Marco Fortier
Ouverture de la 14e édition du festival Jamais LU!
Rencontre Marcelle Dubois, fondatrice
Par Marco Fortier
Du 1er au 9 mai prochain se tiendra l’édition 2015 du Festival Jamais LU, formidable évènement permettant la rencontre du public et passionnés de théâtre avec des auteurs qui présentent leurs textes tout juste achevés.
À l’occasion de la conférence de presse du dévoilement de la programmation qui s’est récemment tenue au Théâtre aux Écuries, je me suis entretenu avec madame Marcelle Dubois, fondatrice, mais aussi directrice générale et artistique du Festival du Jamais LU. Toujours radieuse, Marcelle Dubois est passionnée par son travail et intarissable sur le sujet. Elle vient tout juste de se voir décerner le Prix Sentinelle 2015 par le Conseil québécois du théâtre, qui souligne le travail de membres d’équipe de gestion et d’administration de théâtres pour leur contribution à l’épanouissement de la dramaturgie québécoise.
MF : D’abord, toutes mes félicitations! Qu’est-ce que ce prix représente pour toi ?
MD : Ce prix reconnaît le développement exponentiel des activités du Festival du Jamais LU au cours des dernières années. Ce qui me touche personnellement c’est de penser qu’en 14 ans on a pu faire émerger la place de l’auteur dans le milieu culturel. Sa parole est davantage reconnue comme un acte fondateur d’une communication avec le public.
MF : Pour le bénéfice de nos lecteurs, raconte-nous ton parcours professionnel et ce qui t’a amené à faire du théâtre.
MD : Je suis originaire du Témiscamingue. J’avais autour de 13 ans quand je suis arrivée à Montréal. J’ai fait un certificat à l’UQAM en création littéraire et j’ai beaucoup aimé les cours sur la recherche, la réflexion et la psychologie de la création. J’ai réalisé que je voulais écrire, bâtir des univers et des espaces de prise de parole. En 2000, j’ai fondé ma compagnie Porteuses d’aromates. J’ai écrit et mis en scène mon premier texte « En vie de femmes » en 2001. C’était pour moi, une production école, avec toute la fraicheur d’un premier texte et tous les défauts associés à l’apprentissage.

Source et crédit photo: Emmanuelle Lussiez
MF : Dans quel contexte est né le Festival du Jamais LU?
MD : À ce moment là, je travaillais comme serveuse au Café l’Aparté situé juste en face de l’École Nationale de Théâtre. C’était le repère des Falardeau, Luc Picard, Les Zapartistes, et Le Théâtre de la Pire Espèce. C’était un tel vivier, tellement électrisant. On y a créé le premier Festival du Jamais LU, il y a 14 ans.
MF : Comment le Festival du Jamais LU a évolué au fil des ans ?
MD : Le festival est né d’un désir de s’entendre entre auteurs et de se faire entendre auprès des professionnels et des institutions. Il y a 15 ans, il n’y avait pas beaucoup d’ouverture envers les artistes de la relève. Il a donc fallu prendre notre place. Aujourd’hui, le festival demeure une vitrine pour les auteurs. On travaille toujours avec la jeune génération, on cherche à découvrir de nouveaux talents et on prend des risques. Avec le temps, c’est aussi devenu un échange avec les personnes qui s’intéressent de plus en plus à notre événement et à l’art littéraire théâtral. C’est une façon unique de développer un lien privilégié et direct entre l’auteur et le public.
MF : Pourquoi, depuis trois ans, demander à un artiste différent d’assumer avec toi la direction artistique du festival?
MD : C’est venu d’une nécessité, car, en 2012, j’ai dû prendre un congé de maternité pour donner naissance à un garçon en avril, à peine un mois avant le début du onzième festival. J’ai donc invité Jean-François Nadeau à se joindre à moi en septembre et à contribuer dès le départ. C’était agréable de faire côtoyer des visions complémentaires. Même si je continue d’établir la ligne directrice, j’aime bien me faire provoquer ou lancer des défis qui m’amènent plus loin que si j’y étais allée toute seule. J’avais aussi envie d’agir comme incubateur de direction artistique et d’offrir des opportunités à des gens qui ont le talent requis pour le faire.
Cette année, je travaille avec Justin Laramée. En plus d’être un auteur que j’aime bien, et une personne passionnée qui a une vision, il assure la direction éditoriale de la nouvelle collection Pièces d’Atelier 10. Nous avons une appartenance d’esprit avec Atelier 10 et j’avais le goût de m’associer avec eux.
MF : La programmation 2015 est très intéressante. Veux-tu nous en dire quelques mots ?
MD : La ligne éditoriale est S’appartenir. Quand on prépare la programmation, on n’essaie pas de faire coller des textes à une thématique prédéterminée. On choisit d’abord les coups de cœur, parmi les 200 et plus propositions que nous avons reçues cette année, et on en déduit une thématique qui les unit. C’est fascinant de voir à quel point les auteurs sont des porte-paroles de l’air du temps. Le thème s’appartenir s’est imposé de lui-même car il était au centre de tous les projets qui nous avaient parlé. Les histoires sont différentes, les styles d’écriture sont multiples, mais la préoccupation d’appartenance, que ce soit comme individu, comme communauté, comme société, comme culture, elle est clairement présente. Par exemple, Le repeuplement des racines familiales est un texte assez acide de Maxime Carbonneau. Sans être engagé au sens premier du terme, il touche clairement à la notion d’appartenance. Une famille demande à un voisin de venir jouer le personnage d’un des leurs, un différent chaque jour, et évalue s’il est meilleur qu’eux dans leur propre rôle. Ça traduit bien l’importance du paraître dans notre société en opposition avec qui nous sommes en réalité.

Source : Emmanuelle Lussiez
Crédit photo : David Ospina
Aussi, Comment frencher un fonctionnaire sans le fatiguer d’un collectif d’auteurs (les poids plumes) de l’Outaouais. Ça fait 10 ans qu’on invite des écrivains franco-canadiens au festival. Au début, on les cherchait. Maintenant on sent une nouvelle génération poindre, un regain de culture francophone dans ces régions, une affirmation forte et animée.
On accueille aussi une auteure française, Natalie Filion, qui viendra nous présenter son texte Spirit, qui est un dialogue intemporel entre des jeunes femmes contemporaines, colorées et pétillantes à Paris, et des fantômes des maîtresses de Lénine alors qu’il était en exil en France. Elles vont parler de la place des femmes dans l’histoire et des ambitions des femmes de notre génération.
MF : Que peux-tu nous dire sur ton plus récent projet, Habiter les terres, qui sera présenté dans le cadre du festival?
MD : C’est un texte sur lequel je travaille depuis trois ans avec le Théâtre du Tandem à Rouyn-Noranda, où je suis allée faire une résidence de création. J’avais envie de faire un travail anthropologique et d’aller voir les gens que je continue d’appeler les miens même si ça fait longtemps que je vis à Montréal. J’ai l’impression que mon ADN, mon imaginaire, sont modelés par ces gens là, ces paysages impossibles, cette ruralité très rude et en même temps magnifique. Quels sont les enjeux actuels de ceux qui décident d’y rester? J’y ai découvert des gens qui font vivre le mot pays au quotidien, des personnes qui ont été envoyées là, il y a 80-90 ans, c’est une région toute jeune. Plusieurs sont de vrais résistants, car ils sont constamment menacés de la fermeture de leur village, de la route qui les relie aux communautés voisines.
En utilisant la magie de l’écriture qui vient combler les trous de la réalité, j’ai écrit comme une fable où les gens pour se faire entendre vont kidnapper un ministre. C’est une pièce sur la ruralité mais aussi beaucoup sur les contre-pouvoirs. La question est très d’actualité avec ce qu’on voit au téléjournal ces temps-ci. Jusqu’où peut-on perturber l’ordre social pour faire entendre une cause noble ? Et à partir de quel moment on devient des terroristes et que notre fin n’est plus juste parce que nos actions ont dépassé les limites acceptées de l’ordre social ? Comment on arrive à se faire entendre pour vrai comme citoyen face au pouvoir ?
MF : Merci et bon festival !
Pour en savoir plus sur la programmation, visitez le site officiel du festival.
Marco Fortier

Le Stabat Mater de Dvorak à la Maison symphonique: la suite
Dimanche dernier, j’ai assisté à un concert rarissime, le Stabat Mater de Dvorak (1841-1904), comme je l’ai annoncé dans mon précédent billet. L’évènement était dirigé par maestro Yannick Nézet-Séguin de l’Orchestre et du Chœur Métropolitain.
La salle était pleine à craquer. Avant le début du concert, Yannick Nézet-Séguin s’est adressé à l’auditoire pour nous expliquer la pertinence de monter cette pièce de musique sacrée en ce dimanche des Rameaux. Il nous a avoué n’avoir jamais eu la chance de chanter le Stabat Mater lorsque, plus jeune, il était choriste et qu’il en rêvait. Il s’est dit privilégié de pouvoir maintenant le diriger.
D’abord un changement dans la distribution : le ténor américain Garrett Sorenson est venu remplacer celui prévu initialement.
L’œuvre est dense, lourde, progressant très lentement vers un dernier mouvement plus éclaté. La musique exprime bien toute la douleur, la tristesse et les pleurs omniprésents dans le texte. Stabat Mater veut dire littéralement «Se tenant debout, Mère », faisant référence à la Vierge Marie accompagnant son fils vers la mort au pied de la croix.
D’abord, félicitations à l’orchestre et à son chef pour la qualité de l’interprétation. Les accents, souvent cuivrés, viennent admirablement ponctuer, de façon éphémère et marquante, de longues phrases mélodiques que se partagent l’orchestre et le chœur.
J’ai adoré le premier mouvement avec ses descentes chromatiques qui se chevauchent, se répètent et se transfèrent d’un groupe d’instruments à l’autre. L’entrée du chœur à l’unisson, pendant plusieurs mesures avant de se diviser, produit un effet assez saisissant.
La troisième section pour chœur est remplie de tendresse et d’émotions. Ça se déguste les yeux fermés.
La soprano, Layla Claire, a une superbe voix puissante, juste, précise dont elle se sert à merveille, en particulier dans les sections 8 et 10. C’est la soliste qui tire le mieux son épingle du jeu.
J’ai bien aimé aussi la mezzo-soprano, Karen Cargill, pour sa voix riche et chaude. Elle excelle autant dans son solo du neuvième mouvement que dans les quatuors alors que sa voix se mêle harmonieusement avec celles des autres solistes.
Le chœur est à son apogée dans le dernier mouvement où tous entrevoient la gloire du paradis. Le Amen final est interprété avec énergie et toute la fougue du renouveau qu’on peut imaginer. Les pupitres masculins se démarquent davantage par la justesse et la précision de leurs interventions.
Je fais maintenant partie des initiés qui ont déjà entendu et apprécié le Stabat Mater de Dvorak!
***
Ce concert a été enregistré et sera rediffusé sur les ondes d’Ici Musique, (100,7 FM) le 1er avril prochain dans le cadre de l’émission Soirées classiques animée par Mario F. Paquet. Si vous n’avez pas pu être des nôtres dimanche, ne manquez pas cette occasion!
Marco Fortier

Yannick Nézet-Séguin de retour à Montréal pour diriger le Stabat Mater de Dvorak (1)
Dimanche 29 mars à 15 heures, Yannick Nézet-Séguin dirigera l’Orchestre et le Chœur Métropolitain à la Maison Symphonique de Montréal. Il interprétera le Stabat Mater d’Antonin Dvorak (1841-1904) accompagné de quatre solistes et du chœur de l’orchestre métropolitain:

Source : Orchestre Métropolitain
- Layla Claire, soprano (Canada)
- Karen Cargill, mezzo-soprano (Écosse)
- Brandon Jovanovich, ténor (USA)
- John Relyea, basse (USA)
- Pierre Tourville, Chef de choeur (Québec)
- François Ouimet, Chef de choeur (Québec)
Antonin Dvorak est un des grands compositeurs de la République Tchèque. Son portefeuille comprend 9 symphonies. La neuvième est la célèbre Symphonie du Nouveau-Monde, six grandes œuvres chorales dont le Stabat Mater, des concertos tels que le magnifique concerto pour violoncelle, de la musique de chambre et même 4 opéras. Le plus connu est Rusalka.
Le Stabat Mater est une œuvre de musique sacrée d’environ 90 minutes, écrite en 1876-77 suite au décès des deux enfants du compositeur. Cette pièce de musique chorale comprend 10 sections et le chœur intervient dans 7 d’entre elles. C’est donc une œuvre importante du répertoire de chant choral. Et pourtant, elle est rarement présentée. Malgré ma grande expérience de musique pour chœur, je n’ai encore jamais eu la chance de l’entendre. J’ai bien hâte à dimanche pour corriger cette lacune.
10 Sections:
1- Quatuor et chœur: Stabat Mater dolorosa (Andante con moto)
2- Quatuor: Quis est homo, qui non fleret (Andante sostenuto)
3- Chœur: Eja, Mater, fons amoris (Andante con moto)
4- Basse solo et Chœur: Fac, ut ardeat cor meum (Andante con moto quasi allegretto)
5- Chœur: Tui nati vulnerati (Andante con moto)
6- Ténor solo et chœur: Fac me vere tecum elere (Andante con moto)
7- Chœur: Virgo virginum praeclara (Largo)
8- Duo Alto: Fac, ut portem Christi mortem (Larghetto)
9- Alto solo: Inflammatus et accensus (Andante maestoso)
10- Quatuor et Chœur: Quandus corpus morietur (Andante con moto)
Je me suis entretenu avec Pierre Tourville, un des deux chefs de chœur de l’Orchestre Métropolitain. Il partage son historique ainsi que celui du chœur, et nous donne un avant-goût de ce que l’on pourra entendre lors du concert.

Source : Orchestre Métropolitain
M.F. : Pourriez-vous me raconter brièvement votre parcours musical ?
P.T. : Je suis né au Cap de la Madeleine et j’ai étudié l’alto au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, ensuite au Conservatoire de Musique de Montréal et finalement au New England Conservatory de Boston. Je suis musicien, altiste, dans l’Orchestre Métropolitain depuis 2002. À peu près en même temps, j’ai commencé à être responsable du Chœur de l’OM.
M.F. : Dites-moi quelques mots sur le Chœur.
P.T. : Le Chœur va fêter son trentième anniversaire l’an prochain durant la saison 2015-2016. Il a été fondé par Agnes Grossmann, qui était la directrice artistique de l’OM à ce moment là. Elle a toujours baigné dans la musique chorale car son père, à l’époque, dirigeait les Petits Chanteurs de Vienne. Elle désirait ajouter à l’OM un chœur de haut niveau qui pourrait interpréter les grandes œuvres du répertoire. Depuis ce temps là, le Chœur contribue annuellement à la programmation de l’OM.
Le noyau principal du chœur est composé d’environ une centaine de choristes amateurs de haut calibre, des gens qui lisent la musique, ont eu une formation musicale et ont déjà chanté dans d’autres chœurs. Un petit groupe de 25 chanteurs professionnels vient enrichir la qualité sonore du chœur.
Le répertoire est varié. Il inclut de la musique sacrée et profane. Dans le passé, on a très souvent interprété la neuvième symphonie de Beethoven. Il va de la musique baroque, par exemple Jean-Sébastien Bach, à la musique contemporaine. Lors de notre dernier concert de Noël, on a présenté deux créations de jeunes compositeurs.
À l’origine, le chœur ne chantait qu’avec l’OM. Depuis peu, on a décidé de varier cette formule et maintenant, surtout dans le temps des fêtes, le chœur a son propre concert, sans l’orchestre. Ça nous permet de travailler ensemble de façon plus régulière et d’assurer une continuité dans les activités du chœur.
M.F. : J’ai remarqué que vous étiez deux chefs de chœur, ce qui est assez inhabituel. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?
P.T. : Oui, je partage la responsabilité du chœur avec un autre chef, François Ouimet. Au départ, ceci venait nous aider dans la logistique et principalement la gestion des horaires très chargés de chacun. Par la suite, ça s’est transformé en réel travail d’équipe et on mise sur les forces de chacun pour le plus grand plaisir des choristes. De plus, c’est une très bonne pratique pour les membres du chœur qui doivent rapidement s’adapter à différents chefs d’orchestre lors des concerts.
M.F. : Pourquoi le Stabat Mater est rarement présenté?
P.T. : C’est une bonne question. En général, Dvorak n’est pas parmi les compositeurs extrêmement visités et pourtant il a été très prolifique. Il a écrit des opéras, une superbe messe, par exemple. C’est difficile à expliquer. Le Stabat Mater est une œuvre splendide qui, en plus, n’est pas particulièrement difficile à chanter pour le chœur. On peut davantage travailler sur la qualité sonore plutôt que sur les difficultés techniques. C’est certainement une question que le public va aussi se poser.
MF : En quelques mots, comment décririez-vous l’œuvre?
P.T. : Grandiose, méditative, nostalgique, avec une grande tristesse. Dvorak a écrit cette pièce suite au décès de ses deux enfants. On y retrouve un mélange de drame et d’espoir à la fois. L’œuvre ne se livre pas d’elle même, elle a besoin d’interprétation, pour en faire ressortir toutes les couleurs. C’est une musique assez lente en général. Quand on y met toute la dévotion nécessaire, c’est une merveille, un chef d’œuvre.
Le Stabat Mater s’écoute très facilement, car les mêmes thèmes reviennent régulièrement, dans chaque mouvement. On peut se laisser emporter sans s’y perdre. La beauté des thèmes nous amène ailleurs.
À noter aussi que les 4 solistes ont chacun leur mouvement à eux, et ce sont pratiquement des airs d’opéra, qui peuvent avoir une certaine familiarité avec l’air à la lune dans l’opéra Rusalka.
M.F. : Quel est le prochain concert du chœur ?
P.T. : Cet été au festival de Lanaudière, on va chanter la troisième messe en fa mineur d’Anton Bruchner (1824-1896)
M.F.: Merci!
Le Stabat Mater sera présenté à la Maison Symphonique ce dimanche 29 mars 2015 à 15 heures. Il ne reste pas beaucoup de billets. Vous pouvez acheter vos billets ici. Le concert sera également rediffusé sur les ondes d’Ici Musique le 1er avril prochain dans le cadre de l’émission Soirées classiques animée par Mario F. Paquet.
Bientôt à venir: ma recension critique du concert.
Marco Fortier

Dans la lentille de Benoit Aquin: exposition sur Lac-Mégantic au Musée des beaux-arts de Montréal

Nous nous souvenons tous des tragiques évènements qui se sont déroulés dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013, lorsqu’un convoi ferroviaire sans conducteur, chargé de pétrole brut léger a déraillé et explosé au centre-ville de Lac-Mégantic. Il s’en est suivi un violent incendie qui a ravagé le cœur de la ville. Le bilan humain et environnemental est lourd : près de six millions de litres de pétrole déversés ont contaminé le sol et la rivière Chaudière. Les Méganticois pleurent quarante-sept des leurs et plusieurs jours sont nécessaires pour identifier tous les disparus. Les jours suivants, le monde entier a été témoin de cette tragédie, la plus grave du genre à survenir en Amérique du Nord.
Du 18 février au 24 mai 2015, le Musée des beaux-arts de Montréal présente Benoit Aquin : Mégantic photographié. L’exposition est composée de près de 40 photographies alignées horizontalement sur trois des murs, se chevauchant à la manière d’une fresque. Sur le 4e mur, une seule photo montre des débris tordus, calcinés et méconnaissables. Ces photos, il faut les regarder de près et de loin pour en saisir toute l’intensité. Suite à ma visite de l’exposition, l’artiste et photographe Benoit Aquin a généreusement accepté de m’accorder une entrevue.

Crédit : Sébastien Roy
Source : Musée des beaux arts de Montréal
Né à Montréal en 1963, Benoit Aquin a étudié à la New England School of Photography de Boston. Depuis 2002, son travail est à la fois journalistique et artistique puisqu’il s’intéresse aux catastrophes naturelles et environnementales. Depuis, il a exposé ses œuvres portant sur de nombreux évènements qui ont tristement marqué le monde : en 2004, il s’est rendu en Indonésie pour réaliser une série de photos intitulées Tsunami; en 2005 il a voulu témoigner du réchauffement climatique du Grand Nord québécois; en 2007, il s’est intéressé à la crise alimentaire en Égypte; en 2008, il a gagné le Prix Pictet pour son exposition Chinese Dust Bowl; en 2010, il s’est aussi rendu en Haïti suite au tremblement de terre . À chaque fois, il en a résulté une série de photos autant saisissantes que marquantes.
Finalement, c’est en 2013 qu’il a décidé de plonger profondément dans la tragédie qui a secoué Lac-Mégantic et le Québec tout entier. Benoit Aquin est l’un des rares photographes ayant eu accès à la zone rouge de Lac-Mégantic et il s’y est rendu à plusieurs reprises suite aux évènements pour photographier les lieux. D’ailleurs, fait remarquable, The Gardian a identifié la photographie Zone d’exclusion(2), issue de cette exposition, comme l’une des quinze meilleures images des Rencontres d’Arles de 2014.
À mon avis, les photos de cette exposition appartiennent à trois catégories, que je qualifie ainsi : 1) les photos « Coups de poing » qui sont lourdes, sombres, choquantes. Elles nous remémorent l’intensité du drame et ravivent en nous les émotions de colère ressenties en 2013. Par la suite, celles que j’ai nommées « Coups de gueule » puisqu’elles me semblent plus descriptives que les précédentes. Toutes aussi percutantes, elles nous racontent l’éveil après la catastrophe, le constat des dégâts, le besoin de reconstruire… le chemin de fer. Finalement, les photos « Coups de cœur », celles qui expriment la beauté malgré le drame et l’espoir qui renaît.

Crédit : Benoit Aquin.
Source : Musée des beaux-arts de Montréal
M.F.: Quelles ont été vos motivations personnelles pour vous intéresser aux causes environnementales et aux catastrophes naturelles ?
BA : Les enjeux environnementaux sont au centre de mes préoccupations d’artiste depuis longtemps. C’est toujours la relation que nous avons avec notre environnement, social et écologique, que je trouve intéressant.
MF : Qu’est-ce qu’on ressent quand on est sur les sites de ces catastrophes ? Et est-ce qu’on s’y habitue ?
BA : C’est difficile à exprimer. La photographie me permet d’avoir un certain recul. Ce sont quand même toujours des moments très intenses. Je trouve frustrant de voir comment on traite notre rapport à la terre, à l’environnement et notre rapport aux autres. Ce sont souvent des souffrances qui pourraient être évitées. Je ressens une certaine désolation. Non, on ne s’habitue pas. C’est choquant à chaque fois.
MF : Quels sont les points communs entre la tragédie de Lac-Mégantic et les autres que vous avez photographiées ?
BA : Les catastrophes auxquelles je me suis intéressé étaient causées par les humains, sauf pour le tsunami en Asie et le tremblement de terre en Haïti. Je m’intéresse à ces sujets comme démonstration du temps qui passe sur notre civilisation. Mon travail est une tentative pour provoquer une réflexion sur l’existence. Je ne cherche pas à tomber dans le « pathos ». Je me vois davantage comme un observateur et un recueillant de pièces archéologiques.
MF : Comme québécois, est-ce que le regard sur la tragédie de Lac-Mégantic était différent de celui des autres événements ?
BA : Je l’ignore…. Probablement. J’essaie quand même de travailler avec la même rigueur et le même professionnalisme. C’est certain que les contacts sont plus faciles quand on parle la même langue. Ça m’a permis de travailler plus intensément, sur une période d’un an et de faire 15 à 20 voyages sur le site.
MF : Dans l’exposition, il y a une quarantaine de photographies qui sont certainement une sélection parmi un plus grand nombre. Combien y en avait-il au total et comment les avez-vous sélectionnées ?
BA : Je n’ai pas comptabilisé la quantité de photos mais ce sont des milliers. La sélection se fait sur une longue période. On doit vivre avec les images. C’est un processus qui prend du temps. Ça ne sert à rien de le bousculer. À la prise de vue, le travail est plus intuitif, par la suite il devient plus cérébral. Pour le projet Mégantic, l’utilisation du « flash » a unifié beaucoup le travail. Le « flash » est devenu métaphorique avec le temps. C’est un peu comme si j’avais éclairé ce qu’on nous cachait, ce qui était dans l’ombre. Longtemps j’ai pensé qu’on a tout fait pour que Lac-Mégantic ne devienne pas un martyr industriel.
MF : Est-ce que parmi les 40 photos de l’exposition, vous en avez une préférée ou une plus précieuse que les autres ?
BA : Non, pas vraiment, non, non. Ça change selon nos émotions. Ça varie. Il y en a toujours plusieurs qu’on aime.

Crédit : Benoit Aquin.
Source : Musée des beaux-arts de Montréal
MF : Quand vous avez photographié l’homme souriant tenant une fleur blanche, qu’aviez-vous en tête ? Est-ce que la photo était mise en scène ou elle était spontanée ?
BA : Non, la photo n’a pas été mise en scène. L’homme rentrait chez lui après avoir acheté une fleur pour donner à sa belle-mère qui venait de se faire opérer. Pour moi, c’était peut-être une poésie plus féminine comparativement aux autres images plus dures. De la façon dont la fresque a été construite, chaque photo est comme une note de musique, et chaque note a sa propre vibration. C’est une image plus chaleureuse, plus joyeuse. En plus, ça me permettait de faire la transition vers la photo suivante qui est une plante contaminée près de la rivière Chaudière.
MF : Que souhaitez-vous que le public retienne de cette exposition?
BA : J’espère que les gens vont être touchés. J’aimerais que mon travail provoque des réflexions sur le sens de la vie. Je pense qu’après cette tragédie, on aurait dû faire un bilan des errances de notre société de consommation. Ça ne s’est pas fait. On a mis des bandages pour soigner les blessures. Mais tout continue comme avant. Il y a peut-être certaines modifications dans la sécurité des systèmes ferroviaires. Mais il n’y a toujours pas de politique pour économiser l’énergie et réduire notre dépendance aux énergies fossiles.
MF : Quels sont vos prochains projets ?
BA : Je travaille sur l’agriculture au Québec, sur le bassin versant de la rivière Yamaska, et, avec une équipe, sur la crise alimentaire dans le monde. Tous ces projets sont encore au stade de la création.
Cette exposition est présentée au Musée des beaux-arts de Montréal jusqu’au 24 mai 2015.
Marco Fortier
***
INVITATION SPÉCIALE
Le Musée des beaux-arts de Montréal invite les lecteurs de Coups de cœur d’ici à une soirée toute spéciale. La nocturne du mercredi 11 mars 2015, entre 17 heures et 21 heures, permettra de visiter l’exposition Merveilles et mirages de l’orientalisme à demi prix, soit 10 $. Pour ajouter à l’expérience orientale, le Musée offrira, à cette occasion, le thé marocain et le tatouage au henné. Ce sera l’occasion parfaite pour visiter l’exposition Benoit Aquin : Mégantic photographié! IMPRIMEZ CETTE INVITATION SPÉCIALE ET PRÉSENTEZ-LA À LA BILLETTERIE DU MUSÉE EN ACHETANT VOTRE BILLET ET ON VOUS REMETTRA UNE PETITE BOÎTE DE THÉ MAROCAIN. (Jusqu’à épuisement des stocks)

Source : Musée des beaux-arts de Montréal
Carnets des Rendez-vous du cinéma Québécois (3) : suite et fin!
CAPHARNAÜM
Samedi le 28 février 2015, dernière journée des Rendez-vous du cinéma québécois, j’ai assisté aux courts métrages présentés dans le cadre du programme Capharnaüm à la salle Claude Jutra de la Cinémathèque québécoise. Huit courts métrages ont été présentés, variant de quatre à dix-neuf minutes. La salle était presque pleine. On reconnaissait les mêmes visages fidèles et ça sentait l’excitation de la fin de cette semaine super active.
La plupart des films n’avaient pas d’histoire à proprement parler, mais visaient plutôt à nous présenter de belles images et nous faire ressentir des émotions sans nécessairement les mettre en contexte. On se laisse emporter par la danse, la descente aux enfers de la drogue, l’adolescence en planche à neige, l’attente ou encore les voyages. Par contre, deux films proposaient un scénario qui racontait une histoire plus élaborée. Ils font partie de mes trois coups de cœur dont je souhaite vous entretenir.
Je suis une actrice
Benoit Lach – Je suis une actrice (Blachfilms, 2014, 8 mins)

Source : Benoit Lach – Crédit : Olivier Gossot.
De loin, mon premier coup de cœur va à Je suis une actrice du réalisateur, producteur et scénariste Benoit Lach, co-écrit avec Vincent Lafortune. Le film a gagné le prix de la meilleure comédie court métrage en 2014 au Rhodes Island International Film Festival.
Que ne ferait pas une jeune actrice pour décrocher un rôle? Le scénario est drôle, original et percutant. L’humour est intelligent et porteur d’une certaine réflexion sur les relations qui peuvent se développer entre des réalisateurs établis et de jeunes acteurs qui débutent leur carrière. Le dialogue est coloré et les silences éloquents. Les deux actrices sont excellentes et resplendissantes : Jade-Mariuka Robitaille dans le rôle de l’étudiante déterminée et Sophie Faucher en réalisatrice guru à la recherche de disciples inconditionnels. La qualité de l’image englobe bien le tout. J’ai ri et adoré! Vraiment, bravo!
À noter que le film sera projeté prochainement au festival Regard sur le court métrage au Saguenay du 11 au 15 mars 2015.
Bounce, this is not a free style movie
Guillaune Blanchet – Bounce (Travelling, 2014, 4 mins)

Crédit photo : Guillaume Blanchet
Mon second coup de cœur va à Bounce, this is not a freestyle movie dont le réalisateur propose « rebond » comme traduction française. Guillaume Blanchet nous provient du milieu de la publicité parisienne. Il y a six mois, il a fièrement reçu, sa citoyenneté canadienne et travaille maintenant comme concepteur-rédacteur et réalisateur indépendant. Pendant deux ans, il a voyagé avec, pour seul compagnon, son ballon de soccer. On les voit, la plupart du temps seuls, déambuler un peu partout à travers le monde. Chaque fois qu’il le botte le ballon, il se voit téléporté ailleurs. Sans qu’on ait le temps de reconnaître l’endroit, les images s’enchaînent rapidement.. Par contre, le mouvement est continu, comme si la trajectoire du réalisateur-comédien et de son ballon ne subissait aucune interruption d’un pays à l’autre. Bounce est un film sans parole et prend une toute autre dimension humaine pendant le générique où on y voit, avec humour, les personnes rencontrées durant le tournage, toutes souriantes et volontaires.
Le film sera prochainement projeté au:
- Flatpack International Film Festival à Birmingham, UK du 19 au 29 mars 201
- Base court en Suisse en mai 2015
- Festival de cinéma pour enfants de Québec du 27 février au 8 mars
- International Footbal Film Festival de Berlin, Allemagne
Les cennes chanceuses
Émilie Rosas – Les cennes chanceuses (Travelling, 2014, 17 min)

Crédit photo : Pierre-Luc Asselin
Mon troisième et dernier coup de cœur de cette série va à Les cennes chanceuses de la réalisatrice Émilie Rosas, diplômée de l’UQAM en cinéma et de l’INIS en réalisation. Un jeune garçon est négligé par les adultes qui l’entourent. Toutefois, la conclusion est pleine d’espoir. La distribution est composée de Mathieu Gagné (le jeune garçon), Rosalie Gaucher (la jeune fille), Hélène Florent (la mère), David Boutin (le père) et Michel Charrette (un ami des parents). On est touché par ce petit garçon vivant dans un contexte familial difficile et qui demeure intègre dans ses valeurs et ses sentiments.
Le film sera également projeté au :
- BUFF Int. Children and Young People’s Film Festival en Suède du 9 au 14 mars 2015
- Regard sur le Court métrage du 11 au 15 mars 2015
***
FICTIONS DU RÉEL
Cette deuxième série de courts métrages fut présentée le samedi 28 février 2015 à la salle Claude Jutra de la Cinémathèque québécoise. D’une durée variant entre 15 et 49 minutes et regroupés sous le thème Fictions du réel, on y présente trois histoires aussi différentes les unes que les autres, et dont on discerne difficilement le vrai du faux.
Encore une fois la salle était pleine. Pour le bonheur des spectateurs, les trois réalisateurs étaient présents et en ont profité pour remercier leur équipe de tournage ainsi que le public. Comble de malchance, l’alarme d’incendie a résonné pendant la projection du second court métrage et nous avons dû évacuer les lieux pendant une vingtaine de minutes. Heureusement, rien de grave. Nous avons finalement pu retrouver nos places pour enfin profiter de ces dernières projections.
La douce agonie d’un désir dérobé
Emmanuel Létourneau Jean et Alexandre Prieur-Grenier – La douce agonie d’un désir dérobé (Nesto Cienfuegos, 2014, 45 mins)
Mon seul coup de cœur de cette série va à La douce agonie d’un désir dérobé des réalisateurs Emmanuel Létourneau Jean et Alexandre Prieur-Grenier, aussi scénariste. Quatre amies d’enfance, à l’aube de la trentaine, partagent un repas chez l’une d’entre elles. Au cours des discussions, alcool aidant, elles décident de révéler à tour de rôle un secret qu’elles n’ont jamais dit à personne.

Crédit photo : Martin Leduc-Poirier
Bien honnêtement, j’ai tout d’abord été agacé par le niveau de langage puéril où les mots « genre » et fucking » sont présents constamment, voire plusieurs fois dans la même phrase. Mais j’ai soudainement reconnu, dans leur style et façon de s’exprimer, des jeunes filles de mon entourage et me suis donc laissé séduire. On oublie que ce sont des actrices et on a l’impression d’être avec elles, un peu en retrait peut-être, mais bien présent. Elles parlent tout naturellement, souvent toutes en même temps. Elles sont vraies, sympathiques, drôles et touchantes. On ne reste pas indifférent à leurs histoires et elles nous font passer par toutes sortes d’émotions.
J’ai adoré. Bravo au scénariste, aux réalisateurs et bien sûr aux quatre actrices : Marie-Emmanuelle Boileau, Alexa-Jeanne Dubé, Marie-Pier Favreau-Chalifour et Catherine Paquin-Béchard.
C’est déjà la fin de cette 33ème édition du Rendez-vous du Cinéma Québécois. Ce fut une première et agréable expérience pour moi que je souhaite bien répéter l’an prochain.
Bientôt à venir : un article sur l’exposition Benoit Aquin : Mégantic photographié au Musée des beaux-arts et un autre sur le dernier concert de l’ensemble vocal À Contrevoix, lors de la nuit blanche à Montréal.
Marco Fortier

Carnets des Rendez-vous du cinéma québécois: courts métrages au programme! (2)

Crédit: Richard St-Pierre
COEURS ET CORPS
Cette deuxième série de courts métrages fut présentée le samedi 21 février 2015 à la salle Claude Jutra de la Cinémathèque québécoise. D’une durée variant entre 5 et 21 minutes et regroupés sous le thème Corps et cœurs, on y célèbre la danse et l’amour.
Encore une fois la salle était comble. J’ai dû faire la file pendant plus de 30 minutes pour m’assurer d’un siège. Le public, plus diversifié, semblait formé de festivaliers aguerris qui parlaient entre eux de leurs propres réalisations et des films qu’ils ont visionnés. Chacun des 6 réalisateurs est venu prendre la parole pour remercier le public de sa présence, reconnaître le travail des producteurs et distributeurs et finalement partager en quelques mots leur inspiration à la source de leur film.
Glace, crevasse et dérive

Source: SPIRA.
Crédit: Richard St-Pierre
Chantal Caron – Glace, crevasse et dérive (Vidéo femmes, 2014 10 min)
Mon premier coup de cœur de cette série va à Glace, crevasse et dérive de la réalisatrice Chantal Caron, chorégraphe travaillant à St-Jean-Port-Joli où en 2006 elle a fondé Fleuve Espace Danse.
10 minutes de pur plaisir. Les images sont magnifiques et la musique superbe. Les deux danseurs, Karine Gagné et Thomas Casey, souvent habillés de noir, se démarquent sur ces banquises flottantes toutes blanches qui dérivent sur ce fleuve majestueux d’hiver. Vraiment bravo pour ce beau film.
La prochaine projection du film se déroulera lors de l’évènement Traverse Vidéo qui se tiendra en France, du 17 au 31 mars 2015.
Vanishing points
Marites Carino – Vanishing points (Video Signatures, 2014, 9 min)

Crédit: Maxime Boisvert
Ce court métrage de 9 minutes de la réalisatrice Marites Carino se mérite mon second coup de cœur. Il a été tourné sur les côtés d’un immeuble triangulaire, aujourd’hui détruit, de la rue Gilford à Montréal. Deux danseurs hip-hop, Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund, duo formant Tentacle Tribe, vont finalement se rencontrer à la pointe de l’immeuble.
La musique d’Andrés Vial et Tim Gowdy est répétitive, insistante et très efficace. La chorégraphie nous fait sourire par moment et les excellents danseurs y prennent clairement plaisir. D’ailleurs, notons que le film a été tourné « à reculons », c’est-à-dire que la chorégraphie prévoyait que les danseurs exécutent leurs mouvements de la fin vers le début. Au moment du montage, l’image projetée a été inversée. Ainsi, les spectateurs ont l’impression que les mouvements de la chorégraphie ont été exécutés dans l’ordre. On a l’impression que les danseurs avançaient mais en fait, ils reculaient. L’effet est absolument réussi et j’ai adoré ce film. Pour voir le « making of, suivez ce lien.
Prends soin de toi
Francis Fortin – Prends soin de toi (Francis Fortin, 2013, 5 min)

Mon dernier coup de cœur de cette série est pour Prends soin de toi du réalisateur Francis Fortin. Il nous disait avant la projection qu’il avait voulu rendre un court hommage au film Les Parapluies de Cherbourg. Cinq minutes, c’était vraiment trop court. On aurait aimé que ça continue et en savoir davantage sur ces deux jeunes amoureux, joués par Marianne Fortier et Dhanaé Audet-Beaulieu.
Marco Fortier
_____________

Carnets des rendez-vous du cinéma québécois : Courts métrages au programme! (1)
par Marco Fortier
Du 19 au 28 février 2015 a lieu la 33e édition des Rendez-vous du cinéma québécois. On nous présente une belle programmation variée souvent en présence des réalisateurs, scénaristes et acteurs qui ne demandent pas mieux qu’échanger avec le public. Je ne peux que vous recommander d’aller vivre cette expérience et d’encourager nos artistes d’aujourd’hui et de demain.
En deux jours, j’ai pu visionner 4 longs métrages et 15 courts métrages. C’est de ces derniers dont je veux vous parler aujourd’hui.
LE BONHEUR, LE BONHEUR, PIS APRÈS ?

Crédit: Ariel Poupart
Samedi dernier, j’ai assisté aux courts-métrages présentés dans le cadre du programme Le bonheur, le bonheur, et puis après à la salle Fernand Séguin de la Cinémathèque québécoise. Les 9 courts-métrages du premier groupe variaient de 2 à 21 minutes, et ont tous été réalisés par des étudiants ou récents diplômés en cinéma des différentes universités du Québec. La salle était bondée par ce qui semblait être des parents, amis, étudiants ou collègues des réalisateurs. Ceux-ci étaient tous présents et sont venus devant la salle suite à l’appel de leur nom. Il y avait de la fébrilité dans l’air.
Les thèmes abordés allaient de la tristesse suite au rejet, à la séparation, la dépression ou le décès d’une personne aimée, en passant par la solitude, l’amitié brisée entre adolescents, jusqu’à la détérioration de notre environnement. Bref le bonheur n’était pas au rendez-vous, bien au contraire.
Le défi de taille pour un réalisateur de court métrage est de raconter une histoire qui interpelle le public, de lui présenter des personnages complexes, réels ou fictifs, en seulement quelques minutes. Plusieurs ont très bien réussi et je vous présente mes coups de cœur ci-après.
Il est toujours intéressant d’assister au premier visionnement public d’un film en présence des artistes impliqués. L’atmosphère qui règne dans un festival comme le RVCQ est bien différente de celle qu’on retrouve normalement. On peut ressentir la nervosité, la joie, la fierté des artistes et la curiosité du public. Le RVCQ est une vitrine très importante pour les courts-métrages et leurs jeunes réalisateurs qui ne jouissent habituellement pas d’une aussi grande visibilité que celle accordée aux longs métrages.
Seul(s)
Kevin Landry – Seul(s) (INIS, 2014, 11 min)
Mon premier coup de cœur va à Seul(s), dont le scénario a été écrit par Luis Molinié et du réalisateur Kevin Landry qui détient une formation en réalisation de l’INIS, ainsi qu’un baccalauréat en communication, profil cinéma de l’UQAM. Il aborde, d’une façon tout à fait inattendue et très originale, le thème de la solitude. Onze minutes pendant lesquelles le personnage principal, Nicolas, joué par Danny Gilmore, nous promène dans un labyrinthe de découvertes de soi par les autres et dont on se demande comment il s’en sortira.
* À noter que Seul(s) sera projeté en compétition du festival du Film Étudiant de Québec du 20 au 22 mars 2015, ainsi qu’au Festival du Film de l’Outaouais du 20 au 27 mars 2015.
Bromance
Florence Pelletier – Bromance (ADDR, 2014, 7 min)
Mon second coup de cœur va à Bromance de la réalisatrice montréalaise Florence Pelletier, récemment diplômée de l’Université Concordia. Elle a aussi remporté le prix du meilleur film réalisé par une femme pour son court métrage Mes anges à tête noire au Festival du film étudiant de Québec en 2013. En 7 minutes, elle brosse le portrait d’une relation entre deux jeunes adolescents fort sympathiques interprétés par Nicolas Fontaine et Luka Limoges. Le film débute par un punch qui nous fait tous rigoler et réussit bien à nous garder en haleine jusqu’à la fin. La qualité des images mérite d’être soulignée.
*À noter que Bromance sera présenté au Short Film Corner du Festival des films de Cannes du 13 au 23 mai 2015.
Demain et l’autre d’après
Francis Lacelle – Demain et l’autre d’après (INIS, 2014, 7min)
Mon troisième coup de cœur va à Demain et l’autre d’après principalement pour la qualité de jeu des deux acteurs principaux : Marianne Farley et Patrick Hivon. Ce court métrage d’une durée de 7 minutes a été réalisé par Francis Lacelle et Clodie Parent (scénario) qui se sont inspirés de la vie en banlieue de ce dernier, alors qu’il était adolescent. L’histoire est simple mais le scénario fait ressortir l’intensité des émotions ressenties par les deux personnages. En très peu de mots, on comprend bien le drame qui se vit devant nos yeux.
*À noter que le film Demain et l’autre d’après a gagné Le Prix Cinémental pour le meilleur court métrage canadien-français du Festival Cinemental au Manitoba qui a eu lieu du 17 au 19 et 24 au 26 octobre 2014. Ce prix a été décerné par un jury, formé cette année de Lorraine Bazinet, Bertrand Nayet et Norman Dugas. Le film sera aussi présenté au Festival du film de l’Outaouais du 20 au 27 mars 2015.
Ce qui fane
Samuel Pinel-Roy – Ce qui fane (Samuel Pinel-Roy, 2014, 21 min)
Mon coup de cœur suivant va à Ce qui fane du réalisateur Samuel Pinel-Roy(1), originaire de Rimouski et détenteur d’une maîtrise en arts de l’UQAC. Le réalisateur nous présente la détresse d’un petit garçon d’environ 10 ans suite au décès de sa grand-mère. Dans ce court métrage de 21 minutes, nous sont livrées de superbes scènes d’extérieur d’hiver dans le petit village d’Armagh dans la région de Bellechasse, de gros plans silencieux qui en disent long, et un choix musical recherché. On ne peut qu’être touché par ce petit garçon dont l’avenir est incertain.
* À noter que Ce qui fane sera présenté dans le cadre du festival Regard sur le court métrage au Saguenay, mercredi 11 mars 2015 à 19h00 au Théâtre Banque Nationale à Chicoutimi.
La conspiration du bonheur

Crédit: Larry Rochefort
Édouard Dufour-Boiteau – La conspiration du bonheur (Capturographe, 2014, 11min)
Mon dernier coup de cœur de cette série est pour La conspiration du bonheur du réalisateur Édouard Dufour-Boiteau. Un film lent qui traduit la tristesse d’un pédopsychiatre et de son jeune patient avec qui il partage un drame similaire. On sympathise avec les personnages qui savent nous transmettre leur désir de vivre et de surmonter ces moments difficiles. Du même réalisateur, When Bad Meets Evil a été présenté au Short Film Corner de Cannes.
- StarLite Film Festival en Floride, du 26 février au 1er mars 2015
- Festival du Film Étudiant de Québec, du 20 au 22 mars 2015
***
(1) Du même réalisateur :
- Cinq réalisateurs, dont Samuel Pinel-Roy, ont reçu une carte blanche pour produire un vidéoclip sur la chanson Stroboscope, une musique de Frank et le Cosmos, qui sera diffusé à Regard dans le cadre d’un projet initié par La Bande Sonimage http://bandesonimage.org qui s’appelle Explorations Cosmiques. Il sera aussi diffusé sur la Fabrique Culturelle d’ici 3 semaines.
- En 2008, Il a gagné (avec Gabriel Fortin et Maxime Milette) le Grand Prix Télé-Québec au Festival du Documenteur de l’Abitibi-Témiscamingue avec le film Donnant donnant, dans le concours de création (produire un documenteur sur place en 72heures) https://vimeo.com/48294647
- Il est aussi directeur photo. https://vimeo.com/109044935
Samedi, la suite des carnets des Rendez-vous du cinéma québécois – courts métrages au programme!
Marco Fortier
____________

Marco Fortier

Marco Fortier se passionne particulièrement pour la musique classique, le théâtre québécois, la danse contemporaine, les arts visuels et la littérature québécoise.
Musicien de formation et homme d’affaires, Marco Fortier s’est toujours impliqué dans le milieu des arts. Il a été président du conseil d’administration du Nouvel ensemble moderne de 1995 à 2000, Trésorier du conseil d’administration du Centre d’Arts Orford de 2003 à 2006, et président du conseil d’administration du Théâtre Alambic de 2003 à 2006. Il est lauréat du Prix Personnalité Arts-Affaires 1998 de la Ville de Montréal.
Il a aussi une expérience de la scène musicale et théâtrale. Il a été membre des chœurs de l’orchestre symphonique de Québec de 1972 à 1978, de l’orchestre symphonique de Montréal de 1984 à 1993, et plus récemment de l’orchestre symphonique de Philadelphie de 2009 à 2012. Au théâtre, il a joué au TNM dans l’Asile de la pureté en 2000, dans Match au théâtre Prospéro avec le Théâtre de Fortune en 2002, dans le cadre des Soirées B du Théâtre d’Aujourd’hui en 2001, 2002 et 2007, et depuis 2013 dans les événements bénéfices du Festival du Jamais LU.
Depuis plusieurs années, il publie ses chroniques de voyage sur le web : www.meschroniques.info. Il est fier de se joindre à l’équipe de Coups de coeur d’ici.