Films Séville
Guibord s’en va-t-en guerre: projections simultanées à Montréal et Locarno!
C’est hier soir sur la Piazza Grande du Festival de Locarno en Suisse qu’avait lieu la première mondiale du très attendu Guibord s’en va-t-en guerre de Philippe Falardeau. Comme le public québécois devra encore patienter jusqu’au 2 octobre pour voir le film, à l’initiative du distributeur, une projection toute spéciale avait lieu en plein air à l’Esplanade du Parc Olympique. Quelques 1000 personnes ont pu assister à l’évènement grâce à différents concours organisés par les médias.
Malgré le ciel menaçant, la foule était dense et l’ambiance, enjouée. Il faut dire qu’aucun détail n’avait été laissé au hasard pour rendre la soirée aussi sympathique que possible : le parterre ressemblait à s’y méprendre à celui érigé pour les festivaliers suisses et un macaron arborant le slogan de notre désormais candidat préféré était remis à chaque participant. Tourné un peu plus tôt au moment de monter sur la scène du festival pour présenter son film, Philippe Falardeau a enregistré un court vidéo où en chœur, les 6000 spectateurs suisses nous ont transmis leurs salutations. Le ton était donné!
Satire politique redoutablement efficace, Guibord s’en va-t-en guerre raconte comment Steve Guibord (Patrick Huard), député fédéral indépendant d’un immense comté situé au nord du Québec, est propulsé à l’avant-scène de l’actualité politique canadienne. À la faveur du hasard, Guibord détient le vote décisif qui pourrait plonger le Canada en guerre. Incapable de se décider, et encouragé par sa fille et son épouse (Suzanne Clément), Guibord se lance dans une consultation populaire auprès de ses électeurs qui sera suivie de Vancouver jusqu’à… Port-au-Prince! Cette occasion lui offrant une « fenêtre de démocratie directe » l’amènera à sillonner son comté qui deviendra rapidement le terrain d’affrontement des Amérindiens, militants pacifistes et entrepreneurs miniers qui verront dans cette consultation l’occasion rêvée de marchander leur appui. Entre les exigences des différents lobbies et les jeux de coulisses politiques, le député tentera de rester fidèle à ses principes et ses engagements, ce qui ne sera pas une mince affaire! Dans son aventure démocratique, Guibord sera accompagné par Souverain Pascal (Irdens Exantus), attachant et efficace stagiaire haïtien fraîchement débarqué au Québec.

Le dernier opus du cinéaste chouchou des Québécois sortira en salle au début du mois d’octobre, soit quelques jours avant que nous soyons réellement convoqués aux urnes. Gageons que la fiction rejoindra la réalité en nous offrant ensuite de savoureuses intrigues politiques puisque les projections laissent présager l’élection d’un gouvernement minoritaire. En pareille situation, nous avons quelques fois été bien malgré nous les témoins de quelques revirements rocambolesques tel que la défection de l’ancienne députée conservatrice Belinda Stronach, laissant esseulé Peter Mackay dans son champ de patates, ou encore l’inoubliable et télégénique appel à la nation de Stéphane Dion.
Pour ma part, mon choix est fait et le 2 octobre prochain, je vous invite massivement à voter du bon Guibord!
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier
La passion d’Augustine : pour se réconcilier avec notre passé
Le dernier film de Léa Pool, La passion d’Augustine, a pris l’affiche au cinéma la semaine dernière. À l’image de Maman est chez le coiffeur, son précédent long métrage de fiction, l’histoire nous transporte au milieu des années 1960, dans le Québec de la Révolution tranquille. Mère Augustine (Céline Bonnier) dirige un couvent de Sœurs à vocation musicale situé au bord du Richelieu.
Grâce à la musique, elle offre à ses étudiantes un destin plus grand que celui qui leur est traditionnellement réservé. Malgré l’excellente réputation dont jouit l’établissement grâce aux nombreux prix remportés par ses étudiantes dans différents concours, une menace de fermeture plane. La récente création du Ministère de l’Éducation et la construction d’écoles publiques laïques forcent la congrégation religieuse à se restructurer. Pour éviter le pire, une grande conférence de presse est organisée pour montrer à tous l’utilité du couvent et les talents qui y sont cultivés. En plus des destinées de sa maison d’enseignement, Mère Augustine doit s’occuper de sa nièce Alice (magnifique Lysandre Ménard), jeune pianiste aussi douée que rebelle. Décelant son talent immense, Mère Augustine la pousse à se dépasser, espérant ainsi décrocher la médaille d’or au concours de musique provincial.
À l’écran, Céline Bonnier est appuyée par une imposante distribution presque exclusivement féminine : Valérie Blais, Andrée Lachapelle, Diane Lavallée, Marie Tifo et Pierrette Robitaille. Sans oublier la musique et le chant, qui ne jouent pas ici les seconds violons. Notons la direction photo impeccable, où le passage de l’hiver au printemps illustre bien le propos du film. Léa Pool possède bien l’art du récit et le résultat est convaincant. On craque pour les personnages tous plus attachants les uns des autres, tout en se laissant bercer par la musique. Par contre, le scénario n’est pas sans défauts : certaines scènes sont trop appuyées et les messages qu’on souhaite passer, notamment quelques envolées féministes et diatribes contre la nationalisation des institutions – sont soulignés en caractères gras. À quelques reprises, des archives radiophoniques viennent inutilement illustrer les changements sociaux que l’on devinerait et comprendrait aisément sans béquille. Aussi, la relation antagoniste opposant Augustine à la Mère supérieure (Marie Tifo), femme mesquine et sans nuances, n’apporte rien au récit qui se suffit en lui-même. Ceci dit, ces petits irritants n’altèrent en rien la qualité du film.
Au-delà du feel good movie et de l’omniprésence enivrante de la musique, ce film constitue une véritable bouffée d’air frais puisqu’il n’embrasse pas le récit officiel de la Révolution tranquille où notamment on célèbre l’abandon de la pratique religieuse. Léa Pool offre un point de vue rare sur les grands bouleversements vécus dans les rangs de l’Église suite à la sécularisation des domaines qui lui étaient autrefois dévolus.
Depuis plus de 50 ans, d’aucun n’ont cessé de célébrer avec raisons les grandes avancées réalisées à cette époque, où l’État moderne québécois s’est construit, où notre société s’est dotée d’institutions et d’outils nécessaires à son développement économique, politique, social et culturel. Trop rarement nous a été présenté l’envers de la médaille de ces réformes, ici les dommages collatéraux subit par les institutions phares du Canada français. Pool offre un regard généreux, plein de tendresse, mais sans complaisance sur ces religieuses qui ont tenté à leur manière d’attraper le train de la modernité qui filait à toute allure, comme en témoigne la scène la plus bouleversante du film. Pour se mettre au goût du jour, les Sœurs de la congrégation jusqu’alors vêtues d’un long et austère costume noir, sont forcées d’adopter une tenue plus moderne et de découvrir cheveux et chevilles. Bousculées et déboussolées, les deux doyennes du couvent, interprétées par Diane Lavallée et Pierrette Robitaille finissent par se plier à la consigne, pleurant en silence leur pudeur perdue.
En plus de ses qualités artistiques indéniables et de la force du récit, ce film fait œuvre utile. La passion d’Augustine est une heureuse invitation à se réconcilier avec notre patrimoine religieux et avec un passé bien moins honteux qu’on aime à se le rappeler, celui du Québec d’avant la Révolution tranquille.
Le film est présenté dans plusieurs salles à travers le Québec. L’horaire des projections dans la grande région de Montréal se trouve ici.
Myriam D’Arcy

Crédit André Chevrier