent.  Durant les répétitions des Fioritudes, je me suis rendu compte à quel point l’influence de Fiori a été grande sur mon travail, tant dans les formes, les structures et les mélodies de mes chansons. Aussi, je n’ai réalisé que tout récemment à quel point le timbre de nos voix est semblable. Je suis donc très heureux de lui rendre hommage, de lui prêter ma voix pour faire la promotion de ses chansons ».

D’ailleurs, Alexandre Désilets a brillé durant le spectacle hommage à Fiori en montrant que sa voix peut porter avec panache les chansons de la légende. Jeudi soir prochain, ce sera à son tour de monter sur scène pour offrir aux Montréalais un spectacle qui risque d’être marquant. Il me tarde d’y être.

 

Hôtel Morphée : pop qualité!

Publié le Mis à jour le

Crédit: Kelly Jacob
Crédit: Kelly Jacob

Ces jours-ci, peut-être avez-vous entendu l’excellente chanson Dernier jour du groupe Hôtel Morphée. Pour une trop rare fois, les radios commerciales ont accepté de faire tourner une chanson d’un groupe émergent, initiative que nous saluons. Elles ont eu raison puisque la pièce s’est rapidement hissée dans les palmarès. Encore méconnu du public québécois, Hôtel Morphée a fait paraître Des histoires de fantômes, son tout premier album il y a à peine quelques mois. Prolifiques, les membres du groupe viennent de boucler l’enregistrement de Rêve américain, leur deuxième opus qui verra le jour au début du mois de septembre prochain. Dernier jour en est le premier extrait.

La bande est composée de Laurence Nerbonne (voix, violon et guitare), Stéphane Lemieux (batterie et percussions), André Pelletier (guitare et banjo) et Blaise Borboën-Léonard (violon, claviers et percussions). L’arrivée de ce groupe aux accents indies rock et pop dans notre paysage musical est une bonne nouvelle. Formé il y a quatre ans, les membres d’Hôtel Morphée possèdent tous une formation classique et jouent plusieurs instruments, leur permettant ainsi d’exploiter plusieurs registres avec aisance. Les musiciens prônent un certain retour à la simplicité dans les arrangements et laissent leurs instruments faire le boulot que l’ordinateur a souvent remplacé au fil des dernières années. Tout en étant accrocheuses, les chansons sont riches et recherchées. Éraillée sans être fragile, la voix de Laurence s’harmonise parfaitement aux mélodies du premier album et permet d’installer les atmosphères, tandis qu’elle est beaucoup plus franche dans Dernier jour  où à la toute fin de la pièce, elle répond au violon pour l’entraîner dans un joyeux rythme. La chanson est un appel, une ode au recommencement, à la deuxième chance.

« Un autre jour / Pour que tout commence / Dis-moi que tout commence

Si c’était la fin du monde / Si on passait à autre chose / Si le miroir se cassait

Tous ensemble

Dis-moi que tout s’arrange / Dis-moi qu’on existe encore / Dis-moi qu’il reste la journée pour partir ensemble »

Il y a quelques jours, nous nous sommes entretenus avec Laurence et Stéphane pour discuter de Rêve américain à paraître le 9 septembre prochain.  Francs et sans détours, ils sont engagés dans une démarche artistique qui leur tient à cœur et dont ils sont très fiers. Compte-rendu d’une rencontre rafraîchissante.

 

MDA : Pourquoi avoir choisi de vous nommer « Hôtel Morphée »?

Source: www.hotelmorphee.com
Source: http://www.hotelmorphee.com

Laurence : « En tournée, les spectacles nous amènent à visiter plusieurs hôtels et ces lieux deviennent marquants. Ensuite, « morphée » fait référence à la nuit, aux rêves. C’est une manière de dire que la musique nous permet de réaliser nos rêves».

 

MDA : Quels sont vos thèmes de prédilection, ceux qui inspirent vos chansons?

Laurence, qui signe tous les textes nous répond : « J’écris autour d’émotions que nous vivons tous et qui nous touchent. La passion, les rêves et les ambitions. Ce sont des thèmes universels qui nous touchent. Par contre, sur le prochain album, nous livrons des réflexions sur l’Amérique, les États-Unis et des questions de sociétés comme le port d’armes ». Stéphane, qui est diplômé en philosophie, renchérit : « Même si par nos textes nous souhaitons faire réfléchir sur notre société, notre point de vue est plus existentiel qu’engagé ».

MDA : Entre le simple qui vient de sortir et votre premier album, je remarque une grande différence dans le style et le ton. Dernier jour est beaucoup plus rythmée que vos précédentes chansons. Est-ce que le nouvel album sera à son image?

Stéphane : « Nous aimons tous la pop accrocheuse et le rock. Autant la musique classique que la pop américaine nous influencent. Pour nourrir et bâtir notre signature musicale, nous pigeons un peu partout, sans restriction. Pour le prochain album, nous avons décidé d’offrir des chansons plus lumineuses et joyeuses sur le plan de la musique. Nous avons enregistré les mélodies et les voix en même temps, en gardant le plus simples possibles les arrangements. Nous sommes très fiers du résultat ».

MDA : Pourquoi avoir décidé d’enregistrer un deuxième album aussi rapidement après le premier?

Stéphane : « Parce que nous travaillons fort! Dès la fin de l’enregistrement du premier, nous avions déjà hâte de retourner en studio. Nous avons donc décidé de ne pas freiner notre élan et d’enregistrer les chansons au rythme de notre inspiration ».

MDA : L’industrie musicale semble en profonde mutation. Comme vous, de nombreux artistes n’attendent plus la parution de leur album pour rendre disponible leurs chansons. Récemment, certains artistes ont déclaré ne plus vouloir produire d’album puisque ce médium ne répondrait plus aux attentes des consommateurs. Que pensez-vous de la crise qui secoue présentement le marché du disque?

Stéphane : « Ça fait vingt ans qu’on nous annonce encore et encore la fin de l’album. Pourtant, il n’en est rien. Les véritables mélomanes vont continuer à souhaiter avoir en main un objet sur lequel sont rassemblées les chansons qui participent au même projet».

Laurence : « Tout le monde essaie de trouver la meilleure manière de vendre la musique et tentent de répondre aux changements que l’on observe. Puisque les gens sont de plus en plus nombreux à télécharger les chansons à la pièce ou consomment la musique en écoute libre sur Internet, certains arrivent à la conclusion que l’album n’est peut-être plus le bon véhicule pour faire rayonner la musique. À mon avis, l’industrie est en pleine mutation mais il faut arrêter de s’affoler. Nous n’assistons pas à la mort de l’industrie musicale telle que nous l’avons connue. Je pense que trop de mauvaise musique est produite, ce qui explique en partie la baisse des ventes d’albums. On doit investir temps et énergies pour produire un album de qualité. On doit aussi maîtriser ses instruments. Les consommateurs ne sont pas dupes et savent reconnaître les œuvres de qualité. Les musiciens dont la démarche artistique est sincère vont réussir à passer au travers ces changements et à durer dans le temps ».

Finalement, nous avons demandé à Laurence et Stéphane quels sont les artistes québécois qui les inspirent. Laurence apprécie particulièrement la poésie de Robert Charlebois dont elle avoue avoir récemment redécouvert l’œuvre. Elle a aussi été charmée par l’excellent PUNKT de Pierre Lapointe ainsi que MA d’Ariane Moffatt.

À notre grand étonnement et plaisir, Stéphane nous vante les mélodies et progressions d’accords du regretté compositeur Pierre F. Brault, à qui l’on doit notamment la musique de Passe-Partout (!), ainsi que Richard Desjardins.

Ceux qui souhaitent voir et entendre Hôtel Morphée ne seront pas déçus puisqu’ils offriront un spectacle gratuit le 15 juin à 20h dans le cadre des Francofolies.

 

______

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier