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Yannick Nézet-Séguin de retour à Montréal pour diriger le Stabat Mater de Dvorak (1)

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Dimanche 29 mars à 15 heures, Yannick Nézet-Séguin dirigera l’Orchestre et le Chœur Métropolitain à la Maison Symphonique de Montréal. Il interprétera le Stabat Mater d’Antonin Dvorak (1841-1904) accompagné de quatre solistes et du chœur de l’orchestre métropolitain:

Yannick-Nézet-Séguin Source : Orchestre Métropolitain
Yannick Nézet-Séguin
Source : Orchestre Métropolitain

Antonin Dvorak est un des grands compositeurs de la République Tchèque. Son portefeuille comprend 9 symphonies. La neuvième est la célèbre Symphonie du Nouveau-Monde, six grandes œuvres chorales dont le Stabat Mater, des concertos tels que le magnifique concerto pour violoncelle, de la musique de chambre et même 4 opéras. Le plus connu est Rusalka.

Le Stabat Mater est une œuvre de musique sacrée d’environ 90 minutes, écrite en 1876-77 suite au décès des deux enfants du compositeur. Cette pièce de musique chorale comprend 10 sections et le chœur intervient dans 7 d’entre elles. C’est donc une œuvre importante du répertoire de chant choral. Et pourtant, elle est rarement présentée. Malgré ma grande expérience de musique pour chœur, je n’ai encore jamais eu la chance de l’entendre. J’ai bien hâte à dimanche pour corriger cette lacune.

10 Sections:

1- Quatuor et chœur: Stabat Mater dolorosa (Andante con moto)

2- Quatuor: Quis est homo, qui non fleret (Andante sostenuto)

3- Chœur: Eja, Mater, fons amoris (Andante con moto)

4- Basse solo et Chœur: Fac, ut ardeat cor meum (Andante con moto quasi allegretto)

5- Chœur: Tui nati vulnerati (Andante con moto)

6- Ténor solo et chœur: Fac me vere tecum elere (Andante con moto)

7- Chœur: Virgo virginum praeclara (Largo)

8- Duo Alto: Fac, ut portem Christi mortem (Larghetto)

9- Alto solo: Inflammatus et accensus (Andante maestoso)

10- Quatuor et Chœur: Quandus corpus morietur (Andante con moto)

Je me suis entretenu avec Pierre Tourville, un des deux chefs de chœur de l’Orchestre Métropolitain. Il partage son historique ainsi que celui du chœur, et nous donne un avant-goût de ce que l’on pourra entendre lors du concert.

Pierre Tourville Source : Orchestre Métropolitain
Pierre Tourville
Source : Orchestre Métropolitain

M.F. : Pourriez-vous me raconter brièvement votre parcours musical ?

P.T. : Je suis né au Cap de la Madeleine et j’ai étudié l’alto au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, ensuite au Conservatoire de Musique de Montréal et finalement au New England Conservatory de Boston. Je suis musicien, altiste, dans l’Orchestre Métropolitain depuis 2002. À peu près en même temps, j’ai commencé à être responsable du Chœur de l’OM.

M.F. : Dites-moi quelques mots sur le Chœur.

P.T. : Le Chœur va fêter son trentième anniversaire l’an prochain durant la saison 2015-2016. Il a été fondé par Agnes Grossmann, qui était la directrice artistique de l’OM à ce moment là. Elle a toujours baigné dans la musique chorale car son père, à l’époque, dirigeait les Petits Chanteurs de Vienne. Elle désirait ajouter à l’OM un chœur de haut niveau qui pourrait interpréter les grandes œuvres du répertoire. Depuis ce temps là, le Chœur contribue annuellement à la programmation de l’OM.

Le noyau principal du chœur est composé d’environ une centaine de choristes amateurs de haut calibre, des gens qui lisent la musique, ont eu une formation musicale et ont déjà chanté dans d’autres chœurs. Un petit groupe de 25 chanteurs professionnels vient enrichir la qualité sonore du chœur.

Le répertoire est varié. Il inclut de la musique sacrée et profane. Dans le passé, on a très souvent interprété la neuvième symphonie de Beethoven. Il va de la musique baroque, par exemple Jean-Sébastien Bach, à la musique contemporaine. Lors de notre dernier concert de Noël, on a présenté deux créations de jeunes compositeurs.

À l’origine, le chœur ne chantait qu’avec l’OM. Depuis peu, on a décidé de varier cette formule et maintenant, surtout dans le temps des fêtes, le chœur a son propre concert, sans l’orchestre. Ça nous permet de travailler ensemble de façon plus régulière et d’assurer une continuité dans les activités du chœur.

M.F. : J’ai remarqué que vous étiez deux chefs de chœur, ce qui est assez inhabituel. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?

P.T. : Oui, je partage la responsabilité du chœur avec un autre chef, François Ouimet. Au départ, ceci venait nous aider dans la logistique et principalement la gestion des horaires très chargés de chacun. Par la suite, ça s’est transformé en réel travail d’équipe et on mise sur les forces de chacun pour le plus grand plaisir des choristes. De plus, c’est une très bonne pratique pour les membres du chœur qui doivent rapidement s’adapter à différents chefs d’orchestre lors des concerts.

M.F. : Pourquoi le Stabat Mater est rarement présenté?

P.T. : C’est une bonne question. En général, Dvorak n’est pas parmi les compositeurs extrêmement visités et pourtant il a été très prolifique. Il a écrit des opéras, une superbe messe, par exemple. C’est difficile à expliquer. Le Stabat Mater est une œuvre splendide qui, en plus, n’est pas particulièrement difficile à chanter pour le chœur. On peut davantage travailler sur la qualité sonore plutôt que sur les difficultés techniques. C’est certainement une question que le public va aussi se poser.

MF : En quelques mots, comment décririez-vous l’œuvre?

P.T. : Grandiose, méditative, nostalgique, avec une grande tristesse. Dvorak a écrit cette pièce suite au décès de ses deux enfants. On y retrouve un mélange de drame et d’espoir à la fois. L’œuvre ne se livre pas d’elle même, elle a besoin d’interprétation, pour en faire ressortir toutes les couleurs. C’est une musique assez lente en général. Quand on y met toute la dévotion nécessaire, c’est une merveille, un chef d’œuvre.

Le Stabat Mater s’écoute très facilement, car les mêmes thèmes reviennent régulièrement, dans chaque mouvement. On peut se laisser emporter sans s’y perdre. La beauté des thèmes nous amène ailleurs. 

À noter aussi que les 4 solistes ont chacun leur mouvement à eux, et ce sont pratiquement des airs d’opéra, qui peuvent avoir une certaine familiarité avec l’air à la lune dans l’opéra Rusalka.

M.F. : Quel est le prochain concert du chœur ?

P.T. : Cet été au festival de Lanaudière, on va chanter la troisième messe en fa mineur d’Anton Bruchner (1824-1896)

 M.F.: Merci!

Le Stabat Mater sera présenté à la Maison Symphonique ce dimanche 29 mars 2015 à 15 heures. Il ne reste pas beaucoup de billets. Vous pouvez acheter vos billets ici. Le concert sera également rediffusé sur les ondes d’Ici Musique le 1er avril prochain dans le cadre de l’émission Soirées classiques animée par Mario F. Paquet.

Bientôt à venir: ma recension critique du concert.

Marco Fortier

Marco Fortier
Marco Fortier

L’Aiglon : Le fils de Napoléon

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Présenté à l’OSM jusqu’à samedi!

Aiglon Napoléon

Hier soir, j’ai assisté à la 2e représentation du concert-opéra L’Aiglon : Le fils de Napoléon par l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM). Sous la direction de Kent Nagano, cet évènement abondamment annoncé était présenté dans la métropole en première nord-américaine.

La salle était presque pleine, avec des gens curieux et ouverts pour découvrir cette nouveauté tant attendue. Une distribution impressionnante presqu’entièrement québécoise, s’ajoute à l’orchestre :

L’Aiglon ( de son vrai nom Napoléon François Charles Joseph Bonaparte) est à l’origine une pièce de théâtre écrite en 1900 par Edmond Rostand. C’est le surnom donné à titre posthume par Victor Hugo au fils unique de l’empereur Napoléon 1er et de sa seconde épouse l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche. Il est aussi connu comme le Roi de Rome, Napoléon II, Prince de Parme, ou encore le Duc de Reichstadt. Il n’avait que 4 ans au moment de l’abdication de son père en 1815, quand il fut nommé Napoléon II. Son règne fut très court car il fut rapidement chassé du trône par l’arrivée au pouvoir de Louis XVIII.

La pièce de théâtre de six actes raconte la quête identitaire du fils par rapport à son père. Ça ne devait pas être facile de faire sa place quand on est encore jeune et le fils de Napoléon 1er.  Cet adolescent, qui a vécu la plus grande partie de sa vie en Autriche, rêve de la France et de mener plus loin les projets de son père. C’est en 1936 que les compositeurs Jacques Ibert (1890-1962) et Arthur Honegger (1892-1955) décident d’écrire conjointement un opéra sur le livret d’Henri Cain inspiré de l’œuvre d’Edmond Rostand. C’est exceptionnel à cette époque que deux compositeurs bien en vue joignent leurs efforts pour coécrire une œuvre. Présenté pour la première fois en 1937, cet opéra ne pourra par la suite être présenté en France sous l’Occupation. Heureusement, l’œuvre a été adaptée au théâtre et au cinéma à plusieurs reprises, lui permettant ainsi de ne pas totalement sombrer dans l’oubli.

Marie-Hélène Benoit-Otis, musicologue et assistant professeur à la Faculté de Musique de l’Université de Montréal, nous présente, dans les notes du concert qu’elle a rédigées, les cinq actes de l’opéra aux titres évocateurs :

Acte 1 : Les ailes qui s’ouvrent

L’opéra débute en 1831 à Vienne, dix ans déjà après la mort de Napoléon 1er. Marie-Louise, la mère de l’Aiglon, lui présente des conspirateurs qui vont l’inciter à retourner en France.

Acte 2 : Les ailes qui battent

Ces conspirateurs ne s’avèrent pas tous dignes de confiance et vont s’attaquer à son estime de soi.

Acte 3 : Les ailes meurtries

Ayant perdu son enthousiasme, l’Aiglon rencontre des gens qui lui raviveront son rêve de retourner en France.

Acte 4 : Les ailes brisées

Son projet de retourner en France est dénoncé. L’Aiglon est poursuivi et capturé par les autorités autrichiennes avant qu’il n’ait réussi à quitter Vienne.

Acte 5 : Les ailes fermées

L’opéra se termine en 1832, à peine quelques mois plus tard, avec le décès de l’Aiglon alors qu’on lui faisait le récit de ses trop brefs moments de gloire.

Je salue le choix judicieux et audacieux de Kent Nagano qui a choisi de présenter cet opéra malheureusement peu connu, et dont le seul enregistrement remonte à 1950, plutôt que de faire un xème enregistrement d’un opéra plus traditionnel. Les trois concerts sont enregistrés et serviront à graver un CD.

Ce fut clairement un événement réussi. La découverte en valait le déplacement. La musique est magnifique, accessible pour tous, naturellement théâtrale, souvent militaire, et tendre et mélancolique vers la fin. J’ai particulièrement aimé les actes IV et V. La partition, superbement exécutée par l’orchestre, de la scène de bataille entre l’armée française imaginaire et l’armée autrichienne bien en chair, pendant laquelle plusieurs mélodies différentes se chevauchent, est grandiose. Les lignes mélodiques, entourant le décès de l’Aiglon, sont belles, tristes et lumineuses.

Les voix sont toutes superbes et les chanteurs québécois font tous très bonne figure. La diction est impeccable et on comprend facilement tous les mots. Je dois souligner l’extraordinaire performance de la soprano Anne-Catherine Gillet, qui chante le rôle de l’Aiglon avec justesse, aplomb et charme. La qualité de sa voix et son jeu sont impeccables. Le baryton québécois Étienne Dupuis se démarque également par sa voix riche pouvant à la fois être percutante ou judicieusement retenue. Sa prestance théâtrale était pleine de finesse. Finalement, la mise en espace de Daniel Roussel est sobre, efficace et contribue à une meilleure compréhension de l’œuvre.

J’ai adoré ma soirée et vais certainement guetter la sortie du CD pour en acheter un exemplaire.

Le concert – opéra sera présenté une dernière fois le samedi 21 mars 2015 à 20 heures à la Maison Symphonique de Montréal. Il reste quelques billets que vous pourrez vous procurez en ligne ici. Je vous recommande d’y aller sans hésitation. C’est un événement rarissime et une œuvre magnifique que vous n’aurez pas souvent l’occasion d’entendre.

Marco Fortier

Marco Fortier
Marco Fortier

Littérature et cinéma québécois: « Pour l’amour de la lecture : 5 films sur des auteurs québécois »

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ONF_Logo_hor_noir (2)En marge de la campagne « Le 12 août, j’achète un livre québécois » qui a été couronné d’un vif succès notamment grâce aux réseaux sociaux, l’Office national du film (ONF) propose aux internautes 5 films portant sur de grands écrivains québécois, parmi lesquels se trouvent Hubert Aquin, Maurice G. Dantec, Ernest Dufault, Yin Chen et Germaine Guèvremont.

La sélection de films se trouve en ligne ici.

Bravo à l’ONF pour cette belle idée qui fait rayonner notre cinéma et notre littérature!

Source: site de l'ONF
Source: site de l’ONF

Virage numérique: préservation du patrimoine et rayonnement de nos artistes (3)

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Dossier sur l’industrie musicale québécoise

 

Je dois me confesser : j’aime beaucoup acheter des livres, des disques et des DVDs. Au fil des ans, ma bibliothèque s’enrichit et occupe de plus en plus d’espace à la maison. Sa présence est rassurante et témoigne du temps qui passe et de l’évolution de ma passion pour l’histoire, le cinéma et la musique.

Mes livres préférés proviennent des librairies d’ouvrages usagés car ils possèdent une histoire. Chacun a sa propre odeur et ses marques d’usure. Parfois, je m’amuse à déchiffrer des notes manuscrites griffonnées par le précédent propriétaire pour voir si nous avons noté les mêmes phrases, les mêmes passages. J’aime posséder des disques parce que les chansons d’un même album sont parties intégrantes d’une œuvre cohérente. Elles ont un sens, un message, plus que les chansons écoutées au hasard. D’ailleurs, je remarque que mes coups de cœur se font toujours quand j’écoute une, deux et trois fois de suite un même disque, quand l’atmosphère créée par l’artiste me gagne. Le livret, ses photos et les remerciements de l’artiste à son équipe m’intéressent aussi car ils en disent long sur la démarche artistique qui accompagne l’album.

Ces dernières années, le disque et le livre numériques ont gagné en popularité, ici et partout dans le monde comme en témoignent les statistiques publiés notamment par l’ADISQ. Jusqu’à tout récemment, je m’en désolais. À combien de discussions ai-je participé en me posant en défenderesse de l’objet contre le froid et immatériel support numérique devant des amis qui vantaient les vertus de la bibliothèque numérique. Imaginez : en voyage, plus besoin d’alourdir son bagage!

Même si je continue d’acheter la plupart de mes disques et tous mes livres, notamment avec le souci de les léguer à ceux qui me survivront, force est d’admettre que je découvre de plus en plus les avantages du support numérique. D’abord, sa diffusion ne connaît pas la distance et le frontières, mais surtout, il permet de conserver une œuvre sans craindre que le temps ne l’abîme.

 

Préserver notre mémoire

Les avancées technologiques de notre époque sont prodigieuses et permettent de conserver les œuvres et archives en leur assurant une longue vie. Les incendies, les guerres et les catastrophes naturelles peuvent effacer en quelques instants des pans entiers de notre mémoire et ainsi, altérer notre patrimoine. Les deux guerres mondiales ont rasé des villes et des monuments, des musées ont parfois été pillés et certaines œuvres perdues à jamais. À Montréal, en avril 1849, l’Hôtel du Parlement a été incendié par des émeutiers. Sont partis en fumée plus de 23 000 volumes, ainsi que les archives de l’Assemblée législative du Haut et du Bas-Canada. Des pertes considérables pour notre mémoire collective et pour les historiens. Aujourd’hui, heureusement, la numérisation des archives empêchent ces drames.

Les centres d’archives l’ont bien compris et depuis plusieurs années, la grande majorité des fonds publics et privés numérisent leurs collections. À titre d’exemple, en 2011, la Fondation Lionel-Groulx a fait don de l’ensemble des archives du grand historien à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ). Elle a aussi procédé à la numérisation de l’immense œuvre de Groulx pour s’assurer que les chercheurs et le grand public puissent accéder en un clic à ses écrits.

En plus d’assurer une meilleure conservation des archives de toutes natures, des journaux, des œuvres littéraires, musicales et cinématographiques, l’avènement du support numérique permet également une circulation infiniment plus importante des œuvres et documents. À ce sujet, saluons aussi le travail de moines effectué par les archivistes de BANQ qui, à ce jour, ont numérisé plus de 160 revues et journaux d’ici publiés depuis l’avènement de l’imprimerie au Québec.

Dans le domaine du cinéma, de beaux exemples de projets de préservation de notre patrimoine ont été menés ces dernières années. Le site de l’Office national du film (ONF) constitue une véritable mine d’or pour les cinéphiles puisque des milliers de films et documentaires produits par l’organisme sont disponibles gratuitement ou à prix modique. Il y a quelques jours, à l’occasion du 100e anniversaire de naissance de Félix Leclerc, l’ONF a également mis en ligne une section dédiée à Félix, en rendant disponibles 7 films auxquels il a participé.

Source: site de l'Excentris
Source: site de l’Excentris

De plus, en février dernier, l’ONF et le cinéma Excentris rendaient public un formidable partenariat conclu entre les deux institutions pour améliorer l’accessibilité du cinéma de répertoire en dehors de la métropole et dans toutes les régions du Québec. Depuis lors, certains titres sont présentés simultanément en salle à l’Excentris, ainsi que sur son site web et celui de l’ONF.

 

Essentiel projet Éléphant

Source: site d'Éléphant.
Source: site d’Éléphant.

En matière de préservation de notre patrimoine cinématographique, la palme revient sans hésitation à Québecor et son ambitieux et essentiel projet Éléphant qui s’est donné la mission d’être le gardien de la mémoire de notre cinéma. Depuis 2008, plus de 200 films ont été restaurés puis numérisés. À terme, ce sera l’ensemble des longs métrages québécois qui seront conservés sur la plateforme numérique et web. Ces films sont ensuite rendus disponibles au téléchargement (payants), notamment sur Illico pour les abonnés à Vidéotron et à l’ensemble du public sur ITunes Store. Ainsi, les Québécois peuvent découvrir ou redécouvrir des œuvres oubliées et celles-ci voyagent désormais à travers le monde. Il s’agit d’une vitrine exceptionnelle qui devrait inspirer les décideurs des autres domaines des arts.

 

Faciliter la circulation de nos œuvres

En effet, pour les mêmes raisons, le projet Éléphant devrait au premier chef inspirer les artisans de notre industrie musicale. La semaine dernière, mon texte portait sur les différentes avenues à explorer pour augmenter la diffusion et le rayonnement de nos artistes de la chanson. Lors d’un entretien qu’a accordé Philippe Renaud à Coups de cœur d’ici, (journaliste indépendant, critique de musique, chroniqueur et coanimateur de l’émission Les hauts-parleurs à Musique Plus) dans le cadre de la publication de ce dossier sur l’industrie musicale, il a formulé une proposition portant sur la mise sur pied d’une bibliothèque numérique où serait déposée l’ensemble de la production musicale québécoise. À mon avis, en collaboration avec les maisons de disques et les artistes indépendants, cette bibliothèque pourrait être administrée par l’ADISQ ou un organisme public qui serait dépositaire de notre production musicale.

Il y a de cela quelques années, avec un ami, j’ai longuement cherché une copie de la chanson « Le chemin du Roy » de Jean-Pierre Ferland, qu’on peut entendre dans le merveilleux documentaire du même nom (Québec – Ad Hoc Films en collaboration avec Télé-Québec, 2005) portant sur la venue du Général de Gaulle au Québec en 1967. Cette chanson n’était disponible nulle part. Après bien des aventures, cet ami est parvenu à la trouver sur un vieux disque, qu’un bon samaritain s’est empressé de numériser. Un répertoire musical comme celui d’Éléphant nous aurait rapidement permis de retrouver cette chanson et la faire revivre auprès de nos proches.

 

Plateformes de musique québécoise en écoute libre

Lors d’une entrevue réalisée avec l’animatrice Rebecca Makonnen, nous avons réfléchi aux moyens à prendre pour augmenter la présence de nos artistes de la chanson sur la toile. À son avis, à l’image des nombreux sites qui offrent ce type de contenus à travers le monde, tel Deezer, Spotify ou Songza, une plateforme web de chansons en écoute libre offrant un contenu uniquement québécois devrait être mise sur pied. Une recherche rapide sur ces sites montre bien que les propositions québécoises se font très rares. Voilà pourquoi nous devrions avoir le nôtre. Des listes de chansons pourraient être élaborées selon plusieurs styles, ambiances et thèmes différents. Comme la chaîne télé web Netflix l’abonnement mensuel pourrait coûter quelques dollars pour assurer une juste rétribution aux artistes et leurs maisons de disques. Ainsi, les mélomanes curieux pourraient faire des belles découvertes au hasard des chansons diffusées et les créateurs disposeraient d’une vitrine supplémentaire en plus des spectacles, des médias et des réseaux sociaux.

Fabrique culturelleFinalement, le virage numérique permet aussi une diffusion plus importante de la culture au sens large. Les productions télévisuelles, les arts de la scène, la mode, le design et les arts visuels tentent chacun à la mesure de leurs moyens de prendre le fameux virage numérique. Du côté de la télé, depuis son lancement, Tou.tv offre une sélection intéressante de séries télés, de documentaires et de films d’ici et d’ailleurs. Plus récemment, La Fabrique culturelle qui se définit à la fois un webmagazine, un lieu de création, de rencontres et de diffusion artistiques pour l’ensemble du Québec agit comme une grande bouffée d’air frais dans le milieu culturel. En effet, les multiples fonctions de cette plateforme montrent bien l’étendue des possibilités en matière de production et de mise en valeur des arts sur le web.

Encore faut-il que l’État finance adéquatement ces projets pour qu’ils puissent porter tous leurs fruits. De même, la nouvelle politique culturelle annoncée par le gouvernement du Québec pour 2016 devra impérativement tenir compte des bouleversements technologiques qui secouent présentement le monde des arts.

Pour prendre en douceur ce virage numérique et répondre aux défis qu’il suscite, on doit s’assurer que nos créateurs et institutions disposent des moyens nécessaires pour que notre production culturelle soit vivante et qu’elle rayonne à la mesure de ses talents et ambitions. Parmi ces défis, notons la protection des droits d’auteur, trop souvent bafoués à cause de législations qui ne tiennent pas compte des réalités nouvelles en la matière. Les artistes doivent à la fois être protégés contre le téléchargement illégal, mais aussi, l’émergence de plateformes dédiées à la diffusion de leurs œuvres doit être encouragée.

De leur côté, les artistes devront faire preuve de créativité et de flexibilité pour répondre aux demandes en constante évolution des consommateurs. À mon avis, l’album survivra aux bouleversements de l’industrie musicale mais il constituera peut-être un support parmi d’autres.

Finalement, au cours des prochaines années, espérons que des projets de préservation de notre patrimoine comme celui d’Éléphant se multiplieront pour s’assurer que notre patrimoine culturel demeure bien vivant, se transmette au fil des générations et de par le monde.

Myriam D’Arcy

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Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

100 bougies pour Félix Leclerc!

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10521348_804131252954247_3732395156162961488_n BQDepuis les commémorations ratées du 400e anniversaire de la fondation de Québec en 2008, on se désole souvent du peu de cas que font nos institutions et les médias des anniversaires historiques et des commémorations.

Par contre, ces jours-ci, nous constatons avec bonheur une exception : celle du 100e anniversaire de naissance du grand Félix Leclerc. Considéré par plusieurs comme le « père » de la chanson québécoise, Félix Leclerc a fait rayonner le Québec partout dans le monde et du même coup, a contribué à nous donner confiance en nous-mêmes et nous a appris, comme Gilles Vigneault, Claude Léveillée et d’autres, à aimer ce que nous sommes, assez pour en être fiers, assez pour avoir envie que notre peuple dure et s’épanouisse.

Décédé beaucoup trop tôt, il y a déjà 26 ans, Félix Leclerc a laissé une œuvre immense, immortelle et intemporelle. Ses chansons sont toujours bien vivantes et souvent reprises par les artistes contemporains comme en témoigne le spectacle hommage offert le 3 juillet dernier en ouverture du Festival d’été de Québec. Pensons aussi à la magnifique interprétation du « Chant d’un patriote » de Daniel Boucher (Le 08-08-88 à 8h08, GSI, 2000),  ou encore « Le tour de l’île » par Karkwa ( Hommage à Félix Leclerc, Tacca Musique, 2008) ou encore la bouleversante interprétation de « Mon fils » par Catherine Major. (Les Rescapés saison 2, SRC, 2012).

Avec un enthousiasme sincère, les grands médias participent tous à cette entreprise de commémoration. Hier, La Presse et Le Devoir publiaient chacun un texte rappelant l’importance de l’œuvre musicale et littéraire du poète, tandis qu’Ici Musique a conçu un dossier fort intéressant, en plus d’une web radio permettant d’écouter ses plus belles chansons

De son côté, l’animatrice Catherine Pépin consacrait à Félix une édition spéciale de son excellente émission Le temps d’une chanson (en rediffusion sur le web) à l’occasion de laquelle elle a présenté des chansons et surtout, des archives passionnantes.

Il y a quelques jours. sur son site, l’Office national du Film (ONF) a mis en ligne une section permettant de découvrir Félix le comédien, en rendant disponibles 7 films auxquels il a participé.

Finalement, au début de l’été, la Maison Félix Leclerc située à Vaudreuil a ouvert ses portes après plusieurs années d’attente. De leur côté, les résidents de la région de Québec peuvent se rendre à l’Espace Félix-Leclerc, situé à l’Île d’Orléans pour profiter de la programmation spéciale offerte à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance.

nn_e4586439506019En ce 2 août, célébrons la mémoire de Félix Leclerc et profitons de l’occasion pour faire découvrir son œuvre aux plus jeunes et à ceux qui ont récemment choisi d’habiter le Québec. C’est une excellente manière de lui rendre hommage, et de se rappeler à quel point les Québécois sont riches d’un patrimoine culturel exceptionnel, grâce à des hommes et des femmes comme Félix qui nous ont révélé à nous-mêmes.

 

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

 

Le rôle des médias dans la diffusion de la chanson d’ici (2)

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Dossier sur l’industrie musicale québécoise

 

Depuis quelques mois, les signaux d’alarme se multiplient au sujet de la crise qui se dessine au sein de notre industrie musicale. Les ventes d’albums sont en baisse constante, si bien que certains artistes comme Mario Pelchat ont décidé de jeter la serviette. De son côté, en janvier dernier, Renaud-Bray abolissait le poste de disquaire dans la plupart de ses succursales.  Plusieurs raisons expliquent cet effritement du marché du disque qui s’observe au Québec et partout dans le monde. Ces bouleversements sont surtout attribuables à la progression fulgurante de l’offre des produits numériques.

Comment les artistes québécois doivent s’y prendre pour tirer leur épingle du jeu dans un marché mondialisé de plus en plus accessible? Assistons-nous à une surenchère culturelle comme postulait Le Devoir dans un dossier fort intéressant publié dans son édition du 26 avril dernier? Pour être en mesure de répondre à la question, il faudrait que les artistes établis et émergents disposent d’une visibilité comparable leur permettant de se tailler une place au soleil. Si une entreprise de chaussures bénéficie d’un budget de publicité dix fois supérieur à celui de son compétiteur, il y a fort à parier que ses profits seront aussi importants. Il en va de même pour les artistes de la chanson. Ceux qui sont diffusés dans les grands médias vendent plus d’albums que les autres, souvent tous aussi talentueux.

Nous croyons qu’il faut impérativement réfléchir au rôle des médias dans la diffusion et la mise en valeur des artistes de la chanson pour assurer une plus grande diversité dans l’offre musicale.

Le rôle des chaînes de télévision dans la diffusion de nos artistes

Au fil des saisons, le succès de nos séries télé ne se dément pas. Pensons simplement à Unité 9 qui chaque semaine rallie près de 2 millions de fidèles, soit près du quart de la population québécoise; La Galère, Toute la vérité ou tant d’autres fictions dont l’auditoire est plus qu’appréciable. Pourtant, ce serait doux euphémisme que de rappeler que l’offre télévisuelle américaine est abondante et ses moyens de productions,  supérieurs aux nôtres!

À l’inverse, la fréquentation de nos œuvres cinématographiques et musicales par le grand public est bien moins importante. Est-ce que nos auteurs-compositeurs-interprètes et nos cinéastes sont moins talentueux que nos réalisateurs télé? Ce serait bien étonnant. Au cinéma, et sauf pour les « blockbusters » préfabriqués, nos films sont projetés dans trop peu salles et le budget de publicité est bien moindre que celui des films américains. Pour amener les gens à voir nos films, comme pour les inciter à consommer notre musique, encore faudrait-il que le public sache que ces œuvres existent et sont disponibles.

En plus des fictions, les grandes chaînes proposent une pléthore d’émissions de variétés, de téléréalités, de jeux-questionnaires, d’émissions d’humour, de portraits de vedettes, d’émissions de cuisine et même qui sont consacrées au soin des animaux! Par contre, à l’exception de Belle et Bum (Télé-Québec) et Pénélope McQuade (Radio-Canada), force est de constater que très peu de place est faite dans les grilles horaires pour mettre en vitrine nos artistes de la chanson.

Il y a de la place pour des émissions comme Star Académie et La Voix disposant de moyens de production énormes, mais aussi plus modestes mais non moins étonnantes comme Belle et Bum et feu Studio 12. Cette excellente émission qu’animait Rebecca Makonnen (2008-2012) a permis à bon nombre d’auteurs-compositeurs-interprètes comme Karkwa, Catherine Major, Ariane Moffatt, Loco Locass, Marie-Pierre Arthur, Mes Aïeux, Antoine Gratton, Yann Perreau et combien d’autres de se produire à la télévision. N’ayant jamais été en mesure de rejoindre un auditoire appréciable à cause d’une case horaire ingrate – le dimanche à 23h –, l’émission est malheureusement passée à la trappe au printemps 2012 sans jamais être remplacée.

Les grandes chaînes généralistes devraient toutes proposer une émission hebdomadaire sur la musique, que ce soit sous la forme de prestations musicales ou de magazines culturels permettant aux artistes de rencontrer leur public et de présenter leurs œuvres.

Nous nous sommes entretenus avec Philippe Renaud[1], journaliste indépendant, critique de musique, chroniqueur et coanimateur de l’émission Les hauts-parleurs à Musique Plus. Selon lui, nous serions en droit d’attendre d’une chaîne spécialisée dans la promotion de la culture comme Ici ARTV qu’elle offre au moins une émission sur la chanson québécoise.

Aussi, Philippe Renaud propose avec justesse que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) impose des quotas de chansons francophones pour les publicités diffusées au Québec. Pour se convaincre de l’effet d’une telle mesure, rappelons-nous le succès planétaire de la chanson 1234 de la chanteuse canadienne Feist qui avait prêté sa voix à une publicité de l’IPod Nano d’Apple[6], ou plus récemment, Alex Nevsky dont la campagne publicitaire de Mazda a permis aux Québécois de fredonner les paroles du succès On leur a fait croire (Himalaya mon amour, Audiogram, 2013).

 

Diversifier l’offre musicale à la radio          

À notre avis, deux raisons expliquent la trop faible diffusion des artistes québécois par les radios commerciales. D’abord, la chose a été abondamment dénoncée durant la dernière décennie dans les médias : les grandes stations privées se moquent des quotas de chansons francophones dictées par le CRTC. Pour éviter de subir de sanctions, les chaînes fautives usent souvent d’un stratagème douteux qui consiste à présenter sans interruption plusieurs chansons en anglais sous forme de montages musicaux. Ainsi présentées, ces chansons ne comptent que pour une seule pièce. En vain, les porte-paroles de l’ADISQ ont fait quelques sorties médiatiques pour dénoncer les fautifs et sensibiliser l’opinion publique au sort réservé à la chanson québécoises sur les ondes.

Ensuite, le manque de diversité de l’offre musicale constitue le deuxième et plus important problème. En syntonisant les grandes chaînes de radios privées du Québec, on remarque à quel point le contenu est uniforme, et cela, malgré les appels à l’ouverture d’artistes comme Pierre Lapointe en 2005 qui avait lancé un retentissant « Réveillez-vous, merde! » aux radios commerciales lors du Gala de l’ADISQ ou à sa dernière édition par les Sœurs Boulay au moment de recevoir leur trophée confirmant leur statut de révélation de l’année. Mis à part une certaine ouverture démontrée par Rouge FM qui héberge une section « Talents à découvrir » sur son portail internet, les colonnes du temple n’ont pas été ébranlées.

Dans ce contexte, quelle place pour les artistes québécois émergents, ou simplement ceux qui ne consentent pas à produire une pop conçue sur mesure pour la radio? Paradoxalement, quand on lui laisse la chance, le grand public est capable d’apprécier des artistes provenant de divers horizons. Rappelons-nous en 2007 le succès fulgurant de la pièce Dégénérations de Mes Aïeux que les radios refusaient de tourner avant de céder sous la pression des auditeurs?

 

Virage nécessaire pour la survie des radios

De leur côté, les stations de radios sont aussi bouleversées par le virage numérique que le sont les journaux et les autres médias d’informations dont le contenu devient rapidement périmé par la publication des informations en temps réel, en ligne et sur les chaînes de nouvelles en continue. À l’instar des grands quotidiens et leurs toujours plus nombreux chroniqueurs, pour fidéliser leurs auditoires en constante érosion, les stations de radios versent de plus en plus dans le commentaire et misent sur des animateurs-vedette. Or, comme pour les journaux, cette stratégie d’adaptation au virage numérique connait ses limites.

En effet, elle est belle et bien révolue cette époque où il fallait écouter la radio pendant des heures pour espérer entendre notre chanson préférée du moment. Désormais, pour voir un clip ou entendre une chanson, il suffit de se tourner vers Youtube ou se brancher sur un site offrant la musique en téléchargement ou écoute libre, tel Songza, Spotify, Deezer, Groovshark et bien d’autres.

Crédit: Site d'Ici Musique
Crédit: Site d’Ici Musique

À notre avis, la survie des stations commerciales passera par la diversification et la spécialisation du contenu musical offert qui ne se retrouverait pas ailleurs. Ainsi, pour demeurer pertinentes, les radios commerciales devraient prendre exemple sur Ici Musique (anciennement Espace musique) en offrant une vitrine unique aux artistes branchés, établis ou émergents qui ne se conforment pas aux diktats de la pop radiophonique. En plus des émissions dédiées au jazz, à l’opéra, la musique classique, la musique du monde et la grande chanson française, Ici Musique diffuse jour après jour des artistes québécois talentueux qui ne tournent pas ailleurs permettant ainsi d’heureuses et nombreuses découvertes. Pensons notamment à Chants libres de la grande Monique Giroux, ambassadrice passionnée et infatigable de la musique d’ici, de Plaisirs Therrien, ViaFehmiu et Circuit Makonnen, une adresse incontournable pour faire d’heureuses rencontres.

De plus, le site internet d’Ici Musique est une véritable bibliothèque musicale. Web radios thématiques pour tous les goûts, liste des chansons diffusées ajoutées tout au long de la journée, actualités musicales, sections dédiées à différents genres musicaux, albums d’artistes québécois en écoute exclusive quelques jours avant leur parution, émissions en rediffusion, etc. Le site offre une mine d’informations aux mélomanes curieux.

Crédit: Ici Musique
Crédit: Ici Musique

Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Rebecca Makonnen, animatrice à la barre de cette émission. À son avis, il ne faut pas diffuser nos artistes par compassion, mais parce qu’ils sont bons. « On a devrait réaliser tout simplement que la musique qui se fait ici, elle est bonne! On a des bons et des grands artistes. On dirait que le succès d’Arcade Fire a donné un petit coup de fierté aux gens et ce sentiment s’est un peu estompé avec le temps ». Pour mettre en valeur nos artistes, elle suggère que : «les radios commerciales devraient faire une émission spéciale par semaine sur les découvertes québécoises qui serait assorti d’un complément de contenu sur le web ». Selon le créneau de la station et le profil des auditeurs, ces émissions pourraient embrasser différents genres musicaux.

Pour une petite nation comme la nôtre, il importe qu’une plus grande solidarité anime tous les acteurs des médias pour assurer la vitalité de nos arts et notre culture. En plus de sensibiliser les grands médias sur leurs responsabilités pour faire rayonner les talents d’ici, il faut aussi s’assurer de prendre le fameux virage numérique qui bouleverse l’industrie musicale et médiatique à travers la planète. À ce sujet, la semaine prochaine, nous proposerons quelques solutions pour entrer de plein pied dans le XXIe siècle.

 

Myriam D’Arcy

 

Sur le même sujet : La culture nationale : antidote au mépris de soi (1).La culture nationale : antidote au mépris de soi (1).

 

[1] Lors du Forum sur la chanson québécoise qui s’est tenu en février 2013, Philippe Renaud a publié un portrait de la chanson québécoise fort pertinent, utile et très bien documenté qui a beaucoup alimenté notre réflexion lors de la rédaction des textes de ce dossier consacré sur le même sujet. Il se trouve en ligne ici : http://www.calq.gouv.qc.ca/publications/chanson_portraitrenaud.pdf

 

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Dévoilement de la programmation des Francofolies

Publié le Mis à jour le

Hier matin, l’équipe des FrancoFolies de Montréal a procédé au dévoilement de la programmation de sa 26e édition. Pour notre plus grand plaisir, du 12 au 22 juin, le Quartier des spectacles vibrera au rythme des artistes d’ici et d’ailleurs.

Cette année encore, l’éventail de spectacles proposés est riche et varié et devraient plaire à tous les mélomanes amoureux de la chanson francophone.

Nul autre que Louis-Jean Cormier assurera le spectacle d’ouverture qui se tiendra le jeudi 12 juin à 17h00. Ses fans seront ravis puisqu’il sera de retour lors de l’évènement de clôture, avec ses complices des Douze hommes rapaillés. En effet, c’est tout en douceur que se conclura cette édition des Franco sur les mots de Gaston Miron et la Symphonie rapaillée.

Pour ne rien manquer de la programmation extérieure (gratuite) et en salle, visitez le site des FrancoFolies à l’adresse suivante : http://www.francofolies.com/programmation/concerts-jour.aspx?dateselected=2014-05-27

Mes suggestions parmi les nombreux spectacles gratuits :

Lorraine Pintal: inspirée et inspirante

Publié le Mis à jour le

(Texte publié sur le site Plateau arts et culture le 29 mars 2014)

 

Lorsqu’elle a annoncé son intention d’être candidate pour le Parti Québécois dans la circonscription montréalaise de Verdun, j’ai applaudi à la nouvelle. Comédienne, réalisatrice, dramaturge, animatrice et gestionnaire, cette artiste pluridisciplinaire aux multiples talents est une actrice de premier plan pour le développement de la culture au Québec.

À son arrivée en poste à la direction générale du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) il y a maintenant 22 ans, les défis étaient colossaux et l’avenir de l’institution paraissait compromis. La survie du théâtre menacée par la faillite, notamment à cause du désengagement financier de l’État et la désaffection du public, Lorraine Pintal su redresser la situation. Parallèlement à son rôle de gestionnaire, durant toutes ces années, elle s’est assurée de partager son temps entre la gestion du théâtre et la direction artistique, ce qui lui a permis de ne jamais perdre la main en mettant en scène d’innombrables pièces. Aujourd’hui, son théâtre brille sur la scène montréalaise, québécoise et même à l’international.

Gestionnaire compétente et généreuse, elle a récemment accepté de s’impliquer à l’École des Hautes études commerciales (HEC) à titre de mentor afin de guider les étudiants qui souhaitent administrer des organismes culturels. Ce souci de transmettre son savoir et son expérience aux générations qui la suivent l’anime également dans son travail de metteure en scène. Aussi se fait-elle un devoir de bâtir ses distributions théâtrales en assurant une belle place aux jeunes pour leur permettre d’apprendre au contact des acteurs chevronnés. Cette formule insuffle beaucoup de dynamisme à ses productions tout en favorisant le mentorat.

Sa venue en politique est donc une excellente nouvelle pour tout le milieu culturel qui est en profonde mutation ces années-ci. Pensons notamment aux grands défis qui se posent à notre cinéma, aux artistes de la musique, au théâtre pour s’en convaincre. Oui, vraiment, cette artiste gestionnaire donne l’impression de pouvoir déplacer des montagnes.

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Crédit: Yves Renaud

 

Myriam D’Arcy – Pourquoi avez-vous décidé de faire le saut en politique?

Lorraine Pintal : Voilà plusieurs années que je rêve à faire le saut en politique. Dans ma vie de gestionnaire de théâtre, j’ai fait beaucoup de rencontres et de représentations auprès des diverses instances gouvernementales pour défendre le dossier culturel, et notamment pour défendre le caractère particulier du Théâtre du Nouveau Monde. Et donc, frayant dans ces milieux, après 22 ans à la tête d’une institution qui a acquis une grande influence culturelle, à la fois à Montréal et au Québec et on espère outre-frontières, j’ai eu envie de servir davantage de citoyens et de mettre mon expertise au service de la cause culturelle ainsi que pour les gens de Verdun.

 

Quand on parle de langue, d’économie, de développement social et communautaire… on parle de notre identité. L’identité passe par la culture et par l’expression de notre culture grâce à cette langue française qui est continuellement menacée et qu’il faut tenir à bout de bras. Je suis rendue à une étape de ma vie où j’ai besoin d’élargir mon action communautaire, sociale et politique. J’admire madame Marois et j’adhère à la plateforme de son parti. Je suis une progressiste dans l’âme et je me reconnais dans les valeurs défendues par le Parti Québécois. Je n’ai donc pas pu refuser quand on m’a offert de me porter candidate dans le comté de Verdun.

 

MDA – Selon vous, comment se porte actuellement la culture québécoise?

Lorraine Pintal : À mon avis, nous sommes un peu trop collés sur notre propre réalité pour nous en apercevoir mais quand des étrangers viennent au Québec, ils sont épatés par notre dynamisme et par la force de nos créateurs. Manifestement, ce n’est pas dans toutes les sociétés qu’il y a autant de vitalité et de diversité de talents. Nos artistes sont plein de ressources et souvent, ils sont à la fois capable de jouer, de chanter, d’animer.

Nous devons être fiers de notre langue, de notre littérature, de nos auteurs, de nos peintres, de nos danseurs, de nos chorégraphes, de notre cinéma qui voyage de mieux en mieux et qui brille sur les grandes scènes comme celles d’Hollywood. C’est ce qui fait notre force première.

 

Par contre, si la création va bien, nous vivons une crise en ce qui concerne la diffusion de nos œuvres, tant dans les salles que dans les médias. À la télévision et la radio, le temps d’antenne consacré à l’actualité culturelle et à la diffusion de notre musique, notre cinéma fond comme neige au soleil. Cette situation est grave puisque la diffusion constitue le nerf de la guerre en matière de promotion des produits culturels. Voilà pourquoi nous devons par exemple être appuyés par des quotas pour assurer la diffusion de notre culture. Heureusement, nous devons souligner l’émergence de projets porteurs comme « La Fabrique culturelle » la nouvelle plateforme web à vocation régionale mise sur pied par Télé-Québec et qui deviendra peut-être une chaîne de télévision généralisée.

 

Au cinéma, nous assistons présentement à un mouvement de solidarité des acteurs du milieu et des médias, notamment suite aux sorties de Vincent Guzzo que nous serions presque tentés de remercier! Pour mémoire, il avait déclaré que les Québécois ne souhaitent voir que des films d’action et de suspense.

 

Ses propos ont permis à tout un milieu de se regrouper autour de la nécessité de diffuser notre cinéma à plus grande échelle. Cette prise de conscience a notamment donné lieu en février 2013 à la mise sur pied d’un groupe de travail présidé par François Macerola, ancien président de la SODEC qui s’est penché sur l’avenir du cinéma québécois, en ce qui concerne le soutien à ses créateurs, son financement, sa diffusion, dans le but d’élaborer une politique du cinéma.

 

En ce qui concerne l’organisation de la culture, ces dernières années, beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce domaine. Nous avons des institutions, des organismes qui reconnaissent l’importance de la culture et qui supportent les artistes émergents. Présentement, nous sommes rendus à un grand tournant où cette culture doit être reconnue par tous et pour y arriver, nous devons travailler à informer le public sur le rôle de l’artiste dans la société.

 

MDA – Selon vous, quelle est la fonction sociale de l’artiste?

Lorraine Pintal: La plupart du temps, les artistes sont engagés dans leur société et veulent qu’elle progresse. Pour y arriver, ils tentent de la provoquer. Comme ils sont très sensibles, ils peuvent annoncer de grands mouvements, des grands changements ou tout simplement en témoigner. Voilà pourquoi l’art est essentiel au développement d’une société. Voilà aussi pourquoi les décideurs politiques ont la responsabilité d’appuyer les artistes et la diffusion de leurs œuvres de toutes les manières possibles.

 

MDA – Le 7 avril prochain, si vous êtes élue députée de Verdun et que votre parti est reporté au pouvoir, quel sera votre dossier prioritaire en matière de culture?

Lorraine Pintal : L’indépendance culturelle. Nous dépendons encore du financement fédéral, notamment du Conseil des arts du Canada et avec tout le respect que je dois à cette institution, je pense qu’il faut travailler à rapatrier au Québec les sommes versées par Ottawa en matière de culture afin que nous puissions les administrer par nous-mêmes.

Nous sommes assez adultes, assez fiers pour être en mesure de gérer ce que les citoyens nous donnent en impôts et ce qu’on veut leur redonner en matière de culture.

 

Aussi, je rêve qu’on offre aux artistes un véritable filet social. Ce serait une solution à l’appauvrissement de tous ceux qui travaillent dans l’ombre. Nous avons aussi besoin de résidences pour les artistes et de lieux de diffusions de proximité. Quand on construit un nouveau quartier, on pense à construire une école ou un parc. Il faut ajouter à cela des infrastructures culturelles telles qu’une maison de la culture ou une bibliothèque. À Verdun, il n’y a pas de Maison de la culture et c’est un de mes grands projets.

 

Finalement, au dernier Conseil national du PQ, madame Marois a annoncé sa volonté d’organiser un grand forum sur l’avenir de la culture dans le but de doter le Québec d’une nouvelle politique culturelle qui tiendra compte du financement de la culture, du nécessaire virage numérique, du soutien à la relève, de la mixité culturelle et de la viabilité de nos grandes institutions. Nous avons grand besoin de cette nouvelle politique culturelle puisque celle dont nous disposons date d’une vingtaine d’années. Elle est désuète et ne tient pas compte des réalités de notre époque. Je souhaite évidemment participer activement à ce grand projet.

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Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédits André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédits André Chevrier

Le fleurdelisé, la force d’un symbole

Publié le Mis à jour le

(Texte publié le 18 janvier 2014 sur le site Plateau arts et culture)

 

Photo prise en 1989 lors d’une marche intitulée "Ne touchez pas à la loi 101"
Photo prise en 1989 lors d’une marche intitulée « Ne touchez pas à la loi 101 »

Le 21 janvier prochain, le fleurdelisé, fêtera son 66e anniversaire. Encore méconnu des Québécois, le Jour du Drapeau est une fête mémorielle adoptée par le gouvernement du Québec en 1998 à l’occasion du 50e anniversaire du fleurdelisé.

Grâce à l’entêtement et au travail mené sans relâche par René Chaloult, député indépendant et militant nationaliste, notre drapeau fut adopté le 21 janvier 1948. En effet, c’est ce jour qu’il avait choisi pour déposer une motion enjoignant les parlementaires de l’Assemblée législative à doter l’État québécois d’un drapeau qui lui serait propre. Il fut tout juste pris de vitesse par le premier ministre Maurice Duplessis qui annonça à la Chambre que son Conseil des ministres venait d’adopter une résolution en faveur de l’adoption d’un drapeau. Peu avant 15h, le fleurdelisé fut hissé pour la première fois sur la tour du parlement à Québec. Ce drapeau remplaçait définitivement l’Union Jack et devenait officiellement le drapeau du Québec.

Le fleurdelisé est sans contredit un remarquable drapeau, qui se rapporte aux origines de la collectivité et qui est devenu un symbole de fierté identitaire transcendant les étiquettes politiques et idéologiques: il n’est la propriété de personne et doit demeurer un symbole universel qui réunit toute la nation québécoise. Cet emblème sert aussi à nous distinguer et à nous identifier de par le monde. Qui plus est, le fleurdelisé est un magnifique drapeau et nul besoin d’être chauvin pour l’affirmer : en 2001, suite à une enquête menée auprès de ses membres, l’Association des vexillologues de l’Amérique du Nord décrétait qu’il est le 3e plus beau drapeau de l’Amérique du Nord.

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Cette année, pour la deuxième fois de son histoire, le gouvernement du Québec tiendra une cérémonie protocolaire à l’Assemblée nationale pour souligner le Jour du Drapeau. De plus, sur le coup de 15h, toutes les administrations municipales et les écoles du Québec ont été invitées à rendre hommage au fleurdelisé en procédant à une levée et un Salut au drapeau.

On doit beaucoup l’organisation de cette commémoration – et d’autres comme la Fête nationale et la Journée nationale des patriotes au Mouvement national des Québécoises et des Québécois (transparence totale : j’œuvre pour cette organisation) qui place au cœur de sa mission la promotion de l’histoire, du patrimoine et de l’identité québécoises.

Chaque année, à l’occasion du Jour du Drapeau, le MNQ et ses sociétés membres organisent quelques dizaines d’événements à caractère officiel, pédagogique ou ludique sur l’ensemble du territoire québécois. Puisque la plupart des Québécois ignorent l’existence de cette journée, et ce, malgré le travail acharné de ceux qui la promeuvent, force est d’admettre qu’il reste encore du chemin à parcourir pour donner à cette journée mémorielle l’ampleur qu’elle et notre drapeau méritent. Et pour cause.

Les journées mémorielles comme le Jour du Drapeau, et de manière générale, les commémorations nationales, sont fondamentales pour une nation. La transmission d’une mémoire nationale par des manifestations favorisant le rassemblement de la nation implique une perspective d’avenir. En somme, la commémoration a pour fonction de répondre à un enjeu immédiat qui est de fédérer la nation autour de références collectives grâce au renforcement de la mémoire.

Depuis plusieurs années, le MNQ plaide pour que le gouvernement du Québec se dote d’une véritable politique de commémorations puisqu’elles travaillent à cimenter l’appartenance nationale et le sentiment identitaire québécois. En 2012, suite aux travaux réalisés par l’historien Charles-Philippe Courtois, le MNQ déposait au gouvernement une série de propositions sur le plan commémoratif.

Avec une politique de commémorations cohérente, en 2008, le gouvernement du Québec aurait pu célébrer avec plus d’ampleur et de hauteur le 400e anniversaire de la fondation de Québec et non se contenter de spectacles et de festivités sans contenu historique et commémoratif. En 2009, les seules commémorations de la Conquête de 1759 ont été organisées par le gouvernement fédéral. On se rappelle la désolante reconstitution de la Bataille des Plaines d’Abraham qui avait été annoncée par la Commission des champs de bataille nationaux, organisme relevant du gouvernement fédéral et qui avait été annulée suite à la levée de boucliers que le projet avait soulevé.

En 2013, le gouvernement du Québec aurait pu commémorer tour à tour le 350e anniversaire de l’arrivée des Filles du Roy et bien évidemment, le 250e anniversaire du Traité de Paris qui scella le sort de la Nouvelle-France et profiter de ces anniversaires pour rappeler ces moments déterminants dans l’histoire du Québec

Pour sa part, le gouvernement du Canada a bien compris l’importance des commémorations nationales. Depuis quelques années, nous faisons face à une véritable offensive du gouvernement fédéral en cette matière. Au ministère Patrimoine canadien, si on additionne les budgets alloués au « Patrimoine », soit 40,5 millions$ et celui de l’ « Appartenance au Canada », 57 millions$ prévu pour l’exercice 2013-2014, le Canada alloue plus de 97 millions$ au patrimoine, aux commémorations et autres manifestations de mémoire. Le Québec doit suivre cet exemple et investir dans des dossiers porteurs pour la mémoire et le sentiment d’appartenance nationale.

Pour un peuple, la connaissance de son passé est fondamentale pour cimenter l’identité collective puisque la mémoire est l’un des éléments qui définissent l’appartenance nationale. Pour une jeune et fragile nation comme le Québec, dont la survie n’est jamais assurée dans le temps, la transmission de la mémoire est d’autant plus importante car elle permet d’inscrire notre existence dans le passé et nous projeter vers le futur.

À ceux qui s’intéressent à l’histoire de notre drapeau et de nos emblèmes nationaux, je vous invite à lire la série de textes que l’historien Gilles Laporte leur a consacrés dans les pages du Huffington Post Québec à l’occasion du Jour du Drapeau. Ils sont tous disponibles ici.

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Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédits André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédits André Chevrier

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Éloge du « Remake »

Publié le Mis à jour le

(Texte publié le 4 janvier 2014 sur le site Plateau arts et culture)

 

L’univers de Marcel Pagnol m’enchante. Aussi, durant la période des Fêtes, j’ai vu Marius, puis Fanny, les deux très belles adaptations signées Daniel Auteuil des films du même nom réalisés au début des années 30*. En France, plusieurs critiques se sont demandés pour quelle raison Auteuil avait voulu s’attaquer à de si grandes œuvres. On l’a même accusé de s’être ridiculisé en reprenant le rôle de Raimu. D’autres ont qualifié la réalisation d’un peu statique, que les décors et le jeu des acteurs relevaient plus du théâtre que du cinéma. Pour ma part, tout comme la magnifique adaptation de La fille du puisatier (Daniel Auteuil, 2011), j’ai trouvé que le pari avait été réussi.

On peut se demander quelle est l’utilité des adaptations, des « remakes »? Trahissent-ils l’œuvre originale? Est-ce que les artistes qui les font sont paresseux et s’évitent les doutes de la création en reprenant à leur compte des œuvres qui ont déjà fait leurs preuves? Est-ce que ce sont des entreprises guidées par la nostalgie ou encore des considérations commerciales? À mon avis, la plupart du temps, il n’en est rien.

En réfléchissant à la manière dont je me suis familiarisée avec plusieurs grandes œuvres, j’ai constaté que souvent, nous arrivons aux classiques par le chemin des adaptations, des reprises. C’est évidemment le cas du théâtre, du ballet et de l’opéra où les classiques sont repris encore et encore pour leur permettre de traverser le temps et de demeurer les grandes références artistiques et culturelles qu’elles sont devenues.

C’est aussi parfois le cas pour la chanson et le cinéma quand les œuvres appartiennent à une autre époque ou qu’elles ont été oubliées. Le remake n’a pas pour vocation de remplacer l’œuvre originale mais plutôt de la faire revivre et d’amener un nouveau public à elle. En entrevue à La Presse en décembre dernier, Daniel Auteuil affirmait justement :

« J’avais envie de me replonger dans Pagnol. L’œuvre n’est plus étudiée à l’école en France. À l’étranger, les nouvelles générations en ont une connaissance plus approfondie qu’en France. Les deux films d’origine sont en noir et blanc et les bandes-son presque inécoutables. Ils n’ont pas été restaurés. J’avais envie, 80 ans après, de faire entendre ce texte comme si c’était la première fois qu’il était dit. »

Je pense à toutes ces chansons du patrimoine musical québécois que j’ai découvertes par des reprises bien faites et celles qui, je le devine, font œuvre de pédagogie auprès d’un public qui ne serait pas naturellement porté à les découvrir. C’est, il me semble, ce que Julie Snyder a notamment tenté de faire avec Star Académie. Rappelons-nous certaines chanson-thème de l’émission comme L’étoile d’Amérique de Claude Léveillée ou encore Et c’est pas fini de Stéphane Venne, sans compter toutes celles qui ont été chantées par les « académiciens ». Qu’on trouve intéressant ou non ce concours de chant populaire, il aura au moins eu la vertu de faire vivre et revivre nos chansons d’hier et d’aujourd’hui, ce qui est loin d’être négligeable.

Pensons aussi au formidable projet des Douze hommes rapaillés, deux disques mettant en musique et en chansons les poèmes de Gaston Miron. Quelle belle façon de donner une seconde vie à cette grande poésie.

Au cinéma, j’en reviens aux œuvres de Pagnol, tantôt reprises par Claude Berri, ensuite par Daniel Auteuil. Il ne s’agissait pas de copier ce qui avait été fait par Pagnol, mais plutôt de donner une seconde vie à ces pièces, ces films qui font partie du patrimoine culturel français. Au Québec, c’est ce que Charles Binamé a réalisé avec son film Séraphin, un homme et son péché, une adaptation des Belles histoires des pays d’en haut (1956-1970), téléroman tiré du roman Un homme et son péché et tous deux créés par Claude Henri Grignon. C’est aussi le cas pour l’adaptation cinématographique du roman de Gabrielle Roy, Bonheur d’occasion (1945),réalisée parClaude Fournier en 1983, et du roman Les Plouffe (Roger Lemelin, 1948) porté à l’écran par Gilles Carle en 1981.

***

Les adaptations sont aussi les bienvenues dans la gastronomie. Même si la nôtre reste encore à développer, de nombreux plats de notre enfance méritent d’être actualisés pour être transmis aux générations suivantes. Par exemple, pensons au pouding chômeur ou à la poutine, qui avec le temps, ont connu de multiples déclinaisons. Un plat actualisé permet de survivre au temps et aux modes pour demeurer dans nos habitudes culinaires. Ici, saluons le travail du chef Martin Picard avec son restaurant et sa cabane à sucre Au pied de cochon où les plats traditionnels et les produits d’ici sont mis à l’honneur. Pensons aussi à Ian Perreault et son livre Cuisine revisitée  qui présente des recettes québécoises classiques remises au goût du jour.

À l’opposée, quand une adaptation ne respecte pas l’esprit de l’œuvre originale, les résultats peuvent être fort décevants. Cet automne, malheur m’en prie d’assister à une des représentations de l’adaptation du ballet de la Belle au bois dormant des Grands ballets canadiens par Mats Ek créé en 1996 pour le Ballet de Hambourg. Le scénario avait complètement été revu. De princesse médiévale, la jeune Aurore était devenue une adolescente rebelle et toxicomane cherchant à se délivrer d’un dangereux trafiquant de drogue. Sur la magnifique musique de Tchaïkovski, le metteur en scène a collé une chorégraphie propre à la danse contemporaine, saccadée, sans synchronisme entre les danseurs et la musique, et sans la grâce des mouvements qui caractérisent habituellement le ballet classique. Loin d’être une simple adaptation, cette proposition était plutôt une déconstruction en règle de l’œuvre originale puisqu’aucune de ses conventions n’étaient respectées. À mon avis, il aurait mieux valu créer un tout nouveau ballet plutôt que d’offrir une adaptation aussi infidèle.

***

Bien sûr, certains trouveront que Daniel Auteuil ne fait pas le poids devant Raimu, que Roy Dupuis n’est pas très crédible dans le rôle d’Alexis Labranche ou que Marie-Élaine Thibert n’interpréte pas La quête de Jacques Brel avait la même fragilité, mais peu importe notre appréciation personnelle de ces reprises, force est de constater que ces œuvres vivent encore, et un peu grâce à ceux qui choisissent de les porter à nouveau.

La culture est l’âme d’un peuple, d’une civilisation. Pour assurer sa survie, elle doit se renouveler, mais aussi, elle doit se référer à ses repères.  Il ne s’agit pas bien sûr de se replier sur le folklore et de créer seulement à partir de ses références, de ses codes. Par contre, de temps à autres, il faut savoir saluer nos œuvres phares pour assurer leur passage d’une génération à l’autre.

***

En chanson, voici une liste de mes reprises québécoises préférées

* entre parenthèse interprète de la version originale

1. (Martine Saint-Clair) Ce soir l’amour est dans tes yeux par Louis-Jean Cormier à l’occasion du 25e anniversaire du Gala de l’ADISQ

2. De la série télé Les Rescapés :

• (Félix Leclerc) « Mon fils »  par Catherine Major

• (Claude Léveillée) « Ne dis rien » par Louis-Jean Cormier

• (Anne Sylvestre) « Le jour où ça craquera » par Marie-Pierre Arthur

3. (Félix Leclerc) Le tour de l’île par Karkwa dans le cadre de l’album Hommage à Félix Leclerc, (Tacca Musique, 2008)

4. (Claude Dubois) Si Dieu existe par Céline Dion sur l’album Duos Dubois (Zone 3, 2007).

5. (Jacques Brel) La chanson des vieux amants par Claude Léveillé et Diane Dufresne lors du Festival d’été de Québec de 2003 à l’occasion du 25e anniversaire de décès de Jacques Brel

6. (Félix Leclerc) « Chant d’un patriote » par Daniel Boucher à l’occasion d’un spectacle hommage à Félix Leclerc (Le 08-08-88 à 8h08, GSI, 2000)

7. (Serge Fiori) 100 000 raisons par Mes Aïeux (Fiori un musicien parmi les autres, 2006)

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Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédits André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédits André Chevrier