Festival du Jamais LU (3)
Rencontre avec Marianne Dansereau et Geoffrey Gaquère qui nous offrent la pièce Savoir compter
Par Marco Fortier
Savoir compter, de l’auteure Marianne Dansereau, sera lu pour la toute première fois ce lundi 4 mai à 20 heures, au Théâtre aux Écuries, dans le cadre du Festival du Jamais LU. Dans un langage cru et sans fard, cette pièce traite des rapports amoureux à une époque où l’engagement est remis en question, où l’on ne sait jamais si on peut vraiment compter sur l’autre. Ce texte sera mise en lecture par Geoffrey Gaquère et une kyrielle de comédiens : Alex Bergeron, Catherine Chabot, Violette Chauveau, Joanie Guérin, Simon Landry-Désy, Gabrielle Lessard, Sébastien René et Maxime René de Cotret. C’est avec plaisir que je me suis entretenu avec l’auteure et le metteur en scène pour nous en dire plus sur cette pièce.
Marianne Dansereau, âgée d’à peine 24 ans, est parmi les plus jeunes, sinon la plus jeune, auteures invitées au Jamais LU en 2015. Graduée en 2014 de l’École Nationale de Théâtre en interprétation, elle cumule le métier de comédienne et d’auteure. Hamster[1], sa première pièce lui a valu le prix du texte le plus prometteur en 2013 décerné par le CEAD (Centre des auteurs dramatiques). Du 5 au 15 mai prochain, elle jouera au Théâtre Denise Pelletier. Elle sera également de la distribution de la pièce Les Zurbains 2015, une production du Théâtre Le Clou. À compter de septembre prochain, elle sera auteure en résidence au Théâtre aux Écuries et travaillera aux côtés d’Olivier Choinière. Pour sa part, Geoffrey Gaquère est né en 1975 à Bruxelles en Belgique. À 18 ans, il est entré au Conservatoire Royal d’art dramatique. En 2000, il est reçoit son diplôme en interprétation de l’École Nationale de Théâtre à Montréal. Il s’est rapidement intéressé à la mise en scène et depuis un an il est le nouveau directeur artistique du théâtre l’Espace Libre. Il assure la mise en lecture de la pièce présentée ce lundi.
MF : Marianne, à quoi réfère le titre de ta pièce?
MD : Savoir compter, c’est d’abord savoir compter sur soi, mais aussi sur les autres. Trop souvent, les gens ne s’appartiennent pas et se comportent selon des stéréotypes plus ou moins préétablis. J’aime que mes personnages soient étranges, improbables. Leurs comportements ne sont pas conformes à ce qu’ils sont réellement puisque la plupart du temps, ils agissent sous le coup de la panique.
MF : Pourquoi ta pièce est construite par thème, plutôt que de manière chronologique? En quoi cette linéarité servait le texte?

Crédit: Maxime Côté
MD : Je voulais sortir du carcan qui suppose invariablement un début, un milieu, puis une fin. C’est trop prévisible. Voilà pourquoi j’ai fait exploser la structure narrative. J’ai confiance en l’intelligence du public pour remettre les morceaux de l’histoire en place. Les scènes de vengeance sont rassemblées, comme celles de mensonges, d’amour, etc. De plus, on retrouve trois chronologies : le présent, le passé et le rêve. C’est vraiment un défi que je me lance, de même qu’au public. Est-ce que je donne les bonnes clés aux bons endroits pour qu’on me comprenne?
MF : Pensez-vous que Savoir compter surprendra le public?
MD : Je pense que les gens ne sont pas habitués à se faire parler de sexualité, de relations interpersonnelles, d’amour désiré, de trahison, de façon aussi directe, crue, et vulgaire même. La pornographie, beaucoup consommée par les jeunes et les moins jeunes, influence nos rapports humains. Quand est-ce qu’on aime et quand est-ce qu’on veut posséder? On a trop souvent des comportements d’animaux. Nous nous transformons en proie ou en prédateur dans nos interactions avec l’autre. Disons que je n’y vais pas par quatre chemins et je suis très curieuse de voir si le public l’acceptera ou sera choqué par le propos de la pièce. Aussi, j’espère qu’il rira parce que le thème est abordé avec humour. C’est autant « trash » que drôle !
GG : J’ai accepté de mettre en lecture le texte de Marianne parce que son écriture est unique et très engagée. Sa langue, son verbe et sa poésie ressemblent à nulle autre. Quand on la rencontre, on a de la difficulté à croire qu’il peut y avoir autant d’excès et de démesure qui émanent d’elle. Avec audace, elle présente des personnages très typés, qui représentent bien les rapports amoureux d’aujourd’hui, rudes et fortement imprégnés de la culture du net, de la pornographie. Je suis convaincu que si elle continue sur cette lancée, Marianne nous surprendra encore avec ses prochains textes.
MF : Comment se déroulent les répétitions ?
MD : On a une équipe de feu ! On est nombreux et c’est super agréable. Geoffrey m’a permis de choisir les comédiens que j’avais en tête au moment d’écrire le texte. Et ils ont accepté, ce dont je suis bien heureuse. Ce sont presque tous des jeunes gradués des 5 dernières années de l’École Nationale de Théâtre. Je trouve ça intéressant. Ils représentent une nouvelle parole dans la vingtaine, une certaine vague de fraicheur. Ça sera une occasion de découvrir de nouveaux acteurs.

Crédit: David Ospina
GG: J’aborde ce travail de mise en lecture avec l’idée de servir le texte et non pas d’y imprimer ma propre interprétation comme je le ferais lors d’une mise en scène. La distribution que Marianne a choisie plonge facilement dans l’univers proposé. Je demande aux acteurs d’assumer ce qui est écrit, de ne pas juger leur personnage, d’être totalement sincères et humains.
Le texte est vraiment « flyé », dans le bon sens. On navigue dans un univers sans compromis, « frette net sec », mais avec une langue superbe. Dans la société dans laquelle on vit, qui est capable de regarder toutes ces émissions de télé-réalité, plus vulgaires les unes que les autres, je pense qu’on est capable de prendre un texte de théâtre un peu hors du commun. Et si jamais on est choqué par ce qu’on entend, ça veut dire que ça fait du bien de se faire réveiller parce c’est dans cet univers qu’on vit.
MF : Merci, bonne lecture et bon festival !
Vous pouvez voir Savoir compter au Théâtre aux Écuries, le lundi 4 mai à 20 heures. Pour vous procurer des billets, cliquez ici.
Marco Fortier
[1] http://voir.ca/scene/2013/07/17/zone-homa-entrevue-avec-marianne-dansereau-hamster/