Alexandre Désilets

Mes prédictions et coups de cœur en attendant le Gala de l’ADISQ!

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logo-gala-adisqC’est ce soir que se tiendra la 36e édition du Gala de l’ADISQ, la grande fête annuelle de la chanson québécoise. En plus des Félix qui seront remis afin de récompenser les artistes méritants, les téléspectateurs pourront voir et entendre des performances en direct, notamment d’Alex Nevsky, Patrice Michaud, Brigitte Boisjoli, Misteur Valaire et les artistes en nomination à titre de « révélation de l’année ». La cérémonie sera animée pour une 9e année consécutive par l’excellent Louis-José Houde, humoriste chéri des Québécois.

Pour le plaisir, en attendant que débute la soirée et défilent nos artistes et artisans de la chanson sur le tapis rouge, je vous livre ici mes prédictions et préférences pour chacune des catégories la soirée.

ALBUM DE L’ANNÉE – ADULTE CONTEMPORAIN

Les nominés : 795253-album-serge-fiori-serge-fiori

L’année 2014 marque enfin le retour tant attendu de Serge Fiori, ex-chanteur du groupe mythique Harmonium après 28 ans d’absence sur la scène musicale québécoise. En mars dernier, dès la sortie de son album éponyme, la réponse du public et des médias a été aussi forte que spontanée : deux semaines après sa mise en marché, le disque était certifié « Or » puisque plus de 40 000 exemplaires avaient trouvé preneurs. Un mois plus tard, c’était le double avec 80 000 copies, ce qui lui a valu la certification « Platine ». Ces résultats sont spectaculaires en soit, en encore plus dans un contexte où les ventes d’albums au Québec et partout dans le monde sont en chute libre notamment à cause de la dématérialisation des œuvres musicales.

À mon avis, nul doute que Serge Fiori brillera durant ce gala et recevra le Félix décerné dans cette catégorie pour l’album « adulte contemporain ». Ce trophée sera absolument mérité puisqu’il s’agit d’un très beau disque où nous avons retrouvé avec bonheur la voix, les textes et les mélodies de cet artiste exceptionnel.

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ALBUM DE L’ANNÉE – FOLK

Les nominés :Hay_Babies-2 - source leur site internet

Ces derniers mois, j’ai été séduite par les chansons joyeuses et rafraîchissantes du trio acadien Les Hay babies, qui font rayonner la culture de leur coin de pays de très belle manière. D’ailleurs, elles participent à une certaine renaissance de la chanson acadienne déprise du folklore qui s’observe depuis quelques années, mouvement porteur d’espoir pour cette nation dont l’avenir est toujours fragile et incertain. Mon Homesick heart est un disque important pour ce qu’il représente, mais aussi et surtout en soi parce qu’il est franchement réussi. Pour ces raisons, j’espère qu’il recevra le prix décerné à l’album de l’année dans la catégorie folk. Par contre, je pense que c’est le non moins talentueux Philippe B qui remportera la mise, notamment grâce aux textes magnifiques qui se retrouvent sur son deuxième album Ornithologie, la nuit.

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ALBUM POP DE L’ANNÉE

Les nominés :

Fancy ghettoDans cette catégorie couronnant l’album pop de l’année, mon cœur balance entre Alex Nevsky et Alexandre Désilets. Tous les deux ont offert un disque à la pop plus franche et assumée que leur précédent disque respectif. Leurs textes sont bien écrits, les mélodies, contagieuses sans pour autant être racoleuses. J’ai écrit à quelques reprises sur ce blogue au sujet d’Alexandre Désilets, artiste talentueux et accompli qui je l’espère, trouvera bientôt grâce aux yeux (et aux oreilles!) des radios commerciales. Il a tout pour séduire tant la critique que le public.

Heureusement, c’est d’ailleurs ce qui vient d’arriver à Alex Nevsky. Au printemps dernier, sa chanson « On leur a fait croire », premier extrait d’Himalaya mon amour paru à l’automne 2013, a connu un immense succès sur les chaînes privées. Son succès fait plaisir à voir et nul doute que ce soir, son deuxième opus sera sacré « album pop de l’année ». Cette récompense sera pleinement méritée!

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RÉVÉLATION DE L’ANNÉE

Les nominés :

Source: bandcamp
Klô Pelgag Source: bandcamp

Depuis son passage remarqué à La Voix, la carrière de Valérie Carpentier a décollé en flèche. Pour l’écriture des chansons de son disque L’été des orages, la jeune interprète a pu compter sur des auteurs accomplis tel que Marie-Pierre Arthur, Yann Perreau, Joseph Marchand, Alex McMahon, Pierre Lapointe, Daniel Bélanger et Ariane Moffatt, son mentor lors du populaire concours télévisé. Ses chansons ont tourné en boucle à la radio, la propulsant rapidement au rang de star. Ce soir, Valérie Carpentier se trouve donc bien en selle pour remporter la statuette dans cette catégorie.

Pour ma part, je pense que c’est plutôt à Klô Pelgag que devrait revenir le titre de révélation de l’année. Cette artiste ne ressemble à aucune autre, tant par sa personnalité que ses chansons. Sa poésie, ses mélodies, sa liberté, son univers éclaté et déjanté font d’elle une artiste hors du commun, dont l’originalité n’a d’égal que son génie.  En me prêtant un instant au jeu hasardeux des comparaisons, je dirais que pour toutes ces raisons, elle fait penser à Pierre Lapointe. Il me tarde de la voir sur scène à l’occasion du spectacle d’ouverture du festival Coup de cœur francophone le 6 novembre prochain.

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SPECTACLE DE L’ANNÉE – AUTEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE 

Les nominés :

pierre-lapointe-premiere-montrealaise-4089À mon avis, Pierre Lapointe sera récompensé pour son efficace spectacle « Punkt » présenté un peu partout au Québec, notamment à l’ouverture du Festival Montréal en lumière, sur la grande scène des Francofolies en juin dernier et un peu partout au Québec. Ce spectacle supporte très bien l’univers et les chansons de cet album aux textes à la fois crus, drôles, touchants et tristes, à l’ambiance kitsch et pop totalement assumées. Sur scène, Pierre Lapointe est d’une efficacité redoutable, tant durant ses interventions où il met son public dans sa petite poche, que durant ses interprétations où il s’éclate. Comme pour chacun de ses spectacles, il en fait un évènement qu’on se félicite de ne pas avoir manqué.

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SPECTACLE DE L’ANNÉE – INTERPRÈTE

Les nominés :

  • Artistes variésLe chant de Sainte Carmen de la Main
  • Artistes variés – Ne me quitte pas : un hommage à Jacques Brel

Isabelle Boulay devrait remporter le Félix dans cette catégorie. L’amour que lui porte le public ne semble pas s’altérer malgré le temps qui passe. D’ailleurs, son dernier disque hommage à Serge Reggiani paru récemment et le spectacle qui l’accompagne devraient valoir à Isabelle Boulay une nomination l’an prochain dans cette même catégorie.

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AUTEUR OU COMPOSITEUR DE L’ANNÉE

Les nominés :

Cette catégorie appelle à faire un choix déchirant puisque tous les artistes en nomination ont offert des textes et mélodies solides et méritent également de se voir récompensés à titre d’auteur ou compositeur de l’année. Je pense que Jimmy Hunt sera récompensé puisque son dernier disque Maladie d’amour, a connu un succès critique sans pareil. D’ailleurs, dans ce blogue, j’ai l’habitude de demander aux artistes que je rencontre quels sont les disques qui les ont le plus marqués durant la dernière année et à chaque fois où j’ai posé la question, Jimmy Hunt faisait spontanément partie de ces artistes inspirants ses pairs.

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GROUPE DE L’ANNÉE

Les sœurs Boulay Source: www.lessoeursboulay.com
Les sœurs Boulay
Source: http://www.lessoeursboulay.com

Les nominés :

Dans cette catégorie, je prédis une victoire facile pour Les sœurs Boulay, dont l’excellent album Le poids des confettis paru l’an dernier a charmé le grand public. C’est aussi mon choix.

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INTERPRÈTE DE L’ANNÉE

Brigitte Boisjoli Source: www.musicordisques.ca
Brigitte Boisjoli
Source: http://www.musicordisques.ca

Les nominés:

 

L’ex-académicienne Brigitte Boisjoli a très bien réussi son passage entre star d’un concours télévisé et interprète accomplie. Sa voix puissante et sa personnalité font d’elle une chanteuse apprécie du grand public et des médias. Même si la compétition est féroce dans cette catégorie où de grandes stars s’affrontent, Brigitte Boisjoli devrait être sacrée interprète de l’année. C’est d’ailleurs un choix que je partage.

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INTERPRÈTE MASCULIN DE L’ANNÉE

Les nominés :

À mon avis, il ne fait aucun doute que le titre et trophée d’interprète masculin de l’année revient à Serge Fiori. D’ailleurs, ces jours-ci nous pouvons voir le très  beau vidéoclip de la chanson « Jamais », ma préférée sur le disque éponyme, La réalisation a été confiée à la chorégraphe et danseuse Marie Chouinard qui a réussi à transposer à l’écran la mélancolie et solitude qui transpirent du texte de Fiori. Il se trouve en ligne ici.

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CHANSON DE L’ANNÉE

Les nominés:

Himalaya mon amour PNGVoilà une catégorie où prédire le vote du public est difficile – et faire un choix s’avère déchirant! J’affectionne tout particulièrement Marie-Pierre Arthur. Son dernier album, paru en 2012 est un petit bijou que j’ai usé à la corde. Malheureusement, les radios commerciales jouent trop peu ses chansons. À mon avis, Alex Nevsky et Louis-Jean Cormier ont le plus de chance d’emporter la précieuse statuette. Je prédis une chaude lutte remportée de justesse par Nevsky puisque sa chanson On leur a fait croire a connu un immense succès sur les ondes des radios commerciales. De mon côté, mon cœur balance et si on m’obligeait à faire un choix, avoué sous la torture, j’opterais pour Louis-Jean Cormier. « Tout le monde en même temps » est sans doute ma chanson préféré de cet album qui conserve une place à part dans mes coups de cœur des dernières années. C’est sans aucun doute l’un des artistes les plus talentueux de sa génération, inspirant et inspiré. J’attends son deuxième album solo avec beaucoup d’impatience.

Et vous, quelles sont vos prédictions, vos coups de cœur de l’année? N’hésitez surtout pas à vous commettre dans la section « Commentaires »!

Ce soir, quels que soient les choix formulés par les membres de l’Académie et du public, ce 36e gala de l’ADISQ montrera à nouveau l’étendue du talent des artistes de la chanson québécoise. Notre scène musicale bouillonne de talents, émergents et bien établis qui font plaisir à voir et entendre. Espérons d’ailleurs que cette soirée sera l’occasion pour les dirigeants des chaînes de radio privées d’effectuer une prise de conscience sur leur rôle important dans la mise en vitrine et diffusion des artistes d’ici qui peuvent offrir des lieux de rencontre avec le public.

Le Gala de l’ADISQ sera présenté sur les ondes d’Ici Radio-Canada dès 19h30.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Le grand bal énergique d’Alexandre Désilets

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Alexandre Désilets au Club Soda, 9 octobre 2014. Crédit: Alexandra Bourbeau
Alexandre Désilets au Club Soda, 9 octobre 2014.
Crédit: Alexandra Bourbeau

Hier soir avait lieu au Club Soda le Bal dans l’Ghetto, Fancy Glitter! spectacle-évènement très attendu d’Alexandre Désilets où il présentait les chansons de son plus récent album Fancy Ghetto. Mes attentes étaient très élevées puisque j’ai vu Désilets aux dernières Francofolies lors d’une trop courte mais néanmoins excellente prestation. Il faut dire aussi que ces derniers mois, j’ai écouté en boucle et sans me lasser, ce disque excellent du début à la fin.

Le Club Soda était rempli à craquer et la foule, fébrile. Il faut dire que cet évènement était annoncé et attendu par ses fans depuis plusieurs mois. Pendant deux heures, Alexandre Désilets a enchaîné de manière très efficace les chansons de Fancy Ghetto et de La garde, son précédent album. Notons trois moments forts durant la soirée : au moment de jouer Bats-toi mon cœur où la scène et la foule se sont littéralement embrasées, Renégat, le premier extrait de l’album lancé au printemps dernier et J’oublierai, de La garde qui s’est conclue presque tel un feu d’artifices.

La mise en scène de Brigitte Poupart et les chorégraphies bien maîtrisées n’empêchaient pas le chanteur d’évoluer sur les planches avec aisance et naturel. De plus, le thème des bars et de la nuit qui traverse le dernier album se prêtait tout à fait à la soirée qui avait des allures de fête.

Je l’écrivais en juin dernier : nous sommes en face d’un artiste très talentueux à tous les plans et sa prestation d’hier soir n’a fait que renforcer cette évidence. Sa voix est riche et puissante, en plus d’être tout à fait unique. Ses chansons sont efficaces et bien tournées et donnent envie de les chanter avec lui. Sur scène, son bonheur est palpable. Il ne s’économise pas un instant sans que sa voix ne flanche. C’est donc dire qu’il a du coffre. Ajoutons aussi que ses talents de danseur hérités d’une carrière passée n’est rien pour gâcher la sauce, surtout pour son public féminin!

Vraiment, Alexandre Désilets a tout pour lui.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

Indispensable Monique Giroux

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Portrait d’une ambassadrice passionnée de la chanson  

Monique Giroux. Source: www.icimusique.ca
Monique Giroux. Source: http://www.icimusique.ca

Une culture est vivante et forte quand elle est portée par des créateurs de talents qui n’ont de cesse de la renouveler et d’étonner, mais aussi, par des ambassadeurs qui ont à cœur son rayonnement. Depuis près de 30 ans, sur les ondes de la radio et sur toutes les tribunes, Monique Giroux communique sans relâche et avec passion son amour pour la chanson francophone d’ici et d’ailleurs. Son soutien aux artistes est inestimable et essentiel. Grâce à elle, ils sont nombreux à avoir bénéficié d’une vitrine leur permettant de rejoindre le public québécois de toutes les générations. À quelques jours de la rentrée culturelle, nous avons eu la chance de nous entretenir avec elle pour discuter de ses coups de cœur, ses projets et ses aspirations pour la mise en valeur de la culture et du patrimoine québécois. Portrait de Monique Giroux, ambassadrice passionnée de la chanson.

Au mois de juin dernier, elle a été nommée Chevalière de l’Ordre national du Québec, la plus haute distinction remise par le gouvernement québécois. Nous lui avons demandé ce qu’elle a ressenti et elle nous a répondu :

M.G. : Je ne prends jamais ces honneurs que pour moi. Je le prends pour mes maîtres, pour les femmes qui m’ont inspirée comme Chantal Jolis, Lise Payette et les artistes. Je me sens en continuité avec elles. Par exemple, sans Juliette Gréco, je n’aurais jamais fait de si chouettes entrevues. 

Les Québécois ne sont pas les seuls à reconnaître ses qualités exceptionnelles de communicatrice, et à souligner ses efforts pour la promotion de la langue française. Depuis quelques années, des distinctions lui ont été remises  au Québec et partout dans la Francophonie. En 2004, le gouvernement français lui a décerné la médaille de Chevalier des Arts et des lettres, en 2006, elle a rejoint le club très sélect de l’Ordre des francophones d’Amérique du Conseil supérieur de la langue française et en 2009, l’Assemblée des parlementaires de la francophonie lui a remis le grade de Chevalier de l’Ordre de la Pléiade.

Rigoureuse et intègre, Monique Giroux a acquis une place à part dans notre système médiatique, à l’abri des modes grâce à la sincérité de son engagement envers les artistes qu’elle promeut et défend. À la radio, elle a fait ses premières armes à l’antenne de CIBL.

Monique Giroux et Juliette Gréco, archives personnelles de Monique Giroux.
Monique Giroux et Juliette Gréco, archives personnelles de Monique Giroux.

À partir de 1993, Monique Giroux a fait les beaux jours de Radio-Canada avec des émissions qui ont profondément marqué les auditeurs, soit Les refrains d’abord, une quotidienne où elle faisait découvrir des artistes francophones d’ici et d’ailleurs,  Le Cabaret des refrains, émission enregistrée devant le public où des artistes québécois du moment étaient invités à interpréter les grands succès de la chanson française et québécoise des années 1960 et 1970. Par la suite, Fréquence libre diffusée sur la Première Chaîne et depuis 2011, Chants libres à Monique en ondes tous les dimanches après-midi sur Ici Musique (anciennement Espace musique). Prolifique, Monique Giroux a aussi conçu ou collaboré à moult émissions spéciales sur nos grands artistes vivants et disparus comme Félix Leclerc, Claude Léveillée, Diane Dufresne, Richard Desjardins, et Beau Dommage.

Durant toutes ces années, elle a été portée par le désir de transmettre au public ses coups de cœur, ses découvertes et sa passion pour la chanson. Très humblement, elle explique comment elle a décidé d’en faire carrière:

M.G. : J’ai que du plaisir à faire ce que je fais, à écouter des disques et à les partager aux gens. Comme je le faisais chez moi ado avec quelques amies assises en indien dans mon lit à qui je faisais écouter des chansons. Essentiellement, j’ai fait un métier de cette passion-là. Ce qui me touche le plus, c’est que des jeunes embarquent dans ce que je fais et leur propose.

Parallèlement à la radio, Monique Giroux a signé la conception d’une quarantaine de spectacles offrant une importante vitrine aux artistes d’ici. En 2011 et 2012, une série de dix-huit concerts intitulés Monique Giroux fait une scène retransmis à la radio ont réuni de nombreux artistes sous diverses thématiques.

(Mars 2014) Master class en compagnie de Juiette Gréco et 25 chanteuses québécoises.  Archives personnelles de Monique Giroux.
(Mars 2014) Master class en compagnie de Juliette Gréco et 25 chanteuses québécoises.
Archives personnelles de Monique Giroux.

Monique Giroux et ses artistes

La liste de ses réalisations est longue et montre comment l’animatrice a permis à des talents jusqu’alors inconnus de rencontrer leur public, comme Richard Desjardins, Ariane Moffatt et Pierre Lapointe, pour ne nommer que ceux-là. Au sujet de Desjardins, elle se souvient :

M.G. : Quand j’ai commencé à la radio de CIBL en 1986, on se passait des cassettes de Richard Desjardins. Il était alors totalement inconnu, un professeur de piano fraîchement débarqué du Nunavut et je trouve extraordinaire le chemin qu’il a parcouru. Je me souviens le premier spectacle qu’il a fait et où je l’ai présenté.

D’ailleurs, l’intérêt de l’animatrice pour le poète de l’Abitibi ne s’est pas démenti au fil du temps. À Paris en 2004, elle était à ses côtés au moment où il a reçu le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. Par la suite, en 2006, elle a animé Richard Desjardins. L’homme libre un documentaire qui lui a consacré Radio-Canada.

Avec affection, elle se rappelle ses impressions au moment de voir et d’entendre Pierre Lapointe pour la première fois.

Pierre Lapointe et Monique Giroux
Pierre Lapointe et Monique Giroux

M.G. : Pierre Lapointe je l’avais entendu grâce à un ami qui avait été subjugué après l’avoir vu. Très rapidement, les jours suivants, je l’ai rencontré et j’ai compris tout de suite que j’étais en face de quelqu’un de très d’étonnant, dont la voix ne ressemble à personne, qui chante pieds nus, en habit et qui s’accompagne au piano.

Les années suivantes, Monique Giroux lui a offert de nombreuses occasions de se faire entendre, ici comme en France, notamment grâce à un spectacle unique, Le Québec prend la Bastille présenté dans la Ville Lumière en 2011 à l’occasion du 50e anniversaire de la Délégation du Québec à Paris. Un peu plus tôt cet été, elle a été témoin privilégiée, fière comme une mère, des premiers pas du chanteur québécois au moment de fouler la mythique scène de l’Olympia.

C’est donc dire que Monique Giroux est bien plus qu’une animatrice pour les artistes, qu’elle agit comme une ambassadrice ou marraine en multipliant les projets pour leur offrir un maximum de visibilité. D’ailleurs, nous lui avons demandé de nous parler des artistes l’ayant marquée plus particulièrement ces dernières années et qui méritent une plus grande attention de la part des diffuseurs et du public. Spontanément, elle nous a répondu :

M.G. : Au Québec, je pense à deux artistes que j’aime beaucoup et qui sont formidables. Alexandre Désilets qui est heureusement plus connu qu’avant mais il est resté trop longtemps dans l’ombre. Ça fait dix ans que je le suis, le pousse et le tire, depuis qu’il a participé au Festival en chanson de Petite-Vallée. Son dernier disque est fantastique. J’aime beaucoup Alexandre. C’est un gars talentueux et intègre.

Ensuite, Marie-Jo Thério reste pour plusieurs personnes une inconnue. Cette fille-là est un véritable génie. Elle incarne à la fois Björk, Janis Joplin et Diane Dufresne. Toute sa personne, son être, est une création! Sa façon de voir les choses, de déambuler, d’analyser, d’écrire et de décrire, de transposer, de composer et d’être sur scène relève du génie. Je le pense depuis toujours et j’ai le sentiment qu’elle sera bientôt reconnue à sa juste valeur, un peu à l’image de (Richard) Desjardins qui a acquis la reconnaissance du public sur le tard. Aujourd’hui, les jeunes sont plus ouverts à ce qui se fait ici et ailleurs, en français, en anglais, en serbo-croate, en islandais, etc. et qui voient l’originalité partout où elle se trouve. Le public est désormais plus ouvert aux propositions plus audacieuses.

Et que pense-t-elle de l’utilisation du franglais dans l’écriture des chansons, un débat initié en plein cœur de l’été par Christian Rioux, chroniqueur au Devoir?

M.G : L’important, c’est de faire la preuve qu’on sait écrire dans sa langue. Que l’artiste sait écrire, penser dans la langue avec laquelle il rêve. Il faut lui poser la question : « Dans quelle langue rêves-tu?».

Comment faire son choix parmi l’abondante production qui nous arrive de toutes parts, d’ici et d’ailleurs?

Serge Fiori et Monique Giroux. Archives personnelles de Monique Giroux
Serge Fiori et Monique Giroux. Archives personnelles de Monique Giroux

M.G. : Les moyens de créer et d’enregistrer des disques se sont grandement démocratisés grâce au développement de la technologie, N’importe qui peut enregistrer un album grâce au logiciel Garage Band à la maison. Par la suite, la responsabilité incombe à des gens comme moi, ainsi qu’aux diffuseurs de se montrer clairvoyants au moment de faire le choix de parler ou non d’un disque, d’un artiste. C’est sûr qu’aujourd’hui, les propositions sont tellement nombreuses que le public ne sait plus quoi choisir. On se sent comme devant un buffet chinois et on se rabat sur les rouleaux parce qu’on ne sait plus quoi choisir. Heureusement, il y a toujours des audacieux et des gourmands qui vont retourner plusieurs fois remplir leur assiette pour s’assurer de goûter à tous les plats.

C’est mon travail d’être vigilante, d’écouter le plus de choses possible pour essayer de proposer ce qui me semble le plus percutant et pertinent. En fait, tous mes choix sont guidés par une seule question : qu’est-ce qui va rester, qui est représentatif du moment? Par exemple, en 1999, je pense évidemment à l’arrivée en scène de Daniel Boucher avec son premier album, Dix mille matins.

Et justement, comment deviner, sentir ce qui marquera l’époque?

M.G.: Mes choix sont purement instinctifs. D’où me vient la confiance dans cet instinct? J’ai l’audace de transmettre mes choix qui demeurent bien personnels. La fidélité des auditeurs me prouve que mon instinct est bon. Comme auditrice, j’ai envie qu’un humain me fasse des propositions. C’est ainsi que je conçois les émissions que j’aimerais entendre.

Des projets plein la tête

Monique Giroux a des idées plein la tête et plusieurs projets en chantier pour mettre en valeur la culture et le patrimoine québécois. Depuis une quinzaine d’années, elle espère pouvoir faire publier un beau livre sur l’histoire de la chanson, un projet coûteux pour lequel elle a enfin trouvé un éditeur. Cet automne, nous pourrons également lire un texte qu’elle signe sur l’histoire de la chanson québécoise dans un numéro hors-série du magazine français Télérama entièrement consacré au Québec.

Elle rêve aussi de mettre sur pied une soirée de bienvenue annuelle gratuite destinée aux nouveaux arrivants où leur serait livrée avec amour et générosité la culture québécoise dans ses plus beaux atours.

M.G. :J’imagine une soirée sous le signe du théâtre, de la danse, du chant et de la poésie. Nous pourrions remettre aux gens une brochure sur la culture québécoise traduite dans plusieurs langues ainsi qu’une carte de téléchargement de chansons québécoises. Ce projet me tient à cœur depuis longtemps et j’en ai parlé à plusieurs ministres de la culture au fil des années. Ce serait une manière positive d’intégrer les immigrants et leur transmettre notre culture dont on ne doit pas rougir. Se connaître et être fiers de soi, ça ne veut pas dire rejeter les autres, bien au contraire. Ça veut dire les inclure, avoir quelque chose à leur offrir en cadeau. Malheureusement, on a honte d’être ce qu’on est. C’est douloureux et c’est triste. Pour citer un chanteur connu, avec ce spectacle, nous leur dirions : « Les vouleurs de rire sont bienvenus chez nous!»

Finalement, cet automne elle poursuivra ses démarches notamment avec le Musée de la civilisation de Québec en vue de mettre sur pied un centre d’archives et d’interprétation. Depuis longtemps, elle conserve des documents sur les artistes qui pourraient être très utiles à la mémoire.

Et collectivement, qu’est-ce que les Québécois devraient faire pour s’assurer que leur patrimoine demeure bien vivant ?

M.G. : Dès leur tout jeune âge, apprendre aux enfants à apprécier la culture, la musique, l’histoire, à les amener voir des spectacles. La culture, c’est ce qui reste quand il ne reste plus rien d’une population.

La passion et la sagesse de Monique Giroux sont indispensables au rayonnement de la culture québécoise. Nous souhaitons à tous les domaines des ambassadeurs à sa hauteur.

Myriam D’Arcy

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Quelques réalisations de Monique Giroux sur disque qui enrichissent notre patrimoine de la chanson…

  • Diane Dufresne: Diane Dufresne en paroles et musique. Folie douce, en paroles et musique, Radio-Canada, 2006 (série radiophonique, 3 CD)
  • Monique Giroux : .Un design sonore de Monique Giroux. Chansons choisies à ne pas écouter un jour de pluie quoique…, compilation, Tandem Mu, 2010.
  • Félix Leclerc: Heureux qui, comme Félix, GSI Musique, 2010 (série de 10 émissions radiophoniques réalisées en 1997 par Jacques Bouchard en collaboration avec Monique Giroux à l’animation et à la conception du coffret).
  • Les Refrains d’abord, Fonovox, collection de disques : Compilation de Pierre Calvé (1997), Renée Claude (1997), Lucille Dumont (1996), Pauline Julien (1996), Monique Leyrac (1995), Jacques Normand (1995), Isabelle Pierre (1997).
Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit: André Chevrier