Cinémathèque québécoise
Oncle Bernard – L’anti-leçon d’économie : touchant exercice d’humilité*

Depuis jeudi dernier, la Cinémathèque québécoise présente le documentaire Oncle Bernard – leçon d’antiéconomie de Richard Brouillette. Oncle Bernard, c’est feu Bernard Maris, économiste français de renom, mais surtout l’un des principaux collaborateurs du magazine satirique Charlie Hebdo, théâtre des tragiques attentats contre la liberté d’expression perpétrés par des fous d’Allah le 7 janvier 2015. Ce film se veut donc un hommage à l’économiste et au journaliste de renom.
Tiré d’une entrevue captée dans les locaux du journal en mars 2000, le film est en quelque sorte un accident puisque les propos de Maris recueillis à cette époque étaient destinés au documentaire L’encerclement – La démocratie dans les rets du néolibéralisme (2008). L’intérêt de ce film réside tant dans sa forme que son contenu. Avec une humilité qui l’honore, Brouillette a choisi de présenter cette entrevue dans son intégralité, sans montage, en conservant toutes les prises et ses imperfections, incluant les nombreux changements de bobines. C’est d’ailleurs lors de ces moments volés, où le spectateur a l’impression d’être sur place parmi l’équipe de tournage que Maris se livre le plus, tantôt en badinant avec le réalisateur ou discutant avec Cabu de son agenda mondain. Maris se révèle en formidable vulgarisateur et déconstruit patiemment, avec humour et acidité, les principales idées reçues sur l’économie pour faire jaillir la lumière sur une science qu’il considère opaque.
Ce film à l’état brut vaut donc la peine d’être vu, notamment car on a l’impression d’en sortir plus intelligent grâce à cette « antileçon » d’économie au demeurant fort instructive.
Le film est projeté à la Cinémathèque québécoise jusqu’au 17 janvier.
Myriam D’Arcy
* Ce texte a également été publié sur La Gazette Audiovisuelle
Éléphant : petite histoire d’un grand succès

À l’occasion de l’édition 2015 du Festival Fantasia qui s’est déroulée du 14 juillet au 5 août dernier, a été présenté le film Montréal Blues, du réalisateur Pascal Gélinas. Ce film qu’on croyait perdu depuis 1972, soit très peu de temps après sa sortie en salle, a échappé de justesse à la disparition grâce à la petite équipe d’Éléphant – mémoire du cinéma qui a réussi à restaurer l’œuvre dont les bobines avaient été fortement endommagées par la rouille et la moisissure. Ce petit miracle, la productrice Marie-Josée Raymond et le réalisateur Claude Fournier, co-directeurs de l’organisme, peuvent s’enorgueillir de quelques autres depuis le lancement de la plateforme en 2008. Le prétexte était donc parfait pour discuter avec les artisans de la soirée de la mission fondamentale et vitale que remplit Éléphant pour la préservation et la diffusion de notre patrimoine cinématographique.
Le soir de la projection, la salle était bondée pour voir enfin ce long métrage, fruit d’une création collective par la défunte troupe de théâtre Le Grand Cirque Ordinaire (1969-1977), réunissant à l’époque Raymond Cloutier, Paule Baillargeon, Gilbert Sicotte, Jocelyn Bérubé, Suzanne Garceau, Claude Laroche et Guy Thauvette. Le film met en scène un groupe d’ami dont certains dirigent le Montréal Blues, un restaurant d’alimentation naturelle géré en coopérative qui rencontre les membres d’une troupe de comédiens et de musiciens. Bien rapidement, des différends philosophiques forcent ces jeunes revoir leur mode de vie communautaire qui ne peut souffrir de toutes formes d’autorité et de règles. S’ensuivent alors de douloureuses ruptures amoureuses et remises en question existentielles.
Le cinéma comme véhicule de notre histoire
Montréal Blues témoigne bien des mœurs de son époque, comme l’explique Pascal Gélinas : « Le film est un portrait de cette jeunesse et rappelle sa façon de s’exprimer, mais aussi ses valeurs d’espoir et de partage teintées d’utopie, même si c’est nécessaire à cet âge-là. Elle pense détenir toutes les réponses, mais se rend bien compte qu’elle n’est pas nécessairement plus heureuse que les générations qui l’ont précédée. On assiste alors à un aveu d’humilité lorsque ces personnages prennent conscience de leurs limites et de celles de leur mode de vie ».

Gélinas se réjouit également de voir revivre pour un instant la troupe du Grand Cirque Ordinaire, qui a connu un grand succès à son époque en plus de révolutionner le théâtre au Québec : « Je suis aussi très heureux que grâce au travail d’Éléphant, le Grand Cirque revienne dans l’actualité. À l’époque, la troupe avait suscité un intérêt certain chez les jeunes qui adoraient ses créations collectives. En plus de Montréal Blues, ils ont monté quatre pièces de théâtre et organisé plusieurs soirées d’improvisation où le public était invité à participer. Au cours de ces tournées, ils ont attiré plus de 180 000 spectateurs. Par la suite, l’engouement a été tel que grâce à l’impulsion du Grand Cirque, des ligues d’improvisation se sont créées un peu partout au Québec. On peut donc penser qu’ils sont à l’origine de la Ligue nationale d’improvisation ».
De son côté, Marie-Josée Raymond semblait tout autant ravie que Gélinas au lendemain du visionnement public de Montréal Blues: « Les films parlent de nous et constituent des outils de connaissance pour le reste du monde. Ils témoignent de la culture et racontent l’histoire, le cheminement d’une société. C’est fascinant à quel point les réalisateurs jettent un regard perspicace sur une époque, même s’ils ne s’en rendent pas toujours compte sur le coup. Je discutais récemment avec Yves Simoneau, qui a réalisé Les Yeux rouges ou les vérités accidentelles (N.D.L.R. : également présenté dans le cadre du Festival Fantasia). Très à l’avant-garde, le film était à l’époque rempli de flashs sur la société québécoise. Dans Montréal Blues, je me rappelle une scène remarquable où le personnage joué par Jocelyn Bérubé donne sa définition de la jalousie. C’est intéressant de voir à quel point les choses ont changé depuis les années 70, au temps de l’amour libre et des communes. Tous les films ont des choses à nous apprendre. Voilà pourquoi chez Éléphant, nous restaurons et numérisons tous les films, et pas seulement les chefs d’œuvres ».
Aux origines du projet Éléphant
Lancé en 2008 par Québecor qui finance l’ensemble de ses activités, Éléphant a pour mission de devenir la mémoire du cinéma québécois en restaurant, puis numérisant l’ensemble de nos longs métrages de fiction. C’est une tâche pour le moins ambitieuse que se sont donnée Marie-Josée Raymond et Claude Fournier car au terme de l’exercice, plus de 1200 titres seront conservés. Une fois numérisées, les œuvres sont disponibles en vidéo sur demande sur Illico pour les abonnés de Vidéotron, et depuis 2013, en ligne sur ITunes partout dans le monde. Comme l’explique la productrice, au début de l’aventure, le projet n’allait pas de soi : « Autour de nous, les gens trouvaient le projet fou et irréalisable, et pour cause : l’acquisition des droits de films produits voilà plusieurs décennies, et dont la compagnie de production avait changé de propriétaires à quelques reprises n’était pas une mince affaire. Ensuite, il fallait bien trouver les bobines de tous ces films puisque certaines ne sont pas toujours complètes ou en état d’être restaurées. ».
C’est en 2006, à l’initiative de Pierre-Karl Péladeau, alors président et chef de direction de Québecor, que le projet est né : « Pierre-Karl se désolait que les films de répertoire, ceux jadis présentés dans les ciné-clubs, n’étaient à toutes fins pratiques plus disponibles pour le grand public. D’une part parce qu’il y avait de moins en moins de projecteurs en opération, et d’autre part, parce que les copies de ces films se faisaient rares. Il nous a donc donné le mandat, à Claude Fournier et moi, de voir comment nous pourrions numériser, restaurer et rendre accessibles tous les films du Québec » explique-t-elle.

Crédit: Claude Fournier
Tout était donc à imaginer et à faire puisqu’aucun modèle de pareille entreprise n’existait pour guider le couple. Dès le début de l’année 2007, ils se mettent au travail. Ils planchent sur un protocole technique, une marche à suivre pour restaurer et numériser les œuvres, ainsi que sur un protocole légal en vue de simplifier l’acquisition des droits des films. Des négociations sont alors entamées avec les syndicats des professionnels concernés pour établir le montant des redevances versées aux artistes. « Les syndicats ont reconnu qu’Éléphant est un projet patrimonial et collaborent avec nous, notamment pour compiler la présence des acteurs dans les films, ce qui permet ensuite de les payer. Nous offrons ce service aux producteurs pour leur simplifier la tâche » relate-elle.
Cette conception du mandat de l’organisme comme étant patrimonial, Québecor l’assume jusqu’au bout. En effet, l’entreprise ne tire aucun profit des activités commerciales d’Éléphant, même si jusqu’à présent, pas moins de 16M$ ont été investis pour financer les travaux de restauration des œuvres, la publication annuelle d’un répertoire des titres, la publicité, l’administration du site web qui au fil du temps, est devenu un outil de références incontournable sur le cinéma québécois. C’est d’autant plus admirable qu’Éléphant est le seul organisme privé dans le monde s’ayant donné pour mission d’être le gardien du patrimoine cinématographique de sa société : «Nous voyons Éléphant comme un service public. Pour nous assurer de redonner le maximum aux artistes, nous redistribuons l’ensemble des profits aux artistes, même si le CRTC nous autorise à garder 28% de chacune des locations. De son côté, Vidéotron garde un montant minime, soit 10%, pour aider à payer les coûts liés à l’utilisation de leurs serveurs et bandes passantes.» explique la productrice.
D’ailleurs, c’est avec une fierté non-dissimulée et tout à fait légitime qu’elle raconte comment le travail de sa petite équipe est reconnu à l’international : « En juillet dernier, au festival du cinéma de Bologne, le président du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, qui organise également le festival Lumière à Lyon, entièrement consacré aux films de répertoire, nous a cité en exemple. Il a affirmé que nous étions très en avance sur le reste du monde. Ça été une très belle journée! »
À la question de savoir comment le catalogue annuel des restaurations est établi, elle explique « On priorise ce qu’on trouve. Par exemple, pour le film À corps perdu de Léa Pool, je suis sur une piste pour retrouver la bande originale. Aussi, suite au décès du producteur Jean Dansereau, son épouse nous a téléphoné pour nous dire qu’elle avait découvert plusieurs bobines dans son hangar. Voilà comment nous avons retrouvé celles de Montréal Blues. Je travaille donc au gré des découvertes et des demandes que nous recevons.
Le rôle fondamental de la Cinémathèque québécoise
En mars dernier, de nombreux acteurs de l’industrie du cinéma, dont Denys Arcand, Micheline Lanctôt, Marie-Josée Raymond et Claude Fournier tiraient la sonnette d’alarme pour dénoncer les conséquences désastreuses du manque de financement étatique récurrent de la Cinémathèque québécoise. Pourtant, depuis cinquante ans, l’institution remplit une mission fondamentale en documentant et sauvegardant le patrimoine audiovisuel québécois, en étant le dépositaire légal de nos œuvres cinématographiques. Pour mémoire, un projet de fusion avec Bibliothèque et Archives nationales (BANQ) était alors envisagé. L’affaire avait fait grand bruit, si bien que le gouvernement avait été forcé de reculer. D’ailleurs, par le biais d’un article publié sur ce blogue, j’avais joint ma voix à celle des artistes pour demander qu’un financement adéquat soit octroyé à la Cinémathèque, dont les collections sont difficilement accessibles pour le public ne pouvant se déplacer à sa médiathèque, et qui, faute de moyens, tarde à prendre le virage numérique. À toutes fins utiles, c’est tout un pan de notre cinématographie, et principalement nos films documentaires, qui échappe aux cinéphiles. La chose est d’autant plus regrettable qu’il n’y a qu’à se tourner vers l’Office national du film (ONF) pour constater à quel point ce virage peut être profitable. En effet, l’organisme offre aux internautes plus de 3000 documentaires, films d’animation et fictions dont elle détient les droits. Avec des moyens financiers suffisants, voilà un exemple qui mériterait d’être suivi par l’institution québécoise.
Le centre d’archives de la Cinémathèque étant le principal lieu où s’alimente l’équipe d’Éléphant lors de la restauration d’un film, le manque de financement affecte et ralentit parfois considérablement ses activités, comme l’explique la productrice : « Si nous ne rencontrons pas d’obstacles majeurs, il faut compter en moyenne de 3 à 4 mois pour la restauration d’une œuvre. La plupart du temps, les bobines sont conservées à la Cinémathèque. Par contre, comme l’institution souffre d’un manque criant de financement, beaucoup d’archives sont entreposées sans avoir été classées, ce qui nous complique considérablement la tâche. Je tiens à préciser que son équipe fait un travail extraordinaire mais elle manque de moyens. Parfois, je sais que des éléments d’un film s’y trouvent car son réalisateur se rappelle les y avoir déposé, mais parfois, allez savoir où exactement s’ils n’ont pas encore été traités! »
Pourtant, malgré ses appels répétés auprès du gouvernement du Québec, rien ne bouge : « J’ai soulevé le problème aux différents ministres de la culture qui se sont succédés ces dernières années en plaidant pour l’embauche de personnel supplémentaire pour rattraper le retard accumulé dans l’archivage et le classement des dépôts. Il faut se rappeler qu’en 2012, l’institution avait dû annoncer un moratoire sur les nouvelles acquisitions parce qu’ils ne savaient plus où entreposer son matériel. Comme le gouvernement ne soutient d’aucune façon les activités d’Éléphant qui devrait être assumées par l’État, on pourrait au moins nous faciliter la tâche.»
Le souci de la transmission
Pour l’heure, il y a quand même lieu de se réjouir et de saluer le travail exceptionnel accompli par la petite équipe d’Éléphant. Car en plus de son programme de restauration de notre cinéma, l’organisme fait du mentorat pour assurer sa relève. Ce souci de la transmission qui anime les dirigeants d’Éléphant ne s’arrête pas qu’au patrimoine cinématographique. En effet, Marie-Josée Raymond et Claude Fournier ont les yeux tournés vers l’avenir et souhaitent assurer leur relève dans un secteur, où tout est à bâtir. En plus de plaider pour l’ajout de cours portant sur la restauration des œuvres cinématographiques au baccalauréat en cinéma de l’UQAM, ils octroient depuis l’an dernier la bourse Jean-Claude Lauzon qui vise à encourager l’innovation dans le domaine de la production médiatique visuelle.
Également, auprès des étudiants de cette même université, ils ont lancé en mai dernier le concours Maisonneuve, me reconnais-tu? où les participants sont invités à réaliser un court métrage de quelques minutes à partir d’extraits de films de différentes époques où la métropole est mise en valeur. Fort du succès de cette première édition, les organisateurs du concours songent à l’étendre à toutes les écoles de cinéma de la métropole : « Au moment du 375e anniversaire de Montréal, nous pourrons dire : voilà ce qu’Éléphant pense de Montréal » ajoute-t-elle.
Finalement, en novembre prochain se tiendra la 2e édition de l’évènement intitulé Éléphant ClassiQ, consacré aux films numérisés et restaurés. Organisé en partenariat avec la Cinémathèque québécoise et l’UQAM, ce rendez-vous du cinéma offrira des projections de films, mais aussi, des conférences et des ateliers de formation sur les techniques de restauration et la recherche de financement. Plusieurs invités internationaux réputés figurent viendront discuter de l’importance à financer des projets patrimoniaux comme celui d’Éléphant. Notons la présence d’Alain Juppé, ancien premier ministre français et l’un des instigateurs du programme d’investissements de l’État français, mieux connu sous le nom de « grand emprunt » ayant notamment soutenu des projets de recherche et d’innovation dans le domaine des nouvelles technologies. Ces subventions ont notamment permis au producteur et distributeur Gaumont de restaurer et numériser son patrimoine cinématographique. D’ailleurs, Nicolas Seydoux, membre de la famille fondatrice de Gaumont, participera aux ateliers offerts dans le cadre d’Éléphant ClassiQ, ainsi que Pierre-Karl Péladeau.
Cet évènement risque fort d’être intéressant et sera, entre autres choses, l’occasion de réfléchir au rôle de plus en plus important – et j’oserais même dire vital – des mécènes dans le secteur des arts et de la culture. Grâce aux activités philanthropiques d’entreprises privées qui remplissent parfois, comme c’est le cas avec Éléphant, une mission qui devrait être du ressort de l’État, certains de nos musées, théâtres et salles de spectacles arrivent à maintenir une programmation de qualité. Si le désengagement du gouvernement dans la culture est proprement scandaleux, il faut saluer le soutien de de ces entreprises qui souvent à leur façon, contribuent au développement de notre nation. J’aurai d’ailleurs le loisir de revenir sur ce sujet dans une prochaine chronique.
Myriam D’Arcy

Crédit André Chevrier
Sauvons la Cinémathèque québécoise!
Vendredi dernier, Le Devoir nous annonçait qu’un mariage forcé allait peut-être être conclu entre la Cinémathèque québécoise et Bibliothèque et Archives nationales du Québec pour minimiser les coûts de gestion des deux organismes.
La nouvelle a été publiée après qu’une lettre adressée au Premier ministre et signée par quelques artisans du cinéma bien en vue, dont Denys Arcand et Micheline Lanctôt, a circulé sur les réseaux sociaux. Ceux-ci se disent alarmés par pareille fusion entre deux organismes qui ne poursuivraient pas la même mission. Pour ma part, le vrai scandale réside dans l’inaccessibilité des œuvres et des collections de la Cinémathèque qui, faute de moyens, est réduit à n’être qu’un lieu de dépôt légal pour les films produits au Québec. Contrairement à l’Office national du film (ONF) qui a très bien pris le virage numérique, depuis la fermeture de la Ciné-robothèque, les collections de la Cinémathèque s’empoussièrent sur ses tablettes sans qu’on ne puisse les consulter. Évidemment, c’est le manque de ressources financières de l’institution qui en est la cause.
Le gouvernement du Québec doit prendre ses responsabilités en finançant adéquatement la Cinémathèque pour lui redonner ses lettres de noblesse, pour qu’elle joue un rôle plus actif, de premier plan, dans la conservation et la diffusion du patrimoine cinématographique québécois. Je suis parfaitement d’accord avec les cinéastes interviewés dans cet article: dans tous les États normaux, on fait une priorité de la conservation du patrimoine national.
Du côté de BANQ, grâce aux ressources alloués à la numérisation de ses collections, notamment plusieurs journaux, on procède à une vaste entreprise de numérisation des archives et collections qui facilite grandement le travail des historiens et autres chercheurs.

J’ignore si ce mariage forcé est la solution pour assurer la survie de la Cinémathèque et garder ses activités pertinentes à l’ère du 2.0, mais une chose est certaine, on doit hausser son financement. Aussi utile et louable soit le projet Éléphant, ce n’est pas normal qu’une entreprise privée se soit sentie obligée de se substituer à l’État en se donnant pour mission de numériser l’ensemble des œuvres de fiction d’ici. D’ailleurs, si l’on en croit les signataires de la lettre, la Cinémathèque peine à répondre aux demandes de celle d’Éléphant, ce qui ralenti considérablement son travail.
Il faudrait donc que le milieu du cinéma se mobilise et interpelle la ministre de la Culture, de même que le Premier ministre pour exiger que la Cinémathèque reçoive le financement nécessaire à la préservation et diffusion de ses collections. Aucune entreprise d’assainissement des finances publiques ne devrait justifier qu’on sacrifie un pan de notre mémoire collective pour quelques économies de bouts de chandelles. Lorsqu’il était aux commandes de l’État, Lucien Bouchard l’avait bien compris en octroyant les ressources nécessaires à la construction de la Grande Bibliothèque, désormais une institution culturelle phare qui fait la fierté des Québécois. Aujourd’hui, c’est elle qu’on appelle au chevet de la Cinémathèque qui mérite autant de considération et de moyens pour réaliser une mission.
Myriam D’Arcy

Crédit André Chevrier
Carnets des Rendez-vous du cinéma Québécois (3) : suite et fin!
CAPHARNAÜM
Samedi le 28 février 2015, dernière journée des Rendez-vous du cinéma québécois, j’ai assisté aux courts métrages présentés dans le cadre du programme Capharnaüm à la salle Claude Jutra de la Cinémathèque québécoise. Huit courts métrages ont été présentés, variant de quatre à dix-neuf minutes. La salle était presque pleine. On reconnaissait les mêmes visages fidèles et ça sentait l’excitation de la fin de cette semaine super active.
La plupart des films n’avaient pas d’histoire à proprement parler, mais visaient plutôt à nous présenter de belles images et nous faire ressentir des émotions sans nécessairement les mettre en contexte. On se laisse emporter par la danse, la descente aux enfers de la drogue, l’adolescence en planche à neige, l’attente ou encore les voyages. Par contre, deux films proposaient un scénario qui racontait une histoire plus élaborée. Ils font partie de mes trois coups de cœur dont je souhaite vous entretenir.
Je suis une actrice
Benoit Lach – Je suis une actrice (Blachfilms, 2014, 8 mins)

Source : Benoit Lach – Crédit : Olivier Gossot.
De loin, mon premier coup de cœur va à Je suis une actrice du réalisateur, producteur et scénariste Benoit Lach, co-écrit avec Vincent Lafortune. Le film a gagné le prix de la meilleure comédie court métrage en 2014 au Rhodes Island International Film Festival.
Que ne ferait pas une jeune actrice pour décrocher un rôle? Le scénario est drôle, original et percutant. L’humour est intelligent et porteur d’une certaine réflexion sur les relations qui peuvent se développer entre des réalisateurs établis et de jeunes acteurs qui débutent leur carrière. Le dialogue est coloré et les silences éloquents. Les deux actrices sont excellentes et resplendissantes : Jade-Mariuka Robitaille dans le rôle de l’étudiante déterminée et Sophie Faucher en réalisatrice guru à la recherche de disciples inconditionnels. La qualité de l’image englobe bien le tout. J’ai ri et adoré! Vraiment, bravo!
À noter que le film sera projeté prochainement au festival Regard sur le court métrage au Saguenay du 11 au 15 mars 2015.
Bounce, this is not a free style movie
Guillaune Blanchet – Bounce (Travelling, 2014, 4 mins)

Crédit photo : Guillaume Blanchet
Mon second coup de cœur va à Bounce, this is not a freestyle movie dont le réalisateur propose « rebond » comme traduction française. Guillaume Blanchet nous provient du milieu de la publicité parisienne. Il y a six mois, il a fièrement reçu, sa citoyenneté canadienne et travaille maintenant comme concepteur-rédacteur et réalisateur indépendant. Pendant deux ans, il a voyagé avec, pour seul compagnon, son ballon de soccer. On les voit, la plupart du temps seuls, déambuler un peu partout à travers le monde. Chaque fois qu’il le botte le ballon, il se voit téléporté ailleurs. Sans qu’on ait le temps de reconnaître l’endroit, les images s’enchaînent rapidement.. Par contre, le mouvement est continu, comme si la trajectoire du réalisateur-comédien et de son ballon ne subissait aucune interruption d’un pays à l’autre. Bounce est un film sans parole et prend une toute autre dimension humaine pendant le générique où on y voit, avec humour, les personnes rencontrées durant le tournage, toutes souriantes et volontaires.
Le film sera prochainement projeté au:
- Flatpack International Film Festival à Birmingham, UK du 19 au 29 mars 201
- Base court en Suisse en mai 2015
- Festival de cinéma pour enfants de Québec du 27 février au 8 mars
- International Footbal Film Festival de Berlin, Allemagne
Les cennes chanceuses
Émilie Rosas – Les cennes chanceuses (Travelling, 2014, 17 min)

Crédit photo : Pierre-Luc Asselin
Mon troisième et dernier coup de cœur de cette série va à Les cennes chanceuses de la réalisatrice Émilie Rosas, diplômée de l’UQAM en cinéma et de l’INIS en réalisation. Un jeune garçon est négligé par les adultes qui l’entourent. Toutefois, la conclusion est pleine d’espoir. La distribution est composée de Mathieu Gagné (le jeune garçon), Rosalie Gaucher (la jeune fille), Hélène Florent (la mère), David Boutin (le père) et Michel Charrette (un ami des parents). On est touché par ce petit garçon vivant dans un contexte familial difficile et qui demeure intègre dans ses valeurs et ses sentiments.
Le film sera également projeté au :
- BUFF Int. Children and Young People’s Film Festival en Suède du 9 au 14 mars 2015
- Regard sur le Court métrage du 11 au 15 mars 2015
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FICTIONS DU RÉEL
Cette deuxième série de courts métrages fut présentée le samedi 28 février 2015 à la salle Claude Jutra de la Cinémathèque québécoise. D’une durée variant entre 15 et 49 minutes et regroupés sous le thème Fictions du réel, on y présente trois histoires aussi différentes les unes que les autres, et dont on discerne difficilement le vrai du faux.
Encore une fois la salle était pleine. Pour le bonheur des spectateurs, les trois réalisateurs étaient présents et en ont profité pour remercier leur équipe de tournage ainsi que le public. Comble de malchance, l’alarme d’incendie a résonné pendant la projection du second court métrage et nous avons dû évacuer les lieux pendant une vingtaine de minutes. Heureusement, rien de grave. Nous avons finalement pu retrouver nos places pour enfin profiter de ces dernières projections.
La douce agonie d’un désir dérobé
Emmanuel Létourneau Jean et Alexandre Prieur-Grenier – La douce agonie d’un désir dérobé (Nesto Cienfuegos, 2014, 45 mins)
Mon seul coup de cœur de cette série va à La douce agonie d’un désir dérobé des réalisateurs Emmanuel Létourneau Jean et Alexandre Prieur-Grenier, aussi scénariste. Quatre amies d’enfance, à l’aube de la trentaine, partagent un repas chez l’une d’entre elles. Au cours des discussions, alcool aidant, elles décident de révéler à tour de rôle un secret qu’elles n’ont jamais dit à personne.

Crédit photo : Martin Leduc-Poirier
Bien honnêtement, j’ai tout d’abord été agacé par le niveau de langage puéril où les mots « genre » et fucking » sont présents constamment, voire plusieurs fois dans la même phrase. Mais j’ai soudainement reconnu, dans leur style et façon de s’exprimer, des jeunes filles de mon entourage et me suis donc laissé séduire. On oublie que ce sont des actrices et on a l’impression d’être avec elles, un peu en retrait peut-être, mais bien présent. Elles parlent tout naturellement, souvent toutes en même temps. Elles sont vraies, sympathiques, drôles et touchantes. On ne reste pas indifférent à leurs histoires et elles nous font passer par toutes sortes d’émotions.
J’ai adoré. Bravo au scénariste, aux réalisateurs et bien sûr aux quatre actrices : Marie-Emmanuelle Boileau, Alexa-Jeanne Dubé, Marie-Pier Favreau-Chalifour et Catherine Paquin-Béchard.
C’est déjà la fin de cette 33ème édition du Rendez-vous du Cinéma Québécois. Ce fut une première et agréable expérience pour moi que je souhaite bien répéter l’an prochain.
Bientôt à venir : un article sur l’exposition Benoit Aquin : Mégantic photographié au Musée des beaux-arts et un autre sur le dernier concert de l’ensemble vocal À Contrevoix, lors de la nuit blanche à Montréal.
Marco Fortier

Carnets des Rendez-vous du cinéma québécois: courts métrages au programme! (2)

Crédit: Richard St-Pierre
COEURS ET CORPS
Cette deuxième série de courts métrages fut présentée le samedi 21 février 2015 à la salle Claude Jutra de la Cinémathèque québécoise. D’une durée variant entre 5 et 21 minutes et regroupés sous le thème Corps et cœurs, on y célèbre la danse et l’amour.
Encore une fois la salle était comble. J’ai dû faire la file pendant plus de 30 minutes pour m’assurer d’un siège. Le public, plus diversifié, semblait formé de festivaliers aguerris qui parlaient entre eux de leurs propres réalisations et des films qu’ils ont visionnés. Chacun des 6 réalisateurs est venu prendre la parole pour remercier le public de sa présence, reconnaître le travail des producteurs et distributeurs et finalement partager en quelques mots leur inspiration à la source de leur film.
Glace, crevasse et dérive

Source: SPIRA.
Crédit: Richard St-Pierre
Chantal Caron – Glace, crevasse et dérive (Vidéo femmes, 2014 10 min)
Mon premier coup de cœur de cette série va à Glace, crevasse et dérive de la réalisatrice Chantal Caron, chorégraphe travaillant à St-Jean-Port-Joli où en 2006 elle a fondé Fleuve Espace Danse.
10 minutes de pur plaisir. Les images sont magnifiques et la musique superbe. Les deux danseurs, Karine Gagné et Thomas Casey, souvent habillés de noir, se démarquent sur ces banquises flottantes toutes blanches qui dérivent sur ce fleuve majestueux d’hiver. Vraiment bravo pour ce beau film.
La prochaine projection du film se déroulera lors de l’évènement Traverse Vidéo qui se tiendra en France, du 17 au 31 mars 2015.
Vanishing points
Marites Carino – Vanishing points (Video Signatures, 2014, 9 min)

Crédit: Maxime Boisvert
Ce court métrage de 9 minutes de la réalisatrice Marites Carino se mérite mon second coup de cœur. Il a été tourné sur les côtés d’un immeuble triangulaire, aujourd’hui détruit, de la rue Gilford à Montréal. Deux danseurs hip-hop, Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund, duo formant Tentacle Tribe, vont finalement se rencontrer à la pointe de l’immeuble.
La musique d’Andrés Vial et Tim Gowdy est répétitive, insistante et très efficace. La chorégraphie nous fait sourire par moment et les excellents danseurs y prennent clairement plaisir. D’ailleurs, notons que le film a été tourné « à reculons », c’est-à-dire que la chorégraphie prévoyait que les danseurs exécutent leurs mouvements de la fin vers le début. Au moment du montage, l’image projetée a été inversée. Ainsi, les spectateurs ont l’impression que les mouvements de la chorégraphie ont été exécutés dans l’ordre. On a l’impression que les danseurs avançaient mais en fait, ils reculaient. L’effet est absolument réussi et j’ai adoré ce film. Pour voir le « making of, suivez ce lien.
Prends soin de toi
Francis Fortin – Prends soin de toi (Francis Fortin, 2013, 5 min)

Mon dernier coup de cœur de cette série est pour Prends soin de toi du réalisateur Francis Fortin. Il nous disait avant la projection qu’il avait voulu rendre un court hommage au film Les Parapluies de Cherbourg. Cinq minutes, c’était vraiment trop court. On aurait aimé que ça continue et en savoir davantage sur ces deux jeunes amoureux, joués par Marianne Fortier et Dhanaé Audet-Beaulieu.
Marco Fortier
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