Orchestre métropolitain
Le Stabat Mater de Dvorak à la Maison symphonique: la suite
Dimanche dernier, j’ai assisté à un concert rarissime, le Stabat Mater de Dvorak (1841-1904), comme je l’ai annoncé dans mon précédent billet. L’évènement était dirigé par maestro Yannick Nézet-Séguin de l’Orchestre et du Chœur Métropolitain.
La salle était pleine à craquer. Avant le début du concert, Yannick Nézet-Séguin s’est adressé à l’auditoire pour nous expliquer la pertinence de monter cette pièce de musique sacrée en ce dimanche des Rameaux. Il nous a avoué n’avoir jamais eu la chance de chanter le Stabat Mater lorsque, plus jeune, il était choriste et qu’il en rêvait. Il s’est dit privilégié de pouvoir maintenant le diriger.
D’abord un changement dans la distribution : le ténor américain Garrett Sorenson est venu remplacer celui prévu initialement.
L’œuvre est dense, lourde, progressant très lentement vers un dernier mouvement plus éclaté. La musique exprime bien toute la douleur, la tristesse et les pleurs omniprésents dans le texte. Stabat Mater veut dire littéralement «Se tenant debout, Mère », faisant référence à la Vierge Marie accompagnant son fils vers la mort au pied de la croix.
D’abord, félicitations à l’orchestre et à son chef pour la qualité de l’interprétation. Les accents, souvent cuivrés, viennent admirablement ponctuer, de façon éphémère et marquante, de longues phrases mélodiques que se partagent l’orchestre et le chœur.
J’ai adoré le premier mouvement avec ses descentes chromatiques qui se chevauchent, se répètent et se transfèrent d’un groupe d’instruments à l’autre. L’entrée du chœur à l’unisson, pendant plusieurs mesures avant de se diviser, produit un effet assez saisissant.
La troisième section pour chœur est remplie de tendresse et d’émotions. Ça se déguste les yeux fermés.
La soprano, Layla Claire, a une superbe voix puissante, juste, précise dont elle se sert à merveille, en particulier dans les sections 8 et 10. C’est la soliste qui tire le mieux son épingle du jeu.
J’ai bien aimé aussi la mezzo-soprano, Karen Cargill, pour sa voix riche et chaude. Elle excelle autant dans son solo du neuvième mouvement que dans les quatuors alors que sa voix se mêle harmonieusement avec celles des autres solistes.
Le chœur est à son apogée dans le dernier mouvement où tous entrevoient la gloire du paradis. Le Amen final est interprété avec énergie et toute la fougue du renouveau qu’on peut imaginer. Les pupitres masculins se démarquent davantage par la justesse et la précision de leurs interventions.
Je fais maintenant partie des initiés qui ont déjà entendu et apprécié le Stabat Mater de Dvorak!
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Ce concert a été enregistré et sera rediffusé sur les ondes d’Ici Musique, (100,7 FM) le 1er avril prochain dans le cadre de l’émission Soirées classiques animée par Mario F. Paquet. Si vous n’avez pas pu être des nôtres dimanche, ne manquez pas cette occasion!
Marco Fortier

Yannick Nézet-Séguin de retour à Montréal pour diriger le Stabat Mater de Dvorak (1)
Dimanche 29 mars à 15 heures, Yannick Nézet-Séguin dirigera l’Orchestre et le Chœur Métropolitain à la Maison Symphonique de Montréal. Il interprétera le Stabat Mater d’Antonin Dvorak (1841-1904) accompagné de quatre solistes et du chœur de l’orchestre métropolitain:

Source : Orchestre Métropolitain
- Layla Claire, soprano (Canada)
- Karen Cargill, mezzo-soprano (Écosse)
- Brandon Jovanovich, ténor (USA)
- John Relyea, basse (USA)
- Pierre Tourville, Chef de choeur (Québec)
- François Ouimet, Chef de choeur (Québec)
Antonin Dvorak est un des grands compositeurs de la République Tchèque. Son portefeuille comprend 9 symphonies. La neuvième est la célèbre Symphonie du Nouveau-Monde, six grandes œuvres chorales dont le Stabat Mater, des concertos tels que le magnifique concerto pour violoncelle, de la musique de chambre et même 4 opéras. Le plus connu est Rusalka.
Le Stabat Mater est une œuvre de musique sacrée d’environ 90 minutes, écrite en 1876-77 suite au décès des deux enfants du compositeur. Cette pièce de musique chorale comprend 10 sections et le chœur intervient dans 7 d’entre elles. C’est donc une œuvre importante du répertoire de chant choral. Et pourtant, elle est rarement présentée. Malgré ma grande expérience de musique pour chœur, je n’ai encore jamais eu la chance de l’entendre. J’ai bien hâte à dimanche pour corriger cette lacune.
10 Sections:
1- Quatuor et chœur: Stabat Mater dolorosa (Andante con moto)
2- Quatuor: Quis est homo, qui non fleret (Andante sostenuto)
3- Chœur: Eja, Mater, fons amoris (Andante con moto)
4- Basse solo et Chœur: Fac, ut ardeat cor meum (Andante con moto quasi allegretto)
5- Chœur: Tui nati vulnerati (Andante con moto)
6- Ténor solo et chœur: Fac me vere tecum elere (Andante con moto)
7- Chœur: Virgo virginum praeclara (Largo)
8- Duo Alto: Fac, ut portem Christi mortem (Larghetto)
9- Alto solo: Inflammatus et accensus (Andante maestoso)
10- Quatuor et Chœur: Quandus corpus morietur (Andante con moto)
Je me suis entretenu avec Pierre Tourville, un des deux chefs de chœur de l’Orchestre Métropolitain. Il partage son historique ainsi que celui du chœur, et nous donne un avant-goût de ce que l’on pourra entendre lors du concert.

Source : Orchestre Métropolitain
M.F. : Pourriez-vous me raconter brièvement votre parcours musical ?
P.T. : Je suis né au Cap de la Madeleine et j’ai étudié l’alto au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, ensuite au Conservatoire de Musique de Montréal et finalement au New England Conservatory de Boston. Je suis musicien, altiste, dans l’Orchestre Métropolitain depuis 2002. À peu près en même temps, j’ai commencé à être responsable du Chœur de l’OM.
M.F. : Dites-moi quelques mots sur le Chœur.
P.T. : Le Chœur va fêter son trentième anniversaire l’an prochain durant la saison 2015-2016. Il a été fondé par Agnes Grossmann, qui était la directrice artistique de l’OM à ce moment là. Elle a toujours baigné dans la musique chorale car son père, à l’époque, dirigeait les Petits Chanteurs de Vienne. Elle désirait ajouter à l’OM un chœur de haut niveau qui pourrait interpréter les grandes œuvres du répertoire. Depuis ce temps là, le Chœur contribue annuellement à la programmation de l’OM.
Le noyau principal du chœur est composé d’environ une centaine de choristes amateurs de haut calibre, des gens qui lisent la musique, ont eu une formation musicale et ont déjà chanté dans d’autres chœurs. Un petit groupe de 25 chanteurs professionnels vient enrichir la qualité sonore du chœur.
Le répertoire est varié. Il inclut de la musique sacrée et profane. Dans le passé, on a très souvent interprété la neuvième symphonie de Beethoven. Il va de la musique baroque, par exemple Jean-Sébastien Bach, à la musique contemporaine. Lors de notre dernier concert de Noël, on a présenté deux créations de jeunes compositeurs.
À l’origine, le chœur ne chantait qu’avec l’OM. Depuis peu, on a décidé de varier cette formule et maintenant, surtout dans le temps des fêtes, le chœur a son propre concert, sans l’orchestre. Ça nous permet de travailler ensemble de façon plus régulière et d’assurer une continuité dans les activités du chœur.
M.F. : J’ai remarqué que vous étiez deux chefs de chœur, ce qui est assez inhabituel. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?
P.T. : Oui, je partage la responsabilité du chœur avec un autre chef, François Ouimet. Au départ, ceci venait nous aider dans la logistique et principalement la gestion des horaires très chargés de chacun. Par la suite, ça s’est transformé en réel travail d’équipe et on mise sur les forces de chacun pour le plus grand plaisir des choristes. De plus, c’est une très bonne pratique pour les membres du chœur qui doivent rapidement s’adapter à différents chefs d’orchestre lors des concerts.
M.F. : Pourquoi le Stabat Mater est rarement présenté?
P.T. : C’est une bonne question. En général, Dvorak n’est pas parmi les compositeurs extrêmement visités et pourtant il a été très prolifique. Il a écrit des opéras, une superbe messe, par exemple. C’est difficile à expliquer. Le Stabat Mater est une œuvre splendide qui, en plus, n’est pas particulièrement difficile à chanter pour le chœur. On peut davantage travailler sur la qualité sonore plutôt que sur les difficultés techniques. C’est certainement une question que le public va aussi se poser.
MF : En quelques mots, comment décririez-vous l’œuvre?
P.T. : Grandiose, méditative, nostalgique, avec une grande tristesse. Dvorak a écrit cette pièce suite au décès de ses deux enfants. On y retrouve un mélange de drame et d’espoir à la fois. L’œuvre ne se livre pas d’elle même, elle a besoin d’interprétation, pour en faire ressortir toutes les couleurs. C’est une musique assez lente en général. Quand on y met toute la dévotion nécessaire, c’est une merveille, un chef d’œuvre.
Le Stabat Mater s’écoute très facilement, car les mêmes thèmes reviennent régulièrement, dans chaque mouvement. On peut se laisser emporter sans s’y perdre. La beauté des thèmes nous amène ailleurs.
À noter aussi que les 4 solistes ont chacun leur mouvement à eux, et ce sont pratiquement des airs d’opéra, qui peuvent avoir une certaine familiarité avec l’air à la lune dans l’opéra Rusalka.
M.F. : Quel est le prochain concert du chœur ?
P.T. : Cet été au festival de Lanaudière, on va chanter la troisième messe en fa mineur d’Anton Bruchner (1824-1896)
M.F.: Merci!
Le Stabat Mater sera présenté à la Maison Symphonique ce dimanche 29 mars 2015 à 15 heures. Il ne reste pas beaucoup de billets. Vous pouvez acheter vos billets ici. Le concert sera également rediffusé sur les ondes d’Ici Musique le 1er avril prochain dans le cadre de l’émission Soirées classiques animée par Mario F. Paquet.
Bientôt à venir: ma recension critique du concert.
Marco Fortier
