La passion d’Augustine : pour se réconcilier avec notre passé

Publié le Mis à jour le

Passion_Augustine_poster_final_LRLe dernier film de Léa Pool, La passion d’Augustine, a pris l’affiche au cinéma la semaine dernière. À l’image de Maman est chez le coiffeur, son précédent long métrage de fiction, l’histoire nous transporte au milieu des années 1960, dans le Québec de la Révolution tranquille. Mère Augustine (Céline Bonnier) dirige un couvent de Sœurs à vocation musicale situé au bord du Richelieu.

Grâce à la musique, elle offre à ses étudiantes un destin plus grand que celui qui leur est traditionnellement réservé. Malgré l’excellente réputation dont jouit l’établissement grâce aux nombreux prix remportés par ses étudiantes dans différents concours, une menace de fermeture plane. La récente création du Ministère de l’Éducation et la construction d’écoles publiques laïques forcent la congrégation religieuse à se restructurer. Pour éviter le pire, une grande conférence de presse est organisée pour montrer à tous l’utilité du couvent et les talents qui y sont cultivés. En plus des destinées de sa maison d’enseignement, Mère Augustine doit s’occuper de sa nièce Alice (magnifique Lysandre Ménard), jeune pianiste aussi douée que rebelle. Décelant son talent immense, Mère Augustine la pousse à se dépasser, espérant ainsi décrocher la médaille d’or au concours de musique provincial.

À l’écran, Céline Bonnier est appuyée par une imposante distribution presque exclusivement féminine : Valérie Blais, Andrée Lachapelle, Diane Lavallée, Marie Tifo et Pierrette Robitaille. Sans oublier la musique et le chant, qui ne jouent pas ici les seconds violons. Notons la direction photo impeccable, où le passage de l’hiver au printemps illustre bien le propos du film. Léa Pool possède bien l’art du récit et le résultat est convaincant. On craque pour les personnages tous plus attachants les uns des autres, tout en se laissant bercer par la musique. Par contre, le scénario n’est pas sans défauts : certaines scènes sont trop appuyées et les messages qu’on souhaite passer, notamment quelques envolées féministes et diatribes contre la nationalisation des institutions – sont soulignés en caractères gras. À quelques reprises, des archives radiophoniques viennent inutilement illustrer les changements sociaux que l’on devinerait et comprendrait aisément sans béquille. Aussi, la relation antagoniste opposant Augustine à la Mère supérieure (Marie Tifo), femme mesquine et sans nuances, n’apporte rien au récit qui se suffit en lui-même. Ceci dit, ces petits irritants n’altèrent en rien la qualité du film.

Mélysandre Ménard et Céline Bonnier, La passion d'Augustine. Source: Les films Séville
Lysandre Ménard et Céline Bonnier, La passion d’Augustine.
Source: Les films Séville

Au-delà du feel good movie et de l’omniprésence enivrante de la musique, ce film constitue une véritable bouffée d’air frais puisqu’il n’embrasse pas le récit officiel de la Révolution tranquille où notamment on célèbre l’abandon de la pratique religieuse. Léa Pool offre un point de vue rare sur les grands bouleversements vécus dans les rangs de l’Église suite à la sécularisation des domaines qui lui étaient autrefois dévolus.

Depuis plus de 50 ans, d’aucun n’ont cessé de célébrer avec raisons les grandes avancées réalisées à cette époque, où l’État moderne québécois s’est construit, où notre société s’est dotée d’institutions et d’outils nécessaires à son développement économique, politique, social et culturel. Trop rarement nous a été présenté l’envers de la médaille de ces réformes, ici les dommages collatéraux subit par les institutions phares du Canada français. Pool offre un regard généreux, plein de tendresse, mais sans complaisance sur ces religieuses qui ont tenté à leur manière d’attraper le train de la modernité qui filait à toute allure, comme en témoigne la scène la plus bouleversante du film. Pour se mettre au goût du jour, les Sœurs de la congrégation jusqu’alors vêtues d’un long et austère costume noir, sont forcées d’adopter une tenue plus moderne et de découvrir cheveux et chevilles. Bousculées et déboussolées, les deux doyennes du couvent, interprétées par Diane Lavallée et Pierrette Robitaille finissent par se plier à la consigne, pleurant en silence leur pudeur perdue.

En plus de ses qualités artistiques indéniables et de la force du récit, ce film fait œuvre utile. La passion d’Augustine est une heureuse invitation à se réconcilier avec notre patrimoine religieux et avec un passé bien moins honteux qu’on aime à se le rappeler, celui du Québec d’avant la Révolution tranquille.

Le film est présenté dans plusieurs salles à travers le Québec. L’horaire des projections dans la grande région de Montréal se trouve ici.

Myriam D’Arcy

Myriam D'Arcy Crédit André Chevrier
Myriam D’Arcy
Crédit André Chevrier

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